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22/12/2016 | FRANCE | N°15DA00135

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 22 décembre 2016, 15DA00135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) MDC Hydro a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2012 du préfet de l'Eure constatant l'arrêt de l'exploitation de la centrale hydraulique dite du Val Anglier, à Perriers-sur-Andelle, et précisant les conditions de sa gestion temporaire, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 7 février 2013.

Par un jugement n° 1301246 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) MDC Hydro a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2012 du préfet de l'Eure constatant l'arrêt de l'exploitation de la centrale hydraulique dite du Val Anglier, à Perriers-sur-Andelle, et précisant les conditions de sa gestion temporaire, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 7 février 2013.

Par un jugement n° 1301246 du 25 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2015, et un mémoire, enregistré le 26 octobre 2016, la SARL MDC Hydro, représentée par Me D... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat quant à la légalité des dispositions de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pu faire utilement valoir ses observations avant l'adoption de l'arrêté en litige ;

- cet arrêté est dépourvu de base légale ;

- aucune obligation ne pouvait lui être imposée quant au franchissement, ni à la date de l'arrêté en litige, ni à la date du jugement attaqué ;

- la circulaire DCE n° 2008/25 du 6 février 2008 relative au classement des cours d'eau au titre de l'article L. 214-17 I du code de l'environnement et aux obligations qui en découlent pour les ouvrages n'a aucune valeur juridique et ne peut être opposée aux administrés ;

- les dispositions de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, qui font l'objet d'un recours pendant devant le Conseil d'Etat et fondent l'arrêté en litige, sont illégales ;

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;

- le préfet de l'Eure s'est estimé lié par l'avis de la directrice départementale des territoires et de la mer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande présentée devant le tribunal était tardive;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me C...B..., représentant la société MDC Hydro.

1. Considérant que, par l'article 2 de l'arrêté du 4 décembre 2012, le préfet de l'Eure a constaté l'arrêt, depuis le 29 mars 2004, de la turbine et de la production d'énergie électrique de la centrale du Val Anglier que la SARL MDC Hydro exploite à Perriers-sur-Andelle ; qu'il a également, à l'article 3, prescrit les mesures destinées à assurer la gestion temporaire des installations et ouvrages associés pendant la période d'arrêt ; que, par l'article 4, il a précisé les conditions de remise en service de la centrale et subordonnée notamment à la délivrance d'une autorisation d'exploiter et au constat, par le service de la police de l'eau, du respect des dispositions de l'article L. 432-6 du code de l'environnement ; qu'à ce dernier titre, il a précisé que les installations devaient être mises en conformité pour préserver la continuité écologique, particulièrement la circulation piscicole des espèces migratrices et le transit sédimentaire, et que devait être mis en oeuvre l'ensemble des dispositions concourant à la sécurité des personnes et des biens et nécessaires à l'exploitation de la centrale ; que, par un jugement du 25 novembre 2014 dont la SARL MDC Hydro relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité de l'arrêté préfectoral :

2. Considérant que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté préfectoral en litige a été écarté de manière circonstanciée par les premiers juges ; que la société appelante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse ; que, par suite, et par adoption des motifs exposés au point 2 du jugement attaqué, il y a lieu d'écarter à nouveau ce moyen ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 214-12 du code de l'environnement : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté, par le préfet, à la connaissance du pétitionnaire, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations, par écrit, au préfet, directement ou par mandataire " ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 214-17 du même code : " A la demande du bénéficiaire de l'autorisation ou à sa propre initiative, le préfet peut prendre des arrêtés complémentaires après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ces arrêtés peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des éléments mentionnés à l'article L. 211-1 rend nécessaires (...). / Le bénéficiaire de l'autorisation peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions prévues au second alinéa de l'article R. 214-11 et au premier alinéa de l'article R. 214-12 " ;

4. Considérant que, d'une part, il résulte de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que la SARL MDC Hydro a reçu copie du diagnostic technique individualisé de la centrale hydroélectrique du Val d'Anglier qui a été réalisé par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ainsi que du courrier d'accompagnement par lequel il était demandé à l'exploitant, dans un délai de trois mois, de faire part de ses propositions notamment pour assurer la dévalaison des anguilles pour le prochain automne ; que, d'autre part, une phase de concertation a ensuite été menée entre les exploitants d'ouvrages situés sur l'Andelle et les membres de la mission inter-services de l'eau et de la nature (MISEN) ; qu'enfin, le dossier a été examiné par le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires dans sa séance du 6 novembre 2012 puis un projet d'arrêté a été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception à la gérante de la société MDC Hydro le 8 novembre 2012, accompagné d'un courrier lui donnant un délai de quinze jours pour formuler ses observations dont elle a accusé réception ; que, dans ces conditions et compte tenu des dispositions citées au point précédent, la SARL MDC Hydro n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas pu faire valoir utilement ses observations avant l'adoption de l'arrêté du 4 décembre 2012 en litige ;

Sur le bien-fondé de l'arrêté préfectoral :

En ce qui concerne la renonciation du préfet à son pouvoir d'appréciation :

5. Considérant qu'il ne ressort ni des mentions de l'arrêté préfectoral ni de l'instruction que le préfet aurait renoncé à exercer son pouvoir d'appréciation en prenant sa décision conformément à la proposition de la directrice départementale des territoires ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par cet avis doit être écarté ;

En ce qui concerne à l'article 4 de l'arrêté préfectoral attaqué :

6. Considérant que l'article 4 de l'arrêté du préfet de l'Eure du 4 décembre 2012 prévoit que la remise en service de l'ouvrage hydraulique est subordonnée à une autorisation d'exploiter, au constat par les services de police de l'eau du respect des dispositions de l'article L. 432-6 du code de l'environnement tenant à la mise en conformité des installations avec la continuité écologique (circulation piscicole des espèces migratrices et transit sédimentaire) et à la mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions concourant à la sécurité des personnes et des biens et nécessaires à l'exploitation de la centrale ; que l'exploitant conteste l'obligation de mise en conformité entre le 1er janvier 2014 et le 18 décembre 2017 ;

7. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 232-6 du code rural, reprises à l'article L. 432-6 du code de l'environnement, des dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs figurant sur une liste établie par bassin ou sous-bassin devaient être aménagés dans les cours d'eau ou parties de cours d'eau et canaux dont la liste était fixée par décret dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la liste des espèces migratrices concernées ; que la rivière l'Andelle a été classée parmi ces cours d'eau par un décret du 27 avril 1995 ; qu'elle a figuré ensuite à l'annexe IV de l'article D. 432-4 du même code, issu du décret n° 2005-935 du 2 août 2005 ; que l'anguille fait partie des espèces migratrices concernées en vertu d'un arrêté du 18 avril 1997, publié au journal officiel le 16 mai 1997 ; que les ouvrages existants sur l'Andelle devaient donc notamment permettre la dévalaison des anguilles dès le 16 mai 2002, obligation qui figurait d'ailleurs au second alinéa de l'article L. 232-6 du code rural ;

8. Considérant qu'il suit de là que l'ouvrage hydraulique devait assurer avant même sa mise à l'arrêt la circulation des poissons migrateurs dont l'anguille ;

9. Considérant, d'autre part, que le I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement dans sa rédaction désormais en vigueur, notamment depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, prévoit aux 1° et 2° deux listes de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels la protection complète ou la circulation, selon le cas, des poissons migrateurs doit être assurée ; que l'Andelle a notamment été classée parmi les cours d'eau, parties de cours ou canaux devant assurer la circulation des poissons migrateurs, au titre du 2° du I de l'article L. 214-17, par un arrêté du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie, du 4 décembre 2012, publié le 18 décembre 2012 ; que cette inscription implique que les ouvrages situés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux soient gérés, entretenus et équipés afin d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ; qu'en vertu du III de l'article L. 214-17, les obligations résultant du 2° du I du même article, s'appliquent, à l'issue d'un délai de cinq ans après la publication des listes, aux ouvrages existants régulièrement installés ; qu'il s'ensuit, et il n'est d'ailleurs pas contesté que ces obligations s'appliqueront au plus tard pour l'Andelle à compter du 18 décembre 2017 ; que, se fondant sur les dispositions du dernier alinéa du III de l'article L. 214-17, la société MDC Hydro soutient toutefois que, pour les ouvrages existants notamment, les obligations d'entretien et de mise en conformité qui résultaient des anciennes dispositions ont momentanément été suspendues du fait de la loi et ne sont plus applicables entre le 1er janvier 2014 et le 17 décembre 2017 ;

10. Mais considérant qu'en tout état de cause, il est constant qu'en l'espèce, l'ouvrage hydraulique appartenant à la société MDC Hydro sur l'Andelle n'est plus en activité depuis 2004 ; que les prescriptions de l'article 4 de l'arrêté du préfet de l'Eure se bornent à prévoir pour l'avenir, dans l'hypothèse d'une reprise d'activité, une mise en conformité de l'ouvrage avec les dispositions législatives en vigueur avant toute remise en service afin que soient vérifiées que les conditions de la circulation des poissons migrateurs sont assurées ; qu'il ne résulte pas en outre de l'instruction que cette société serait en mesure d'ici le 18 décembre 2017 de remettre son installation en activité ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'obligation de mise en conformité qui lui est faite serait dépourvue de base légale pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 17 décembre 2017 doit, en tout état de cause, être écarté ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les prescriptions de l'article 4 seraient illégales et devraient être annulées ou abrogées ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité opposée à l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement :

11. Considérant qu'aux termes du I de l'article R. 214-18-1 : " Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation " ; qu'aux termes du II du même article, le préfet peut, au vu des éléments d'appréciation ainsi portés à sa connaissance, " prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes : / 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l'installation ou à l'ouvrage et sa consistance légale ou en reconnaître le caractère autorisé avant 1919 pour une puissance inférieure à 150 kW ; / 2° Constater la perte du droit liée à la ruine ou au changement d'affectation de l'ouvrage ou de l'installation ou constater l'absence d'autorisation avant 1919 et fixer, s'il y a lieu, les prescriptions de remise en état du site ; / 3° Modifier ou abroger le droit fondé en titre ou l'autorisation en application des dispositions du II ou du II bis de l'article L. 214-4 ; / 4° Fixer, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l'article R. 214-17 " ;

12. Considérant que la SARL MDC Hydro se borne à soutenir que les dispositions de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement seraient illégales sans donner les précisions qui permettraient d'apprécier le bien fondé de l'exception d'illégalité qu'elle entend soulever ; qu'elle ne peut, en outre, utilement demander qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat statuant sur la légalité de ces dispositions dans la mesure où la date du présent arrêt, dans sa décision n° 384204-384287 du 2 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté les conclusions d'annulation dirigées contre ces dispositions ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'ils soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, que la SARL MDC Hydro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 4 décembre 2012 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL MDC Hydro est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL MDC Hydro et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°15DA00135 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00135
Date de la décision : 22/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-02-05 Eaux. Ouvrages. Mesures prises pour assurer le libre écoulement des eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : REMY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-22;15da00135 ?
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