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21/06/2016 | FRANCE | N°15DA00784

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 21 juin 2016, 15DA00784


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...H...épouse K...a demandé de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil à lui verser, d'une part, la somme totale de 60 200 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis par sa mère, Mme F...Z...épouseH..., résultant des infections nosocomiales contractées dans cet établissement public de santé et, d'autre part, la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection.

Par un jugement n° 1201678 du 19 mars 2015, le tribunal administra

tif de Rouen a condamné le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil à verser à Mme K......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...H...épouse K...a demandé de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil à lui verser, d'une part, la somme totale de 60 200 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis par sa mère, Mme F...Z...épouseH..., résultant des infections nosocomiales contractées dans cet établissement public de santé et, d'autre part, la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection.

Par un jugement n° 1201678 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil à verser à Mme K... une somme de 5 508,80 euros, en sa qualité d'ayant droit de Mme H...et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2015, MmeK..., représentée par Me R...A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de porter à la somme de 59 000 euros l'indemnité due au titre des préjudices subis par sa mère et à 20 000 euros l'indemnité due au titre de son propre préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la dégradation de l'état de santé de sa mère est due à une série d'infections nosocomiales qui ont provoqué une aggravation des préjudices subis jusqu'à son décès.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2015, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me U...P..., conclut à sa mise hors de cause.

Il soutient que le décès de Mme H...trouve sa cause dans l'accident vasculaire cérébral survenu au mois de janvier 2003.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2016, le centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil, représenté par Me I...V..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il l'a condamné à indemniser Mme K...et de rejeter la demande de cette dernière présentée devant cette juridiction.

Il soutient que :

- le tribunal a retenu à tort l'existence d'une infection nosocomiale survenue en janvier 2003 car la complication infectieuse était induite par la pathologie de la patiente et elle ne résultait pas d'un acte de soins ;

- la pneumopathie n'est que la conséquence exclusive des troubles liés à l'accident vasculaire cérébral de la patiente ;

- les complications infectieuses n'ont pas aggravé l'état de santé de MmeH... ;

- l'indemnisation demandée en appel est excessive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me J...S..., substituant Me U...P..., représentant l'ONIAM.

1. Considérant que MmeH..., alors âgée de 76 ans, a été admise le 14 janvier 2003 au service des urgences du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil où lui a été diagnostiqué un accident vasculaire cérébral ; qu'elle a fait l'objet d'une gastrostomie par voie endoscopique le 21 mai 2003 ; qu'après différentes hospitalisations dans le même centre succédant à de brefs retours à son domicile elle a présenté plusieurs complications infectieuses jusqu'au 6 mai 2005, date de son décès ; que MmeK..., ayant droit de sa mère MmeH..., a saisi le 18 novembre 2009, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Haute-Normandie d'une demande d'indemnisation ; que celle-ci a estimé, dans un avis émis le 12 octobre 2010, que les conditions de l'engagement de la responsabilité du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil ainsi que la mise en oeuvre de la solidarité nationale n'étaient pas réunies ; que, par un jugement du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Rouen a reconnu la responsabilité du centre hospitalier dans la survenance d'une infection nosocomiale qui s'est déclarée au mois de janvier 2003 et l'a condamné à indemniser la requérante ; que Mme K... relève appel de ce jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant, d'une part, qu'il a limité la période d'indemnisation des préjudices subis par sa mère et par elle-même et en tant, d'autre part, qu'il a fixé à la somme de 5 508,80 euros, le montant de l'indemnité qui lui a été versée ; que, par la voie de l'appel incident, le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil demande l'annulation du jugement précité en tant qu'il l'a condamné à indemniser la requérante ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) " ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 8 juillet 2010 à la demande de la CRCI, que le décès de Mme H...a exclusivement pour origine un accident vasculaire cérébral ayant entraîné un déficit neurologique très sévère dont l'évolution a conduit à ce décès sans que ce dernier puisse être rattaché aux différents épisodes infectieux dont la patiente a été victime ; que les experts ont relevé que la pneumopathie d'inhalation contractée par Mme H...le 14 janvier 2003, quarante-huit heures après son hospitalisation, a pour origine un reflux gastro-oesophagien provoqué lui-même par l'accident vasculaire cérébral de la patiente et qui se caractérise par la régurgitation du liquide gastrique qui pénètre ensuite dans les bronches de la patiente ; que cet épisode infectieux, dont les hommes de l'art indiquent au demeurant qu'il aurait pu survenir de la même manière en dehors de toute hospitalisation, n'est pas en rapport, ne fût-ce que partiellement ou indirectement, avec les soins prodigués à Mme H...lors de son hospitalisation ; que, par suite, cette infection ne présente pas un caractère nosocomial au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

4. Considérant, s'agissant des autres épisodes infectieux dont a été victime MmeH..., que les experts indiquent que l'infection cutanée de l'orifice de gastronomie survenue au mois de juillet 2003 au domicile de l'intéressée était certes associée aux soins mais n'était pas d'une particulière gravité et n'avait engendré aucune séquelle ; que les hommes de l'art ont également relevé que les infections urinaires qui se sont déclarées aux mois d'août et de septembre 2003 à la suite de la pose d'une sonde pendant une nouvelle période d'hospitalisation de l'intéressée du 14 août au 22 septembre 2003 n'ont nécessité aucune antibiothérapie et ne se sont traduites par aucune infection invasive systémique engendrant de quelconques séquelles ; que les épisodes de surinfection bronchique due à l'inhalation de bactéries du contenu pharyngé apparue aux mois de septembre et d'octobre 2003 lors de la présence de Mme H...à son domicile et de gastroentérite survenue au mois de mars 2005 au centre médical de Martot ont été traités efficacement et n'ont également pas provoqué de séquelles ;

5. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 4, la responsabilité du CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil ne peut qu'être écartée ; que les conditions d'intervention de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale prévues par les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique n'étant pas non plus remplies dès lors que le décès de Mme H...ne trouve son origine ni dans un accident médical non fautif, ni dans une infection nosocomiale, ce dernier est fondé à demander sa mise hors de cause ainsi que l'avait au demeurant jugé le tribunal administratif de Rouen ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal de Mme K...ne peut qu'être rejeté ; que le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil est fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser à Mme K...une indemnité de 5 508,80 euros ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme K...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme K...est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 1201678 du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a condamné le CHI d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil à verser à Mme K... une somme de 5 508,80 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 mars 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...H...épouseK..., au centre hospitalier intercommunal (CHI) d'Elbeuf-Louviers-Val de Reuil, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen Elbeuf Dieppe Seine-Maritime, à M. O...H..., à Mme C...H...épouseL..., à Mme D...H...épouseQ..., à M. B...H..., à M. E...H..., à M. M...H..., à M. X... H..., à Mme W...H..., à M. N...H...et à M. Y...H....

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Hoffmann, président de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 juin 2016.

Le rapporteur,

Signé : M. AA...Le président de chambre,

Signé : M. T...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA00784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00784
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07-02 Procédure. Introduction de l'instance. Délais. Point de départ des délais.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-06-21;15da00784 ?
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