Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...W..., M. et Mme E...R..., M. et Mme M...O..., M. T... K..., M. U...G..., Mlle S...G..., Mme P...N..., M. et Mme C...L..., M. et Mme F...et la commune de Rougeries ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 3 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a délivré à la société " Parc Eolien Nordex III ", cinq permis de construire relatifs à un parc de six éoliennes, dit du " Vilpion ", situé sur le territoire des communes de Voharies, Saint-Gobert, Lugny et Houry, ainsi que les décisions implicites par lesquelles le préfet de la région Picardie a rejeté les recours gracieux formés contre ces arrêtés.
Par un jugement n° 1203290 du 12 octobre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés du 3 avril 2012 ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés contre ces arrêtés.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2015, et un mémoire, enregistré le 21 novembre 2016, la société Parc Eolien Nordex III, représentée par Me I...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme W...et autres ;
3°) subsidiairement, de surseoir à statuer sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de M. et Mme W...et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le décret n° 2009-496 du 30 avril 2009 ;
- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...H..., représentant la société Nordex III, et de Me Q...J..., représentant M. et Mme W...et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 décembre 2007, la société " Parc Eolien Nordex III " a sollicité la délivrance de cinq permis de construire pour la réalisation d'un parc éolien dit du Vilpion comprenant six aérogénérateurs et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Voharies, Saint-Gobert, Lugny et Houry (Aisne). Par cinq arrêtés du 2 septembre 2009, le préfet de ce département a refusé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, de délivrer les permis demandés. Par un jugement du 16 juin 2011, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir censuré le motif retenu par le préfet, a annulé ces refus et lui a enjoint de procéder au réexamen des demandes de permis dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par des arrêtés du 3 avril 2012, le préfet de la région Picardie, au titre de son pouvoir d'évocation, a délivré à la société Parc Eolien Nordex III, cinq permis de construire relatifs au même parc éolien. M. et Mme W...et autres ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 3 avril 2012, ainsi que les décisions implicites par lesquelles le préfet a rejeté les recours gracieux formés contre ces arrêtés, les 27 et 30 juillet 2012 puis les 1er et 2 août 2012. La société Parc Eolien Nordex III relève appel du jugement du 12 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés du 3 avril 2012 et les décisions portant rejet des recours gracieux.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour prononcer cette annulation, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le motif tiré de ce que le projet de permis de construire le parc éolien en litige était soumis à étude d'impact en vertu des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme et R. 122-8 du code de l'environnement et que les dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, avaient été méconnues. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce motif d'annulation contesté devant elle.
En ce qui concerne la soumission des permis de construire à une étude d'impact préalable :
3. L'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, relatif à certaines pièces complémentaires qui doivent être jointes à la demande de permis de construire en fonction de la situation ou de la nature du projet, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté, dispose que : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement (...) ". Les articles R. 122-1 et suivants du code de l'environnement, qui fixent la liste des travaux, ouvrages ou aménagements soumis à une étude d'impact, de même que l'article R. 123-1 du même code et son annexe, qui déterminent les catégories d'aménagements, ouvrages et travaux soumis à enquête publique, dans leur rédaction en vigueur à la même date, précisent notamment ceux qui le sont au titre de la délivrance d'un permis de construire.
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la jonction de l'étude d'impact au dossier de demande de permis de construire et l'organisation d'une enquête publique avant de délivrer un permis de construire ne sont en principe exigées que pour les projets désignés par le code de l'environnement comme soumis à cette formalité ou à cette procédure au titre des constructions soumises à permis de construire. Elles s'imposent également lorsque le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire est soumis à la réalisation d'une étude d'impact ou d'une enquête publique en vertu d'autres dispositions que celles prises au titre des constructions soumises à permis de construire, mais que seule la procédure de délivrance du permis de construire permet de prendre en compte les éléments de l'étude d'impact ou d'organiser l'enquête publique.
5. Les éoliennes ne sont pas au nombre des constructions soumises à permis de construire qui doivent, en vertu des dispositions du 15° du tableau annexé à l'article R. 122-8 du code de l'environnement alors en vigueur et du 21° du tableau annexé à l'article R. 123-1 du code de l'environnement, faire l'objet d'une étude d'impact ou d'une enquête publique.
6. Cependant, l'implantation d'une ou plusieurs installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent dont la hauteur du mât dépasse 50 mètres était subordonnée à la réalisation préalable de l'étude d'impact et d'une enquête publique en vertu des dispositions de l'article L. 553-2 du code de l'environnement, abrogées le 12 juillet 2011 par les dispositions de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement qui a par ailleurs adopté le principe de leur soumission à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Les éoliennes ont été insérées dans la nomenclature des installations classées par le décret n° 2011-984 du 23 août 2011, qui a soumis à autorisation au titre de l'article L. 511-2 celles dont la hauteur du mât dépasse 50 m.
7. En vertu du 4ème alinéa de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, " Les demandes déposées pour des installations avant leur classement au titre de l'article L. 511-2 et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris sont instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Au terme de ces procédures, les installations concernées sont soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d'application ".
8. En l'espèce, si les demandes de permis de construire ont été déposées avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010, aucun arrêté d'ouverture d'enquête publique n'a été pris avant l'entrée en vigueur de cette loi. Ainsi, conformément aux dispositions transitoires citées au point précédent, ces demandes n'avaient pas à être instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Dès lors, le projet devait être soumis aux nouvelles procédures applicables aux éoliennes depuis leur soumission à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. En outre, il est constant que c'est effectivement au stade de la procédure d'instruction de l'autorisation d'exploiter que l'enquête publique a été réalisée pendant laquelle l'étude d'impact a, notamment, été mise à disposition du public. Par conséquent c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu que les dossiers des permis de construire en litige devaient comporter une étude d'impact.
En ce qui concerne la communication au public de l'étude d'impact dès la phase d'instruction des permis de construire sur le fondement de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 :
9. Le paragraphe 2 de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, qui a repris les dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 de la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et prive´s sur l'environnement, prévoit que diverses informations mentionnées dans cet article sont communiquées au public à " un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement visées à l'article 2, paragraphe 2, et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies ". La soumission d'un projet à une enquête publique régie par les dispositions du code de l'environnement doit être regardée comme une modalité d'information et de participation du public assurant la mise en oeuvre des objectifs fixés par les dispositions citées ci-dessus de l'article 6 de la directive.
10. Ainsi, l'enquête publique, mise en oeuvre comme il a été rappelé au point 8, a offert la garantie d'une soumission à un stade suffisamment précoce des informations requises relatives notamment à l'étude d'impact. Il en résulte que la société Nordex III est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu le moyen énoncé au point 2 pour prononcer l'annulation des permis de construire.
11. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme W... et autres devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens liés à la non-conformité à la directive européenne :
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la directive du 13 décembre 2011 :
12. Aux termes du 1er paragraphe de l'article 2 de la directive précitée du 13 décembre 2011 : " Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l'article 4 ". En outre, le paragraphe 2 du même article prévoit que : " L'évaluation des incidences sur l'environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d'autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d'autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive ". Le paragraphe 2 de l'article 4 de la directive permet aux Etats membres, pour les projets soumis à l'annexe II, de déterminer si l'évaluation des incidences potentielles d'un projet sur l'environnement avant qu'il ne soit autorisé doit être effectuée sur la base d'un examen au cas par cas ou sur la base de seuils ou critères fixés par l'Etat membre. Les " Installations destinées à l'exploitation de l'énergie éolienne pour la production d'énergie (parcs éoliens) " relèvent du point i du 3 (Industries de l'énergie) de l'annexe II de cette directive. Ces projets ne sont donc pas, aux termes de cette directive, obligatoirement soumis à évaluation environnementale, dès lors que les Etats membres disposent d'une marge d'appréciation. Par suite, les dispositions précitées de l'article 4 de la directive qui ne créent en tout état de cause qu'une obligation conditionnelle, ne sont pas directement invocables devant le juge administratif. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la directive doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la directive au regard de la mise à disposition des dossiers de permis de construire à un stade suffisamment précoce de la procédure :
13. Ainsi qu'il a déjà été dit et conformément à la directive, notamment le paragraphe 2 de l'article 2 de la directive du 13 décembre 2011, cité au point 12, qui laisse aux autorités nationales le choix de la prise en compte des incidences sur l'environnement dans les procédures existantes d'autorisations ou dans d'autres procédures, la loi du 12 avril 2010 a décidé de modifier le régime existant et de soumettre les projets éoliens à une évaluation de leurs incidences sur l'environnement dans le cadre non plus de la police de l'urbanisme mais dans celle de l'autorisation d'exploiter.
14. En outre, en application de l'article L. 425-10 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une installation classée soumise à autorisation en application de l'article L. 512-2 du code de l'environnement (...), les travaux ne peuvent être exécutés : / a) Avant la clôture de l'enquête publique pour les installations soumises à autorisation ; / (...) ". Il s'en déduit que les résultats de l'enquête publique peuvent être pris en compte alors même que l'autorisation de construire a été délivrée. Il peut en effet être tenu compte des résultats de l'enquête de telle sorte que l'autorité administrative décide de confirmer son choix, d'y renoncer ou de le corriger notamment par la délivrance d'un permis modificatif ou d'un nouveau permis, si les modifications apportées au projet initialement autorisé sont substantielles.
15. Dans ces conditions, non seulement la procédure de délivrance du permis de construire n'est pas la seule à permettre de prendre en compte les éléments de l'étude d'impact ou l'organisation de l'enquête publique, mais, en outre, le fait de soumettre l'ensemble du projet, et notamment le dossier de permis de construire, dans le cadre de l'enquête publique à un stade où des modifications peuvent encore intervenir, n'est pas contraire à l'objectif visé par l'article 6 précité de la directive qui prévoit de soumettre à un stade suffisamment précoce certaines informations au public. Cette information est en effet, dans l'esprit du législateur européen, notamment destinée à permettre au public une participation effective à la prise de décisions par la formulation d'avis ou de préoccupations pouvant être utiles pour les décisions en question et à permettre au décideur de tenir compte de ces avis et préoccupations. Dès lors, la seule circonstance que les dossiers des permis de construire en litige n'auraient pas été mis de manière complète ou satisfaisante à disposition du public avant l'enquête publique intervenue dans le cadre du projet soumis à autorisation d'exploiter n'a pas été, en l'espèce, de nature à entacher ces décisions d'irrégularité au regard de l'article 6§2 de la directive du 13 décembre 2011 qui reprend sur ce point les dispositions de la directive du 27 juin 1985.
Sur les autres moyens de M. et Mme W...et autres :
En ce qui concerne la compétence du préfet de région :
16. Aux termes du dernier alinéa du I de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département ".
17. Par un arrêté du 26 juillet 2010 modifié, le préfet de la région Picardie a choisi d'évoquer la compétence que les préfets des départements de l'Aisne, de l'Oise et de la Somme détiennent pour la délivrance des permis de construire les éoliennes terrestres, à des fins de coordination régionale et pour une durée limitée. Est sans incidence sur la légalité de cet arrêté la circonstance qu'à la date à laquelle il a été pris, l'élaboration des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ou éoliens n'était pas achevée dès lors que le préfet de région n'a pas entendu attendre l'élaboration de ces schémas pour déterminer un cadre d'implantation cohérent des éoliennes en Picardie. Par suite et à supposer même qu'ils aient entendu invoquer un tel moyen, M. et Mme W...et autres ne peuvent utilement se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 14 juin 2012 portant droit d'évocation du préfet de la région Picardie à l'encontre de l'arrêté attaqué. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de la région Picardie doit être écarté.
En ce qui concerne les autorisations du gestionnaire du domaine public :
18. Aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ".
19. Le raccordement, à partir de son poste de livraison, d'une installation de production d'électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l'autorisant. La délivrance de ce permis n'est donc pas subordonnée, hors l'hypothèse où l'installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l'obtention préalable d'une autorisation d'occupation du domaine public.
20. Les requérants ne sauraient utilement invoquer l'absence aux dossiers des demandes de permis de construire en litige de pièces attestant de l'accord des autorités gestionnaires du domaine public routier et des ouvrages de distribution de l'électricité pour le passage des câbles électriques, dès lors que les éoliennes projetées ne sont implantées sur aucune parcelle appartenant au domaine public ni ne les surplombent et que leur raccordement au réseau électrique relève d'une opération distincte de leur construction et postérieure à celle-ci.
21. Par suite, M. et Mme W...et autres ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme imposaient de joindre aux dossiers de demande de permis une autorisation d'occupation temporaire des ouvrages du réseau public de distribution d'électricité et surtout, du domaine public routier, pour les câbles électriques reliant les éoliennes entre elles et ceux les reliant aux postes de livraison, empruntant la route nationale n°2.
En ce qui concerne le projet architectural :
22. L'article R. 431-10 du code de l'urbanisme précise que : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, (...) ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
23. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
24. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire comportait une étude d'impact réalisée sur le fondement de l'ancien a) de l'article L. 553-2 du code de l'environnement, accompagnée de son volet paysager qui analyse les contraintes environnementales et patrimoniales du projet en évoquant notamment l'église et le château de Marfontaine. Le dossier comporte, par ailleurs, plusieurs cartes représentant l'ensemble des monuments historiques inscrits ou classés situés à proximité de la zone d'implantation des éoliennes projetées dans le cadre d'une évaluation de leur impact paysager. Si la direction de l'environnement a émis un avis du 18 mars 2008 aux termes duquel " 1'analyse des covisibilités attendues avec le patrimoine historique important et spécifique de la Basse Thiérache [était] insuffisant et nécessit[ait] des photomontages complémentaires ", il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a transmis au service instructeur un volet paysager complémentaire en vue de prendre en compte l'avis du 18 mars 2008 qui comporte une analyse de la présence d'autres parcs éoliens situés à proximité du parc du Vilpion ainsi que des photomontages supplémentaires portant plus spécifiquement sur le château de Marfontaine, et les églises fortifiées environnantes. Des photographies du village de Saint-Gobert et de son église sont produites dans le volet paysager lequel rappelle qu'elle n'a pas fait l'objet d'un classement. La circonstance que le dossier ne comporte pas de photomontage permettant d'apprécier l'impact du parc vis-à-vis du château de Saint-Gobert ou de l'église de Rougeries, n'a pas, malgré l'intérêt patrimonial de ces bâtiments, été, en l'espèce, de nature à vicier l'analyse de l'intégration paysagère du projet éolien critiqué, compte tenu des autres pièces du dossier qui permettent d'apprécier la position des constructions projetées par rapport à ces édifices ainsi que leur impact qui est faible ou inexistant. Dans ces conditions, l'ensemble des éléments du dossier produits à l'appui de la demande de la société Parc Eolien Nordex III a permis à l'autorité administrative d'apprécier de façon suffisamment précise l'impact du projet sur son environnement paysager et patrimonial et, dès lors, la conformité du projet au regard de la réglementation sur ce point.
25. Il résulte de ce qui a été dit aux points 22 à 24 que le moyen tiré de l'irrégularité du dossier de demande de permis de construire au regard des dispositions de l'article R. 431-10 doit être écarté.
En ce qui concerne les procédures de consultation :
26. Aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée ". Aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, entré en vigueur au 15 janvier 2012 : " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d'une zone de développement de l'éolien définie par le préfet, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ".
27. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif, dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.
28. Les permis de construire modificatifs du 11 mars 2015 ont été délivrés par le préfet de la région Picardie après que, d'une part, l'avis favorable sur le projet a été rendu, le 12 novembre 2014, par le premier adjoint au maire de la commune de Saint-Gobert et que, d'autre part, les communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes du projet ont rendu un avis sur celui-ci conformément aux dispositions, dont l'illégalité n'est pas établie par les intimés, de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de l'irrégularité de l'avis rendu le 10 décembre 2007 par le maire de la commune de Saint-Gobert, dès lorsqu'il était intéressé par l'implantation des éoliennes E2 et E3 sur des terrains lui appartenant et, d'autre part, de l'absence de consultation de communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes du projet, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre des permis en litige.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe de participation du public tel qu'il est prévu par les dispositions de l'article L. 110-1 du code de l'environnement et la convention dite d'Aarhus :
29. Les dispositions du 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement relatives au " principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ", se bornent à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois et n'impliquent, par elles-mêmes, aucune obligation de procéder à l'association du public au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement. Par suite, la méconnaissance du principe de participation du public énoncé au 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne saurait être utilement invoquée au soutien d'une demande tendant à l'annulation d'un acte administratif ;
30. Par ailleurs, s'agissant des projets éoliens qui ne sont pas au nombre des projets mentionnés de manière spécifique par l'annexe 1 de la convention du 25 juin 1998 dite convention d'Aarhus, les stipulations de l'article 6 paragraphes 4 et 8 de cette convention créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut donc être utilement invoqué.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale visé à l'article L. 122-1 du code de l'environnement :
31. L'article 1er du décret du 30 avril 2009 relatif à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement prévue aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du code de l'environnement a créé un article R. 122-1-1 au code de l'environnement qui a prévu, selon les cas énoncés par cet article, différentes autorités administratives de l'Etat chargées d'exercer la compétence en matière d'environnement, dont le préfet de région ou le préfet coordonateur dans les conditions définies par le III de l'article R. 122-1-1. Le premier alinéa de l'article 6 du même décret a prévu l'entrée en vigueur suivante : " Les articles 1er à 3 s'appliquent aux projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements dont l'étude d'impact est remise à l'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution après le premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret ". Cette publication est intervenue le 3 mai 2009 au Journal officiel de la République. Il est constant que l'étude d'impact en cause élaborée lors de la première demande de permis de construire ainsi qu'il a été rappelée au point 1, a été déposée antérieurement à la date d'entrée en vigueur du décret. En outre, et postérieurement à cette date, les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ne subordonnaient plus la délivrance des permis de construire en litige à la production préalable d'une étude d'impact par le pétitionnaire ainsi qu'il a été rappelé notamment au point 6. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'avis émis par l'autorité environnementale sur une telle étude d'impact préalablement à la délivrance de permis de construire en violation des dispositions des articles L. 122-1 et R. 122-1-1 du code de l'environnement, doit être écarté.
En ce qui concerne les risques pour la sécurité publique :
32. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
33. En se bornant à faire état des risques de projections de pales d'une éolienne située à 175 mètres sur la route nationale n° 2 largement fréquentée par les automobilistes, les requérants ne démontrent pas, compte tenu de la rareté de tels accidents et de la position des machines, l'existence d'un risque particulier pour les usagers des voies de circulation les plus proches du parc éolien. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'éolienne la plus proche se situe à moins de 350 mètres de cette voie de circulation. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages :
34. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
35. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ou de celles du règlement d'un plan local d'urbanisme ayant le même objet et dont les exigences ne sont pas moindres, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;
36. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, de façon générale, le projet litigieux soit de nature à porter atteinte aux lieux avoisinants et aux paysages de la basse-Thiérache qui s'ils présentent un caractère pittoresque, ne font l'objet d'aucune inscription ou classement et ne nécessitent pas une protection marquée. En outre, les photographies et photomontages dont se prévalent les requérants ne suffisent pas, compte tenu de la configuration des lieux, du relief et des effets masquants de la végétation abondante, à établir la réalité d'une atteinte aux éléments patrimoniaux dignes d'intérêt existant à proximité notamment à Saint-Gobert ou à Marfontaine, en particulier, au château de Marfontaine inscrit au titre des monuments historiques situé à environ deux kilomètres des engins. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en délivrant les permis litigieux, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme doit être écarté.
37. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Parc Eolien Nordex III est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés du 3 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie lui a délivré les permis de construire relatifs au parc éolien dit du Vilpion ainsi que les décisions portant rejet de des recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
38. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. et Mme W...et autres, sans qu'il y ait lieu d'exclure à ce titre Mme L...en dépit de sa déclaration de retrait de la procédure d'appel dès lors qu'elle figurait au titre des demandeurs de première instance, le paiement à la société Nordex III de la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure qu'elle a exposés en appel.
39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Nordex III qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme W...et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 12 octobre 2015 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande de M. et Mme W...et autres est rejetée.
Article 3 : M. et Mme W...et autres verseront à la société Nordex III une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...W..., à M. et Mme E...R..., à M. et Mme M...O..., à M. T...K..., à M. U...G..., à Mme S...G..., à Mme P...N..., à Mme V...L..., à M. et MmeF..., à la société Nordex III et au ministre de la cohésion des territoires.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Picardie, au préfet de l'Aisne, et, en application des dispositions de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Laon.
2
N°15DA01903