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07/06/2016 | FRANCE | N°15-87755

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 juin 2016, 15-87755


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Georges X...,- M. Juan Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE, en date du 10 décembre 2015, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de vols et tentatives de vol aggravés en récidive, recel, usurpation de plaque d'immatriculation et fourniture d'une identité imaginaire, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1

du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseille...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Georges X...,- M. Juan Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE, en date du 10 décembre 2015, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de vols et tentatives de vol aggravés en récidive, recel, usurpation de plaque d'immatriculation et fourniture d'une identité imaginaire, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 25 mars 2016, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 171, 230-32, 230-33, 230-44, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté les moyens tirés de la nullité des opérations de géolocalisation ;
" aux motifs que les dispositions relatives à la géolocalisation en temps réel, issues de la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 sont insérées dans le chapitre V du livre II du code de procédure pénale, articles 230-32 à 230-44 ; que l'article 230-32 énonce les conditions relatives à la gravité de l'infraction, qui ne sont pas discutées par les requérants ; que les articles 230-33 et 230-34 prévoient les modalités des opérations de géolocalisation et des garanties procédurales différentes selon que le dispositif est posé dans un lieu ouvert au public, ou bien nécessitant l'introduction dans un lieu privé ou dans un véhicule ; que l'article 230-44 énonce que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les opérations de géolocalisation en temps réel ont pour objet la localisation d'un véhicule ou de tout autre objet dont le propriétaire ou le possesseur légitime est la victime de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ou l'instruction ou la personne disparue, dès lors que ces opérations ont pour objet de retrouver la victime, l'objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue ; qu'en l'espèce, l'Austin Mini Cooper n° ...a été dérobée par effraction et en réunion le 6 juin 2015 à Rouffiac-Tolosan, au domicile de M. Marc Z...et Mme Eliane A...en même temps que de nombreux autres objets de valeur, bijoux, sacs de marque, montre Rolex et poupées anciennes de collection ; que la BMW n° ...a été dérobée par effraction et en réunion le 13 juin 2015 à Mérignac au domicile de M. Guillaume B..., en même temps que des bijoux et des espèces ; que les propriétaires des véhicules volés sont les victimes des infractions sur lesquelles l'enquête de gendarmerie a porté et le recours au procédé de localisation en temps réel a eu pour objet de retrouver, non les véhicules sur lesquels le dispositif technique a été posé, mais les nombreux biens de valeur dérobés lors des cambriolages ; qu'il a effectivement permis cette issue positive, des objets provenant des deux périples effectués les 9 juin 2015 et 13 juin 2015 ayant été trouvés et saisis en perquisition dans les véhicules Citroën Picasso, BMW et aux domiciles de MM. Y... et X... ; que, dès lors, les dispositions des articles 230-33 et 230-34 du code de procédure pénale, au visa desquels la requête en nullité est soutenue, ne sont pas applicables au cas d'espèce ; qu'il ne peut être valablement reproché aux enquêteurs, qui pouvaient agir par voie de réquisitions, de s'être soumis aux exigences plus rigoureuses posées par la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 ; que, de surcroît, à supposer même les dispositions relatives à la géolocalisation en temps réel applicables, il sera relevé que : … que sur la violation de l'article 230-33 du code de procédure pénale, et sur la géolocalisation de l'Austin Mini Cooper, il résulte du procès-verbal d'investigations établi par le maréchal des Logis chef C..., que cet officier de police judiciaire a, le 9 juin 2015, avant toute mise en place du dispositif technique, contacté téléphoniquement à 19 heures 45 Mme Sirere, substitut de permanence au parquet de Toulouse, qui vu l'heure tardive, a autorisé la géolocalisation de l'Austin Mini Cooper volée, en demandant aux enquêteurs de récupérer l'autorisation écrite le lendemain (D 27) ; que l'autorisation écrite, datée du 10 juin 2015, est jointe au dossier (D 174) ; qu'aucune constatation utile à l'enquête n'a été faite pendant la période litigieuse, du 9 juin 19 heures 45 au lendemain 10 juin ; que surtout, l'Austin Mini Cooper n'a pas bougé de son stationnement jusqu'au 13 juin 2015 et si la géolocalisation n'avait été mise en place que le 10 juin 2015, après réception de l'autorisation écrite, les constatations faites sur le déplacement de ce véhicule la journée du 13 juin 2015, grâce à ce dispositif, auraient été parfaitement identiques ; que, dès lors, l'absence d'autorisation écrite préalable à la pose d'un procédé de géolocalisation de l'Austin Mini Cooper, même irrégulière, n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts des requérants et aucune annulation ne saurait être encourue de ce chef ; que sur la géolocalisation de la BMW, il résulte du procès-verbal d'investigations (avis à magistrat), établi par l'adjudant-chef M. D..., que cet officier de police judiciaire a contacté téléphoniquement M. De Survilliers, vice-procureur de permanence au parquet de Toulouse le 14 juin 2015 à 9 heures 30, pour l'informer de la présence localisée de l'Austin Mini Cooper sur les lieux d'un cambriolage à Mérignac le 13juin 2015, du vol d'un véhicule BMW 530 n° ...à cette occasion, de l'abandon de l'Austin sur un parking de l'aéroport de Mérignac et de la découverte de la BMW volée, en stationnement rue Paul Debauges à Toulouse (D 64) ; que ce magistrat a alors saisi les militaires de la section des recherches de Toulouse de ce vol par effraction, après accord de dessaisissement donné téléphoniquement par le procureur de la République de Bordeaux en la personne de M. F...et a autorisé par écrit la géolocalisation de la BMW ...volée, décision qui est jointe à la procédure (D 259) ; que le dispositif technique a été posé avec cette autorisation écrite par l'adjudant M. G...et l'adjudant-chef M. D...le même jour de 9 heures 55 à 10 heures 10, à l'extérieur du véhicule stationné sur la voie publique, dans le strict respect des dispositions légales ; que, de plus, il n'a causé aucun grief aux requérants en raison de la surveillance physique parallèlement mise en place par les enquêteurs, leur ayant permis de voir ceux-ci partir dans un autre véhicule, le Citroën Picasso qui a été l'objet de la filature ; qu'en conséquence, la requête en nullité sera rejetée ;
" 1°) alors qu'en vertu de l'article 230-33 du code de procédure pénale, la mise en oeuvre d'un dispositif de géolocalisation dans le cadre d'une enquête suppose l'obtention préalable d'une autorisation écrite du procureur de la République ; que l'article 230-44 du même code ne permet de faire exception à cette règle qu'à la double condition que la localisation porte sur un équipement terminal de communication électronique, un véhicule ou tout autre objet appartenant à la victime de l'infraction ou à la personne disparue, et que ces opérations aient pour objet de retrouver la victime, l'objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue ; qu'en l'espèce, si le dispositif a été mis en place sur des voitures apparaissant comme ayant été dérobées, il visait à rechercher les auteurs de l'infraction, ce qui explique d'ailleurs que les enquêteurs aient cru devoir solliciter une autorisation du parquet ; qu'en considérant a posteriori que le régime légal n'avait pas à s'appliquer en l'espèce, dès lors que l'objectif aurait été de retrouver les biens dérobés lors des cambriolages, la chambre de l'instruction a violé les dispositions précitées ;
" 2°) alors que l'autorisation du procureur de la République doit, sauf urgence, intervenir préalablement à la mise en place du dispositif de géolocalisation ; que la méconnaissance de cette règle, qui traduit l'obligation pour les enquêteurs d'obtenir l'accord d'un magistrat pour mettre en oeuvre une mesure attentatoire à la vie privée, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, il est acquis que la géolocalisation du véhicule Mini Cooper est intervenue le 9 juin 2015, lorsque l'autorisation écrite du procureur de la République n'a été délivrée que le lendemain ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour refuser de faire droit à ce moyen de nullité, affirmer qu'« aucune constatation utile à l'enquête n'a été faite pendant la période litigieuse » et en déduire une absence d'atteinte aux intérêts des demandeurs ;
" 3°) alors que, s'agissant du véhicule BMW, il ressort des éléments de la procédure que l'installation du dispositif de géolocalisation s'est achevée le 14 juin 2015 à 10 heures 10, mais que l'autorisation du procureur de la République n'a été délivrée qu'à 18 heures le même jour ; que la chambre de l'instruction ne pouvait se borner à affirmer péremptoirement que le dispositif technique a été posé avec cette autorisation écrite, et opposer qu'en tout état de cause, « il n'a été causé aucun grief aux requérants en raison de la surveillance physique parallèlement mise en place par les enquêteurs … » ; que ce faisant, elle a de nouveau violé l'article 230-33 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 6 juin 2015, le véhicule Austin Mini Cooper immatriculé ...a été volé à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne) ; que, le 9 juin 2015, ce véhicule a été découvert faussement immatriculé à Toulouse (Haute-Garonne) par les gendarmes saisis de l'enquête de flagrance qui ont obtenu verbalement l'autorisation du procureur de la République de placer sur le véhicule un moyen technique de géolocalisation en temps réel ; que, le 10 juin 2015, ce magistrat a établi et adressé aux enquêteurs l'autorisation écrite de procéder à cet acte d'enquête ; que la géolocalisation a permis aux gendarmes d'identifier MM. X... et Y... à bord du véhicule ainsi surveillé et de le localiser à Mérignac (Gironde) sur les lieux du vol d'un véhicule BMW série 5 immatriculé ...; que, le 14 juin 2015, les gendarmes ont localisé le véhicule BMW à Toulouse et ont placé sur celui-ci un dispositif de géolocalisation ; que le procureur de la République a délivré le même jour l'autorisation écrite de procéder à la géolocalisation en temps réel de ce véhicule ; que cette mesure a permis aux enquêteurs d'identifier MM. X... et Y... circulant à bord du véhicule BMW faussement immatriculé le 17 juin 2015 ; que les demandeurs ont été interpellés, le même jour, à Parigné-l'Evêque (Sarthe) ; que le procureur de la République a ouvert une information judiciaire des chefs susvisés par réquisitoire introductif, en date du 19 juin 2015 ; que MM. X... et Y... ont été mis en examen ; que, le 21 septembre 2015, l'avocat des mis en examen a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité des procès-verbaux relatifs à la géolocalisation des deux véhicules et des actes subséquents ;
Attendu que MM. X... et Y... ne sauraient se faire un grief de ce que la chambre de l'instruction a rejeté leur requête par les motifs repris au moyen, dès lors qu'en dehors du recours, par les autorités publiques, à un procédé déloyal, non démontré, ni même allégué, en l'espèce, un mis en examen est irrecevable à contester la régularité de la géolocalisation en temps réel d'un véhicule volé et faussement immatriculé sur lequel il ne peut se prévaloir d'aucun droit, les dispositions conventionnelles et légales invoquées ne trouvant, dans ce cas, à s'appliquer ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-87755
Date de la décision : 07/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

GEOLOCALISATION - Procédure - Nullité - Qualité pour s'en prévaloir - Exclusion - Cas - Véhicule volé ou faussement immatriculé

CRIMES ET DELITS FLAGRANTS - Géolocalisation - Nullité - Qualité pour s'en prévaloir - Exclusion - Cas - Véhicule volé ou faussement immatriculé CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Demande de la personne mise en examen - Géolocalisation - Qualité pour s'en prévaloir - Exclusion - Cas - Véhicule volé ou faussement immatriculé CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Ingérence de l'autorité publique - Mesures d'enquête - Géolocalisation - Véhicule automobile volé et faussement immatriculé - Compatibilité

Une personne mise en examen ne saurait être admise à contester la régularité de la géolocalisation en temps réel d'un véhicule volé et faussement immatriculé sur lequel elle ne peut se prévaloir d'aucun droit, dès lors que les articles 230-32 à 230-44 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne trouvent dans ce cas à s'appliquer. Il n'en irait autrement qu'en cas de recours, par les autorités publiques, à un procédé déloyal dans la mise en oeuvre d'une mesure de géolocalisation


Références :

articles 230-32 à 230-44 du code de procédure pénale 

article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, 10 décembre 2015

Sur l'irrecevabilité du moyen tiré de l'atteinte à l'intimité de la vie privée garantie par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en cas de géolocalisation d'un véhicule volé et faussement immatriculé, dans le même sens que : Crim., 15 octobre 2014, pourvois n° 12-82.391 et 14-85.056, Bull. crim. 2014, n° 208 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jui. 2016, pourvoi n°15-87755, Bull. crim. criminel 2016, n° 174
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 174

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lemoine
Rapporteur ?: M. Ascensi
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.87755
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