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12/07/2016 | FRANCE | N°15BX02372,15BX02500,15BX02874

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 15BX02372,15BX02500,15BX02874


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SARL Hôtelière et de Bains de Montal et la SCI Les Thermes Marins ont demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner l'Etat à leur verser une indemnité de 57 325 708 euros en réparation des préjudices résultant pour elles de l'illégalité de décisions constatant la caducité d'autorisations d'ouvertures de lits de repos prénatal, de rééducation fonctionnelle et de moyen séjour hospitalier.

Par un jugement avant dire-droit du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Basse-Terre a déci

dé la désignation d'un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préju...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SARL Hôtelière et de Bains de Montal et la SCI Les Thermes Marins ont demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de condamner l'Etat à leur verser une indemnité de 57 325 708 euros en réparation des préjudices résultant pour elles de l'illégalité de décisions constatant la caducité d'autorisations d'ouvertures de lits de repos prénatal, de rééducation fonctionnelle et de moyen séjour hospitalier.

Par un jugement avant dire-droit du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Basse-Terre a décidé la désignation d'un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices subis par la SARL Hôtelière et de Bains de Montal et par la SCI Les Thermes Marins et, par un jugement n° 0900424 du 18 juin 2015, ce tribunal a condamné l'Etat à verser aux deux sociétés, prises solidairement, la somme de 5 369 400,59 euros en réparation de leurs préjudices.

Procédure devant la cour :

I) Par un recours enregistré le 13 juillet 2015 sous le n° 15BX02372, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 18 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par la SARL Hôtelière et de Bains de Montal et la SCI Les Thermes Marins.

II) Par un recours, enregistré le 13 juillet 2015 sous le n° 15BX02500, et des mémoires complémentaires enregistrés les 25 août 2015 et 17 septembre 2015, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 18 juin 2015.

III) Par un recours enregistré le 25 août 2015 sous le n° 15BX02874, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes relève appel du jugement n° 0900424 du

4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a, avant-dire droit, décidé de la désignation d'un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices subis par la société Hôtelière des Bains de Montal et par la société Les Thermes Marins.

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Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me B...intervenant pour la société Hôtelière des Bains de Montal, et de Me A...intervenant pour la société Les Thermes Marins.

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions des 27 janvier 1995 et 14 septembre 1999, le ministre de la santé et le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de la Guadeloupe ont constaté la caducité des autorisations d'ouverture de lits de moyen séjour et de rééducation fonctionnelle dont bénéficiaient la SCI Les Thermes Marins et la SARL Hôtelière et de Bains de Montal, associées dans un même projet de création d'un établissement médicalisé. Par un jugement en date du

6 mai 2003, confirmé par un arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Bordeaux du

4 mai 2006, le tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par ces sociétés, a annulé les décisions des 25 janvier 1995 et 14 septembre 1999. Saisi de nouveau par la SCI Les Thermes Marins et par la SARL Hôtelière et de Bains de Montal, ce même tribunal a partiellement fait droit, par un jugement du 18 juin 2015, à leurs demandes d'indemnisation des préjudices qu'elles affirment avoir subis du fait des décisions illégales. Le ministre de la santé, des affaires sociales et des droits des femmes, par un premier recours enregistré sous le numéro 15BX02372, relève appel de ce jugement, qui condamne l'Etat à verser à la SARL Hôtelière et de Bains de Montal et à la SCI Les Thermes Marins, prises solidairement, une indemnité de 5 369 400,59 euros en réparation de leurs préjudices. La SCI Les Thermes Marins, par la voie de l'appel incident, demande que la somme que l'Etat est condamné à verser à elle-même et à la SARL Hôtelière et De Bain Montal au titre de leur préjudice financier soit portée au montant de 7 933 308,14 euros, augmenté de 188 753,93 euros annuels à compter du 31 juillet 2015 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, sommes dont la moitié lui reviendra. Par un deuxième recours, enregistré sous le numéro 15BX02500, le ministre sollicite le sursis à exécution du jugement du

18 juin 2015. Il relève enfin appel, sous le n° 15BX02874, du jugement avant-dire droit du

4 juillet 2013 par lequel le tribunal a décidé la désignation d'un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices subis par la société Hôtelière des Bains de Montal et par la société Les Thermes Marins.

2. Les recours du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sont dirigés contre le même jugement et le jugement avant-dire droit y afférent, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la fin de non-recevoir opposée :

3. Dès lors que l'Etat était défendeur en première instance, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est recevable, contrairement à ce que soutiennent la SCI Les Thermes Marin et la SARL Hôtelière et de Bains de Montal, à soulever tout moyen au soutien de ses conclusions d'appel.

Sur la responsabilité de l'Etat :

4. Il résulte de l'instruction que la SCI Les Thermes Marin et la SARL Hôtelière et de Bains de Montal ont projeté dès le milieu des années 1980 la création, sur le territoire de la commune du Moule, d'un ensemble immobilier regroupant un établissement médicalisé de convalescence et de repos et un centre de soins thermaux et de thalassothérapie, avec prestations hôtelières. Les sociétés ont obtenu le 12 juin 1986 du préfet de la Guadeloupe une autorisation de création d'un établissement d'hospitalisation de 40 lits de moyen séjour puis, par une décision du ministre de la santé du 16 janvier 1990, une autorisation de création de 22 lits de rééducation fonctionnelle. Un permis de construire a été délivré dès le 18 juin 1986 pour le projet considéré. Toutefois, par des décisions du 27 janvier 1995 et du 14 septembre 1999, le ministre délégué à la santé, puis le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation de la Guadeloupe, ont successivement constaté la caducité des autorisations de création de lits accordées, sur le fondement de l'article L. 712-17 du code de la santé publique alors en vigueur, selon lequel " Toute autorisation est réputée caduque si l'opération autorisée n'a pas fait l'objet d'un commencement d'exécution dans un délai de trois ans... ". Ces décisions ont cependant été annulées par l'effet des décisions de justice susmentionnées du 6 mai 2003 et du 4 mai 2006 au motif que, alors même que les installations sanitaires nécessaires aux lits autorisés n'avaient pas été mises en service dans le délai de trois ans prévu par l'article L. 712-17 du code de la santé publique, l'opération devait néanmoins être regardée comme ayant fait l'objet d'un commencement d'exécution au sens de ce même article, dès lors que plus de la moitié des travaux de gros oeuvre avait été réalisée dans ce délai.

5. L'illégalité affectant chacune des décisions du 27 janvier 1995 et du 14 septembre 1999 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la SCI Les Thermes Marin et de la SARL Hôtelière et de Bains de Montal.

Sur le lien de causalité et les préjudices :

6. Les fautes commises par l'Etat et évoquées ci-dessus ne peuvent ouvrir droit à indemnité au bénéfice des sociétés concernées que dans la mesure où il est justifié par elles de préjudices actuels et certains en lien direct avec l'illégalité fautive.

7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre, se fondant notamment sur les conclusions du rapport remis le 23 décembre 2014 par l'expert judiciaire désigné par une ordonnance du président de ce même tribunal du 16 septembre 2013, a admis de condamner l'Etat à verser à la SCI Les Thermes Marins et à la SARL Hôtelière et de Bains de Montal les sommes de 3 169 733,89 euros au titre de travaux immobiliers inutilement exécutés, de 1 067 143,12 euros au titre de frais d'immobilisation financière liés à ces travaux, et de 1 132 523,58 euros au titre de la perte de chance de réaliser une marge nette d'exploitation entre 1996 et 2001. Toutefois il résulte de l'instruction, et notamment des mentions du rapport d'expertise, que si le permis de construire délivré le 18 juin 1986 a reçu un début d'exécution, les travaux se sont interrompus définitivement alors que seule la moitié environ du gros oeuvre avait été réalisée. L'expert relève ainsi que " les constructions datent de la fin des années 80 " et, selon les mentions de comptes-rendus de visites établis par le cabinet Bureau Véritas, annexés au rapport, les travaux entrepris ont été exécutés entre 1988 et 1990 et, dès le mois de mai 1994, les premiers signes de dégradations du bâti dus à l'abandon du chantier étaient visibles. Or, en vertu des dispositions alors applicables de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, " Le permis de construire est périmé (...) si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ". Il s'en déduit que le permis de construire accordé le 18 juin 1986 s'est trouvé périmé en raison d'une interruption du chantier supérieure à une année, ce qu'a d'ailleurs reconnu le représentant des sociétés dans le cadre de l'expertise en indiquant qu'il ne disposait plus,

à compter de 1991, de l'autorisation de construire permettant la poursuite des travaux.

Par ailleurs, la SCI Les Thermes Marins et la SARL Hôtelière et de Bains de Montal ne font état du dépôt auprès du maire de la commune du Moule d'aucune nouvelle demande d'autorisation de construire, à quelque moment que ce soit. Par suite, il n'est pas établi que les sociétés disposaient encore, lorsque les décisions annulées sont intervenues, d'une autorisation d'urbanisme leur permettant d'envisager l'achèvement du projet considéré. Dans ces conditions, elles n'établissent pas que les préjudices qu'elles invoquent présentent un lien direct et certain avec l'illégalité des décisions du 27 janvier 1995 et du 14 septembre 1999. A cet égard,

la SARL Hôtelière des Bains de Montal ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle n'était pas elle-même titulaire du permis de construire délivré en 1986 pour en déduire que la péremption de ce permis serait une circonstance sans incidence sur l'appréciation de son droit propre à réparation, dès lors que cette société, indissociable de la SCI Hôtelière des Bains de Montal dans la mise en oeuvre de leur projet commun, n'établit pas qu'elle aurait eu la possibilité et l'intention d'exploiter hors de ce projet les lits médicalisés ayant donné lieu aux autorisations illégalement déclarées caduques.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué du 18 juin 2015 ni sur les autres moyens du recours dirigé contre ce jugement, que le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Basse-Terre a ordonné une expertise puis condamné l'Etat à verser à la SARL Hôtelière des Bains de Montal et à

la SCI Les Thermes Marins une indemnité visant à réparer les conséquences de l'illégalité des décisions des 27 janvier 1995 et 14 septembre 1999. Les conclusions d'appel incident de

la SCI Les Thermes Marins et de la SARL Hôtelière des Bains de Montal tendant à ce que la condamnation prononcée à l'encontre de l'Etat soit alourdie doivent en revanche être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions du recours n° 15BX02500 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions du recours n°15BX02376 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les dépens :

10. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 509,61 euros par ordonnance du 13 avril 2015, à la charge définitive de la

SCI Les Thermes Marins et de la SARL Hôtelière et de Bains de Montal, prises solidairement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que sollicite la SCI Les Thermes marins au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Basse-Terre du 4 juillet 2013 et du

18 juin 2015 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Basse-Terre par

la SARL Hôtelière des Bains de Montal et par la SCI Les Thermes Marins, ainsi que les conclusions présentées en appel par ces dernières sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées dans le recours n° 15BX02500.

Article 4 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 509,61 euros, sont mis à la charge solidaire de la SARL Hôtelière des Bains de Montal et de la SCI Les Thermes Marins.

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N° 15BX02372, 15BX02500, 15BX02874


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX02372,15BX02500,15BX02874
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;15bx02372.15bx02500.15bx02874 ?
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