Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Francis X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 15 janvier 2015, qui, pour escroquerie, vol, falsification de chèque et usage, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 313-1 du code pénal, des articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'escroquerie et l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 313-1 du code pénal, « l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge » ; que M. Y...a acheté à M. X... un véhicule affichant 87 000 km pour une somme de 13 000 euros ; que, toutefois, le kilométrage du véhicule avait été modifié, ce dernier comptant en réalité plus de 347 000 km ; que, par ce procédé, l'acquéreur, M. Y...a été trompé, croyant acheter une voiture ayant moins de 100 000 km alors qu'elle en avait le triple ; que, de la part du vendeur, un tel procédé constitue une manoeuvre frauduleuse ayant ainsi déterminé M. Y...à remettre 13 000 euros à M. X... en contrepartie de la voiture ; que cette manoeuvre frauduleuse ne peut être imputée qu'à M. X... ; qu'en effet, le changement du compteur kilométrique a eu lieu alors que M. X... en était le propriétaire ; qu'à la faveur de la découverte faite par M. Y...lui-même, il est, à ce titre, établi que, lorsque le prévenu avait lui-même acquis le véhicule, le kilométrage était déjà de 333 752 km ; qu'en outre, M. X... affirme avoir informé M. Y...du changement de compteur ; que ce moyen de défense, contesté, de manière constante par la partie civile, n'est appuyé par aucun élément ; que, se référant à un courriel de M. X... précisant que le véhicule comptait moins de 100 000 km ; que M. Y...fait observer qu'il n'aurait aucun intérêt au regard de la cote en vigueur au moment de l'acquisition, d'acheter ce véhicule au prix de 13 000 euros ; que, l'élément matériel de l'infraction d'escroquerie étant établi, l'intention frauduleuse de M. X... ressort tant de la nature des manoeuvres utilisées pour modifier le compteur de la voiture que de sa volonté de vendre le véhicule à un prix plus élevé que sa valeur réelle : qu'il en résulte que l'infraction est constituée en tous ses éléments ; que M. X... est, par ailleurs, poursuivi pour vol, falsification de chèque et usage de chèque falsifié pour la remise d'une formule de chèque appartenant à la SARL Quorum études et conseil ; qu'il ressort de la plainte déposée par la SARL Quorum études et conseil et des investigations que la société avait fait l'objet d'un cambriolage de ses locaux ; qu'outre la somme de 4 000 euros en liquide, il avait été fait mention du vol d'un chéquier ; que l'enquête a permis d'établir que M. X... avait été hébergé gracieusement par M. Z..., gérant de la SARL Quorum études et conseil que cette époque, celui-ci a été victime de vol à l'intérieur de ses locaux ; que n'ayant alors aucun soupçon à l'encontre de son ami, M. X..., M.
Z...
a appris qu'une formule de chèque, issue du chéquier dérobé, avait été mise à l'encaissement au nom de l'avocat de M. X... ; qu'à ce titre, l'avocat avait confirmé qu'il s'agissait du paiement d'honoraires effectué par ce dernier, qui s'était présenté comme associé de la société, qu'il ne peut qu'en être conclu que ce chèque a été falsifié par le prévenu et a été remis par ce dernier pour payer des honoraires d'avocat ; que cette responsabilité n'est d'ailleurs pas contestée par M. X... qui a reconnu être l'auteur du vol du chèque ; que ces circonstances et déclarations rapportent la preuve du caractère intentionnel des faits, M. X... ayant conscience de ne pas être le propriétaire du chèque et de faire, à l'appui de sa remise à cet auxiliaire de justice, une déclaration contraire à la vérité en indiquant à celui-ci qu'il était l'associé de la société sur le compte de laquelle le chèque était tiré ; que les infractions sont, dès lors, constituées ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges sont entrés en voie de condamnation après avoir déclaré le prévenu coupable de l'ensemble des faits ; que, s'agissant de la peine à prononcer, le bulletin n° 1 du casier judiciaire de M. X... porte mention d'une condamnation en 2008, pour des faits commis en 2005 ; que les faits, pour lesquels M. X... est poursuivi, qui sont de même nature que ceux susvisés, et la personnalité du prévenu justifient que soit prononcé à son encontre un emprisonnement délictuel de dix-huit mois ; que, toutefois, cette peine sera assortie du sursis simple à hauteur de dix mois ; que le jugement entrepris sera donc réformé sur la sanction ;
" alors qu'il incombe à la partie poursuivante d'établir la preuve des éléments constitutifs de l'infraction poursuivie ; que, pour caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses en dépit des déclarations de M. X... affirmant qu'il avait dûment informé M. Y...de l'existence du changement de compteur et du kilométrage réel du véhicule, la cour d'appel s'est fondée sur l'affirmation suivant laquelle ces déclarations n'étaient appuyées par aucun élément ; qu'en statuant de la sorte et en mettant ainsi à la charge de M. X... la démonstration de l'absence de tromperie la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et sans inverser la charge de la preuve, caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-16-5, 132-19, 132-24 et 132-25 du code pénal du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois dont dix assortis du sursis ;
" aux motifs que c'est à juste titre que les premiers juges sont entrés en voie de condamnation après avoir déclaré le prévenu coupable de l'ensemble des faits ; que, s'agissant de la peine à prononcer, le bulletin n° 1 du casier judiciaire de M. X... porte mention d'une condamnation en 2008, pour des faits commis en 2005 ; que les faits, pour lesquels M. X... est poursuivi, qui sont de même nature que ceux susvisés, et la personnalité du prévenu justifient que soit prononcé à son encontre un emprisonnement délictuel de dix-huit mois ; que, toutefois, cette peine sera assortie du sursis simple à hauteur de dix mois ;
" 1°) alors qu'une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée, sauf en cas de récidive, qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en se bornant à affirmer que la personnalité du prévenu justifie que soit prononcé un emprisonnement délictuel de dix-huit mois avec un sursis partiel, sans caractériser la nécessité de cette peine d'emprisonnement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que ce n'est que « sauf impossibilité matérielle » que la peine d'emprisonnement doit faire l'objet des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal ; qu'en s'abstenant d'exposer l'existence d'une impossibilité matérielle qui ferait obstacle à un aménagement de la peine d'emprisonnement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que la juridiction correctionnelle ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis, sauf en cas de récidive légale, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine et seulement en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en se référant à l'existence d'une condamnation en 2008 pour des faits commis en 2005 qui seraient de même nature que ceux poursuivis sans citer ladite condamnation, sans exposer la nature de l'infraction déjà sanctionnée, sans rechercher si elle était définitive et sans caractériser l'état de récidive, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4°) alors qu'en toute hypothèse lorsque la juridiction correctionnelle relève d'office l'état de récidive du prévenu, il lui appartient de l'informer préalablement de cet élément modificatif de la peine afin de lui permettre de se défendre spécialement sur ce point ; qu'en omettant de prévenir M. X... de son intention de faire état de la précédente condamnation figurant au casier judiciaire, la cour d'appel a violé les droits de la défense en violation des textes susvisés " ;
Vu l'article 132-19 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que, dans le cas où la peine n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, s'il décide de ne pas l'aménager, doit en outre motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ;
Attendu que, pour condamner M. X... à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis, l'arrêt attaqué énonce que le bulletin n° 1 de son casier judiciaire porte mention d'une condamnation en 2008, pour des faits commis en 2005 de même nature que ceux de l'espèce et que la personnalité du prévenu justifie une telle peine ;
Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction et n'a pas prononcé sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis, a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 janvier 2015, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre mai deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.