Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 458 750 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, correspondant au montant de la compensation financière qui aurait dû être versée à la société Alliance à la fin du mois de juin 2008.
Par un jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012, le tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n°12BX03199 du 17 février 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté le recours du ministre des outre-mer tendant à l'annulation de ce jugement.
Par une décision n° 377944 du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt n° 12BX03199 et a renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 18 décembre 2012 et des mémoires enregistrés le 26 mars 2013, 23 août 2013 et le 13 juillet 2015, le ministre des outre-mer demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a, sur la demande de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon, condamné l'Etat à lui verser la somme de 458 750 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre accessoire, de surseoir à l'exécution du jugement attaqué ;
3°) de mettre à la charge de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Une note en délibéré présentée pour la Banque de Saint-Pierre et Miquelon a été enregistrée le 6 novembre 2015.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention de délégation de service public du 29 décembre 2004, conclue pour une durée de cinq ans, l'Etat a confié à la société Alliance l'exploitation et la gestion du service de desserte maritime internationale en fret de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. A la suite de difficultés financières, la société Alliance a interrompu la desserte à compter du 27 juin 2008. Cette société avait, par bordereau du 12 décembre 2007, cédé à la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon la créance correspondant au montant annuel de la compensation prévue pour l'année 2008 en application de la convention précitée. En sa qualité de cessionnaire de cette créance, la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 458 750 euros correspondant à la part de la compensation forfaitaire annuelle qui, selon elle, aurait dû être versée à la société Alliance à la fin du mois de juin 2008. Par jugement du 26 septembre 2012, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a, sur la demande de la Banque, condamné l'Etat à verser à celle-ci cette somme de 458 750 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation. Par un arrêt n° 12BX03199 du 17 février 2014, la cour a rejeté le recours présenté par le ministre des outre-mer. Par sa décision n° 377944 du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.
2. Aux termes de l'article 13 de la convention : " (...) en contrepartie des obligations lui incombant : le délégant verse au délégataire une compensation forfaitaire annuelle (...) ". Selon l'article 17 de cette convention : " (...) le montant de la compensation forfaitaire au titre des obligations de service public, telles que définies à l'article 13 d'une part, et l'engagement d'embaucher 2 navigants ressortissants de l'Union européenne (article 4) d'autre part, est fixé à 1 835 000 euros (...). ". En vertu de l'article 19 de cette convention : " Le montant annuel de la compensation forfaitaire sera versé en trois fois, soit 50 % fin février, 25 % fin juin et 25 % fin novembre, après contrôle par l'autorité délégante du respect des obligation de service public et principalement du nombre des rotations assurées pendant le trimestre, soit 12 ou 13 sur la base de 50 par an ".
3. Il résulte expressément des stipulations précitées de l'article 13 de la convention de délégation de service public que la compensation forfaitaire constituant la contrepartie des obligations du délégataire présente un caractère annuel. En vertu de l'article 17, son montant est fixé pour l'année. Si l'article 19 de la convention prévoit un versement de la compensation en trois fois, le versement prévu à la fin du mois de février couvrant la moitié du montant annuel de la compensation et celui prévu à la fin du mois de juin 75% de ce montant, ces modalités de versement ne remettent pas en cause le caractère annuel de cette compensation. Par ailleurs, le nombre de rotations imposé au délégataire est lui aussi fixé sur une base annuelle, égale à 50 par an, même s'il est décomposé par trimestre.
4. En vertu des stipulations de l'article 19 de la convention, les trois versements prévus au titre de la compensation annuelle sont subordonnés au respect des obligations de service public incombant au délégataire. En précisant que ces obligations sont " principalement " le nombre de rotations effectuées pendant le trimestre, ces stipulations ont entendu exclure que le seul respect de ce nombre de rotations suffise à justifier le versement prévu au contrat. Dès lors, et compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, l'autorité délégante est fondée à refuser de verser l'acompte prévu par la convention lorsqu'il s'avère que le délégataire n'assure plus ses obligations sur le restant de l'année.
5. Il résulte de l'instruction que, si la société Alliance a effectué treize rotations entre le 1er avril et le 30 juin 2008, elle a cessé toute desserte de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon à compter du 27 juin de la même année. Ce manquement du délégataire aux obligations de service public dont la compensation annuelle était la contrepartie suffisait à justifier le refus de l'Etat de verser l'acompte de 458 750 euros dont le paiement était prévu fin juin et qui correspondait à 25% de cette compensation, compensation dont la société Alliance avait au surplus perçu la moitié dès la fin du mois de février.
6. La Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon ne saurait se prévaloir utilement, pour contester l'absence de paiement de la somme de 458 750 euros, des stipulations de l'article 28 de la convention dans la mesure où cet article constitue une clause pénale ne régissant pas le droit au paiement de la compensation forfaitaire. Enfin, à défaut de tout acte d'acceptation, par l'Etat, en application de l'article L. 313-29 du code monétaire et financier, de la cession de créance du 12 décembre 2007 mentionnée au point 1, la banque ne peut en tout état de cause se prévaloir d'une obligation de paiement détachée de la créance initiale et contre laquelle l'Etat ne pourrait faire valoir des exceptions tirées de ses rapports avec l'entreprise cédante.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a condamné l'Etat à verser à la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 458 750 euros.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
8. D'une part, l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne saurait être condamné à verser la somme réclamée par la banque de Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, si le ministre des outre-mer sollicite le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de ce même article, il ne fait pas état de frais spécifiques que l'Etat aurait exposé au cours de l'instance, ce qui fait obstacle à ce que sa demande soit accueillie.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon est rejetée, de même que ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours est rejeté.
''
''
''
''
2
N° 15BX00962