La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2016 | FRANCE | N°14NT01984

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 28 juin 2016, 14NT01984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Croisic a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 1 382 237 euros en réparation des préjudices consécutifs à la résiliation anticipée de la concession du port de plaisance situé sur son territoire, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1200815 du 21 mai 2014, le tribunal administr

atif de Nantes a condamné le département de la Loire-Atlantique à verser une somme de 9...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Croisic a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 1 382 237 euros en réparation des préjudices consécutifs à la résiliation anticipée de la concession du port de plaisance situé sur son territoire, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1200815 du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Loire-Atlantique à verser une somme de 957 095,45 euros à la commune du Croisic en réparation de la valeur non amortie des biens de retour, de la perte des bénéfices manqués et de la perte du fonds de trésorerie, et décidé que cette somme serait assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2011 et de la capitalisation de ces intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juillet 2014, 3 mars et 4 mai 2016, le département de la Loire-Atlantique, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mai 2014 ;

2°) de rejeter la demande d'indemnisation de la commune du Croisic ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Croisic une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; en premier lieu, en raison du défaut de visa du mémoire du département de la Loire-Atlantique enregistré le 3 avril 2014 et accompagné de pièces établissant que le fonds de trésorerie avait été rétrocédé au nouveau délégataire ; en deuxième lieu, le tribunal administratif a fait supporter à tort au département la charge de la preuve de l'inexistence des bénéfices escomptés d'ici au terme normal de la concession ; en troisième lieu, la lecture erronée des stipulations du cahier des charges de la concession a conduit le tribunal administratif à retenir un terme normal de celle-ci au 31 décembre 2021 au lieu du 31 décembre 2020, ce qui a entraîné des erreurs dans la détermination du préjudice invoqué par le concessionnaire ;

- la commune du Croisic n'a aucun droit à indemnisation sur le fondement du cahier des charges objet du projet d'avenant du 3 septembre 2003, lequel, faute d'approbation et signature par les deux parties, est dépourvu de valeur contractuelle, et n'est pas davantage entré en vigueur par voie de modification unilatérale du contrat par le concédant ;

- le cahier des charges annexé à l'arrêté interministériel du 25 février 1970 a prévu l'indemnisation du délégataire en cas de résiliation anticipée, en la limitant au paiement des annuités restant à courir pour les intérêts et amortissement des emprunts et à la prise en charge des dépenses nouvelles engagées par le concessionnaire ; la commune du Croisic ne justifie pas d'un préjudice réparable au sens de ces stipulations ;

- la jurisprudence du Conseil d'Etat " CCI de Nîmes, Uzès, Bagnols, Le Vigan " ne permet d'écarter les stipulations contractuelles prévoyant la réparation due au concessionnaire en cas de résiliation anticipée que s'il y a disproportion manifeste entre l'indemnité contractuelle et le préjudice réellement subi par le concessionnaire, en défaveur d'une personne publique ;

- en l'espèce, la département de la Loire-Atlantique a versé une indemnité de 45 367 euros à la commune du Croisic par application des dispositions du cahier des charges annexé à l'arrêté interministériel du 25 février 1970 ; cette dernière n'établit pas une disproportion manifeste entre cette somme et le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation anticipée pour motif d'intérêt général ;

- l'emprunt que la commune du Croisic avait contracté a en effet été soldé au cours de l'exercice 2010 et elle n'a pas engagé de nouvelles dépenses ; elle ne démontre pas, par la seule valeur nette comptable positive des immobilisations, l'existence d'un préjudice résultant de l'amortissement incomplet des biens de retour ; faute de produire ses comptes administratifs, la commune du Croisic n'établit pas davantage une perte de bénéfices escomptés jusqu'au terme normal de la concession ;

- il s'évince au contraire des résultats de l'expertise comptable diligentée par le département que le concessionnaire ne pouvait prétendre qu'à une somme de 200 039,72 euros au titre de la valeur non amortie des biens de retour à la date de la résiliation ; en revanche, compte tenu de la moyenne mensuelle négative des résultats d'exploitation observés sur les huit années précédant la résiliation, le concessionnaire ne justifie d'aucune perte de bénéfices ; en ce qui concerne la trésorerie, la commune restait en tout état de cause redevable d'une somme de 681 123,49 euros à l'égard du concédant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 octobre 2015, les 1er avril, 20 mai et 3 juin 2016, la commune du Croisic conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête du département de la Loire-Atlantique ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour statuerait par voie d'évocation, à ce que le département soit condamné à lui verser une somme de 597 939,05 euros au titre de la valeur non amortie des biens repris par le concédant, une somme de 646 888 euros au titre de son manque-à-gagner, une somme de 137 110,40 euros au titre de la trésorerie indument reprise par le concédant, ainsi que les intérêts moratoires sur la somme de 1 381 937,40 euros à compter de la réception par le département de sa demande préalable du 21 octobre 2011 et la capitalisation des intérêts ;

- à titre infiniment subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise ayant pour objet de déterminer la valeur des biens non amortis à la date d'effet de la résiliation de la concession, de déterminer l'origine de la dotation initiale de 241 287 euros et d'apprécier la régularité et la sincérité des comptes du port de plaisance pour la période litigieuse ;

- en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge du département de la Loire-Atlantique le versement d'une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le département de la Loire-Atlantique, et de MeC..., représentant la commune du Croisic.

1. Considérant que, par un arrêté interministériel du 27 février 1970 et un cahier des charges annexé, parus au Journal officiel de la République française le 25 avril 1970, l'Etat a concédé à la commune du Croisic l'établissement et l'exploitation d'un port de plaisance sur son territoire pour une durée de cinquante ans ; que par un arrêté du 29 décembre 1983, en application des lois de transfert des compétences dans le cadre de la décentralisation, le préfet de la région des Pays de la Loire a confié la gestion du port du Croisic au département de la Loire-Atlantique, qui s'est substitué à l'Etat dans l'exécution du contrat de concession ; que l'évolution du contexte économique en particulier la situation de l'activité de la pêche dans les ports du Croisic et de La Turballe, a conduit le département à engager une réflexion, au cours de l'année 2009, sur la gestion de ces ports, et à décider de conclure une délégation de service public unique pour les ports de pêche et de plaisance de ces deux communes ; que, par une délibération du 6 mai 2010, la commission permanente du conseil général de la Loire-Atlantique a, d'une part, résilié sur la demande des concessionnaires respectifs, la concession du port de pêche du Croisic, la concession du port de pêche de la Turballe et la concession du port de plaisance de La Turballe, et d'autre part, résilié unilatéralement pour motif d'intérêt général la concession du port de plaisance du Croisic, à compter du 31 décembre 2010 ; que la commune du Croisic a demandé au département, en dernier lieu par un courrier du 21 octobre 2011, de lui verser une indemnité de 1 382 237 euros au titre des préjudices résultant selon elle de cette résiliation anticipée de la concession du port de plaisance ; que le département l'a informée, par un courrier du 4 novembre 2011, qu'il lui accordait une indemnité de 45 367 euros et rejetait le surplus de sa demande ; que par un jugement du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a écarté les stipulations de l'article 45 du cahier des charges annexé à l'arrêté interministériel du 27 février 1970 et condamné le département de la Loire-Atlantique, sur le fondement des règles générales applicables aux contrats administratifs, à verser à la commune du Croisic une somme totale de 957 095,45 euros, comprenant 590 352,05 euros en indemnisation de la valeur non amortie des biens de retour, 275 000 euros au titre de la perte des bénéfices manqués et 137 110,40 euros au titre du versement au département de la trésorerie disponible au 31 décembre 2010, le tribunal déduisant de l'indemnité totale de 1 002 462,45 euros la somme de 45 367 euros déjà versée par le département de la Loire-Atlantique et décidant que la somme de 957 095,45 euros ainsi obtenue serait assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2011 et de la capitalisation de ces intérêts ; que, par la présente requête, le département de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement ; que la commune du Croisic, qui conclut à titre principal au rejet de cette requête, demande, à titre subsidiaire et par la voie de l'appel incident, dans l'hypothèse " où la cour évoquerait ", que le département soit condamné à lui verser une somme de 597 939,05 euros au titre de la valeur non amortie des biens retournés au concédant, une somme de 646 888 euros au titre de son manque-à-gagner et une somme de 137 110,40 euros au titre de la trésorerie indument reprise par le concédant ;

Sur le contrat applicable :

2. Considérant que pour obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résiliation anticipée de la concession du port de plaisance avec effet au 31 décembre 2010, la commune du Croisic a demandé au département de la Loire-Atlantique de lui verser une compensation financière des biens de retour qu'elle a financés et qui ne seraient pas entièrement amortis à la date de la résiliation, sur le fondement des stipulations de l'article 6 d'un nouveau cahier des charges de la concession qui lui a été notifié par le département le 3 septembre 2003, ainsi qu'une indemnisation de la perte des bénéfices escomptés pour les années restant à courir jusqu'au terme initialement prévu de la concession, sur le fondement de l'article 71 de ce même document ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si le département de la Loire-Atlantique avait soumis à l'avis de la commune du Croisic, par courrier du 3 septembre 2003, un projet d'avenant au contrat de concession à l'effet de substituer un nouveau cahier des charges à celui annexé à l'arrêté interministériel du 27 février 1970, il est constant que cette consultation est restée sans suite et que cet avenant n'a pas été signé par les parties intéressées ; que si l'autorité gestionnaire du domaine public a la faculté de modifier unilatéralement les conditions financières de l'autorisation d'occupation du domaine public afin d'assurer la bonne gestion de celui-ci, sous réserve de ne pas remettre en cause l'équilibre financier de la concession, il résulte de l'instruction que le document invoqué par la commune du Croisic, tant par sa forme que par son contenu, ne constitue pas une décision par laquelle le département aurait entendu faire usage de son pouvoir de modification unilatérale du contrat de concession, mais un simple projet d'avenant portant sur un autre cahier des charges qui n'a jamais acquis un caractère contractuel liant les parties ; que ce document ne pouvait dès lors constituer le fondement contractuel de l'indemnisation sollicitée ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du cahier des charges annexé à l'arrêté interministériel de février 1970, relatif au " retrait de la concession " : " A toute époque, l'Etat aura le droit de retirer la concession, charge pour lui de pourvoir au paiement des annuités restant à courir pour l'intérêt et l'amortissement des emprunts affectés à l'établissement de l'outillage et de supporter toutes dépenses régulièrement engagées qui se rattacheraient à l'administration du service. / Le retrait aura les mêmes effets que la reprise visée à l'article précédent. / L'Etat sera tenu de se substituer au concessionnaire pour l'exécution de tous les engagements normalement pris par lui pour l'exécution du service jusqu'à ce que la suppression des installations ait été prononcée, s'il y a lieu, dans les formes prévues au dernier paragraphe de l'article 47 ci-après " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui déterminent les obligations financières du département de la Loire-Atlantique, substitué à l'Etat, s'il entend résilier la concession avant son terme, que l'indemnisation du concessionnaire est en ce cas limitée à la reprise des seules charges d'emprunt afférentes à l'outillage ainsi que des dépenses de fonctionnement régulièrement engagées et exclut toute indemnité complémentaire, notamment au titre des investissements réalisés par le concessionnaire sur ses fonds propres ; qu'il est constant que l'indemnité due à la commune du Croisic en application de ces seules stipulations n'excède pas le montant de la somme de 45 367 euros qui lui a été versé par le département ;

Sur le droit à indemnité de la commune concessionnaire sur le fondement des règles générales applicables aux contrats administratifs :

4. Considérant qu'en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'autorité concédante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat de concession, sous réserve des droits à indemnité du concessionnaire et que l'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé ;

5. Considérant que la commune du Croisic sollicitait, sur le fondement d'un " rapport financier " du 16 janvier 2012 établi à sa demande par un expert-comptable, au titre des investissements non amortis faisant retour au département à la date de la résiliation, une somme de 598 239 euros, que les premiers juges lui ont accordée à hauteur de 590 352,05 euros ; qu'elle sollicitait en outre, au titre de la perte des gains escomptés jusqu'au terme de la concession, une somme de 646 888 euros, correspondant selon elle au bénéfice moyen annuel calculé sur les dix derniers exercices, apprécié sur les " onze années " restant à courir jusqu'au terme initialement prévu de la concession, à laquelle les premiers juges ont substitué la somme de 275 000 euros qu'ils ont déterminée forfaitairement ; que la commune du Croisic sollicitait enfin le remboursement de l'excédent net de trésorerie constaté au 31 décembre 2010, d'un montant de 137 110,40 euros ; que le tribunal administratif de Nantes a estimé que dès lors que la commune du Croisic justifiait ainsi d'un préjudice d'un montant total de 1 002 462,45 euros causé par la résiliation anticipée, il existait une disproportion manifeste entre l'indemnité résultant de l'application de la concession et le montant du préjudice subi par la commune, justifiant que les stipulations de l'article 45 du cahier des charges de la concession soient écartées ;

6. Considérant, toutefois, que lorsque l'autorité concédante résilie la convention avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis ; que l'indemnisation du concessionnaire correspond à la valeur réelle résiduelle des biens en cause telle qu'elle doit être déterminée en tenant compte de la dépréciation subie par ces biens du fait de l'usure et de toute autre cause ; que lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan ; que, dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat ; que l'indemnité mise à la charge de la personne publique concédante au titre de ces biens non amortis ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus ;

7. Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, d'une part, que la commune du Croisic a fini de rembourser au cours de l'exercice 2010 les emprunts contractés pour le financement des biens de la concession, d'autre part qu'elle n'établit pas avoir financé certains de ces biens sur des ressources propres extérieures à l'emprunt ; qu'il en résulte qu'elle ne justifie pas que subsisterait une dépense exposée par elle pour la création, l'acquisition ou le maintien de biens de la concession, dont une fraction demeurerait à sa charge et devrait être regardée comme non amortie à la date d'effet de la résiliation de la concession, le 31 décembre 2010 ; que, par suite, faute d'établir que subsisterait une part non amortie de biens dans lesquels elle aurait investi, dont elle pourrait être fondée à demander l'indemnisation par la prise en compte de leur valeur nette comptable, la commune du Croisic ne peut se prévaloir d'un préjudice afférent à la valeur des biens de la concession faisant retour dans le patrimoine du département concédant ;

8. Considérant qu'en tout état de cause, à supposer même que la valeur nette comptable de certains biens inscrits au bilan de la concession à la date d'effet de la résiliation puisse être regardée comme l'expression de la valeur résiduelle non amortie de biens correspondant à des dépenses du concessionnaire, il résulte de l'instruction que le montant du préjudice afférent pour la commune ne saurait atteindre le montant dont elle demande l'indemnisation et ne peut être regardé comme révélant une disproportion manifeste entre l'indemnité versée par le département concédant en application des stipulations du cahier des charges et le montant du préjudice résultant, pour la commune concessionnaire, des dépenses qu'elle a exposées et du gain dont elle a été privé ;

En ce qui concerne le préjudice invoqué au titre de la part non amortie des biens de la concession :

9. Considérant, en effet, que la commune du Croisic invoque un premier préjudice constitué par la part non amortie des biens de la concession, qu'elle évalue à 597 939,05 euros à partir d'une valeur nette comptable globale des actifs immobilisés au 31 décembre 2010 qui s'élève, selon les deux parties, à 1 535 525,29 euros, sur laquelle ont été opérées par l'expert mandaté par elle pour établir le rapport du 16 janvier 2012 sus-évoqué au point 5 un certain nombre de corrections, principalement les déductions des sommes de 44 416,66 euros correspondant à la valeur nette de l'aménagement du quai Hervé Rielle, apporté par l'Etat en 1970, 109 652,41 euros correspondant aux subventions accordées à la commune pour l'acquisition des biens de la concession, 598 026,19 euros correspondant à des frais comptabilisés à tort comme immobilisations mais constituant en réalité des dépenses de fonctionnement et 185 190,98 euros correspondant au retraitement de la valeur nette comptable de biens dont la durée d'utilisation était estimée à une durée supérieure à celle du contrat ; que ce même préjudice a été évalué à 590 352,05 euros par le tribunal ; que si, dans ses dernières écritures enregistrées les 20 mai et 3 juin 2016, la commune du Croisic soutient qu'il n'y aurait finalement pas lieu de soustraire la somme susmentionnée de 44 416,66 euros du montant de l'indemnité qu'elle estime lui être due au motif que la valeur nette comptable du bien en cause aurait été déterminée après neutralisation de la part des subventions accordées par l'Etat et le conseil général pour le financement des travaux concernés, elle n'apporte pas de justification sérieuse à cette nouvelle argumentation qui ne peut dès lors qu'être écartée ;

10. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise comptable produit par le département de la Loire-Atlantique, établi en mars 2015, complété par une note du 4 mai 2016, fondé sur l'analyse des comptes administratifs et des comptes de gestion du budget de la concession et de leurs annexes ainsi que sur les comptes-rendus des conseils portuaires, qui n'est pas sérieusement contesté par les écritures et documents de la commune défenderesse, que, en premier lieu, dans son rapport du 16 janvier 2012 l'expert comptable de la commune a commis une erreur sur la date d'expiration de la concession, d'ailleurs reprise au point 12 du jugement attaqué, en retenant la date du 31 décembre 2021, au lieu de celle du 31 décembre 2020 résultant de l'application de l'article 43 du cahier des charges, et que cette erreur de date entraîne une erreur de 17 646,02 euros dans la détermination du montant de la correction à apporter à la valeur nette comptable globale des actifs immobilisés au titre du retraitement de la valeur nette comptable de biens dont la durée d'utilisation était estimée à une durée supérieure à celle du contrat ; qu'en deuxième lieu, l'analyse complète des dotations aux amortissements de dépréciation pratiquées au titre des biens n'ayant pas fait l'objet d'amortissements de caducité fait apparaître que certains biens n'ont pas fait l'objet d'amortissements ou n'ont été qu'insuffisamment amortis, ce dont il résulte que leur valeur nette comptable est en réalité inférieure à celle prise en compte par l'expert de la commune, ceci pour un montant total de 60 096 euros ; qu'en troisième lieu, certains biens dont la valeur nette comptable a été prise en compte dans le calcul de l'indemnisation sollicitée par la commune ont été en réalité financés partiellement ou totalement par le concédant ou par des subventions ; qu'en particulier, une somme de 241 287 euros prise en compte par l'expert de la commune comme montant cumulé d'apports en numéraires successivement réalisés par la commune au profit de la régie du port de plaisance à partir de 1992, avant que la commune soutienne dans ses écritures du 1er avril 2016 qu'il s'agirait d'un apport réalisé par elle en 1984 lors de la création du budget annexe de la concession, correspond en réalité, eu égard à son inscription au compte 1021 de la nomenclature comptable " M4 " applicable aux services publics locaux à caractère industriel et commercial, à une dotation initiale du concédant ; qu'en quatrième lieu, la commune a intégré parmi les valeurs nettes comptables de biens de retour selon elle indemnisables le solde de 17 063,13 euros d'un compte 1022 " Fonds globalisés d'investissement " qui dans la nomenclature " M4 " enregistre des sommes issues du FCTVA ou d'éventuels remboursements de TVA et ne saurait être regardé comme correspondant à une dépense exposée par le concessionnaire ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la valeur nette comptable des biens de la concession susceptibles d'être regardés comme correspondant à des dépenses de la commune concessionnaire s'élèverait en réalité, au 31 décembre 2010, à 200 039,72 euros ; que la base d'évaluation de ce premier chef de préjudice retenue par la commune du Croisic et par le tribunal apparaît ainsi erronée ;

En ce qui concerne le manque à gagner allégué :

11. Considérant que si le rapport de l'expert comptable mandaté par la commune comporte en annexe un tableau intitulé " Résultat de fonctionnement des dix dernières années du port de plaisance ", d'où est tiré un " résultat de fonctionnement " moyen de 58 808 euros par an, ce seul document, simplifié et dont il n'est aucunement établi qu'il prendrait en compte tous les éléments entrant effectivement dans la formation des résultats de l'exploitation de la concession du port de plaisance, ne permet pas de déterminer si cette exploitation était susceptible, pour les dix années, et non onze, de contrat restant normalement à courir, de dégager un bénéfice dont la privation constituerait, en vertu des règles sus-rappelées, un manque à gagner indemnisable pour la commune concessionnaire ;

12. Considérant qu'il résulte en revanche de l'instruction, notamment du rapport d'expertise comptable produit par le département, fondé sur le rattachement des produits et des charges constatés aux exercices les ayant vu naître et la neutralisation des éléments extraordinaires afin d'évaluer la rentabilité économique réelle de la concession, qu'un certain nombre de charges ont été minorées dans les résultats pris en compte par l'expert comptable de la commune ; qu'en premier lieu, au titre des frais de personnel, entre 2005 et 2008 un emploi de la régie du port de plaisance, correspondant à 0,5 " équivalent temps plein " (ETP), a été pris en charge par le budget de la commune ; qu'en deuxième lieu, des produits exceptionnels sur des opérations de gestion ont été enregistrés pour des montants de 12 732 euros en 2008, 5 374 euros en 2009 et 8 889 euros en 2010 ; qu'en troisième lieu, la charge de 540 000 euros sur 15 ans représentée par les opérations de dragage réalisées en 2004 et 2005 a été sous-estimée, d'une part en raison du dépôt de 1 000 m3 de sédiments sur un terrain communal qui a permis d'économiser au moins 100 000 euros de coût de dépôt des sédiments dans un centre de stockage agréé, une telle économie n'étant pas renouvelable, et d'autre part en raison de la hausse des coûts de ces opérations, qui est telle que l'application de l'indice de révision TP06 " dragages fluviaux et maritimes " applicable en décembre 2010 aboutit à une valeur globale révisée de 787 000 euros, soit une provision disponible pour dragage au 31 décembre 2010 de 315 000 euros au lieu des 140 000 euros retenus par la commune concessionnaire ; qu'en quatrième lieu, alors que les charges d'entretien courant étaient de l'ordre de 15 000 euros sur la période 2003-2009, elles ont anormalement chuté en 2010 à 6 500 euros en raison de l'annonce de la résiliation qui a incité à limiter cet entretien au minimum ; qu'en cinquième lieu, les besoins de gros entretien de l'estacade dite de " Port Charly " n'ont pas été pris en compte par la commune concessionnaire, qui avait la charge de l'entretien des ouvrages en vertu de l'article 5 du cahier des charges de la concession, ce qui a entraîné le défaut de comptabilisation de la provision pour gros entretien qui aurait dû être constatée, alors que les travaux nécessaires sont estimés à 619 000 euros HT et étaient prévisibles dès lors qu'ils étaient inscrits au " dossier d'intervention ultérieure de l'ouvrage " ; que la commune du Croisic ne peut sérieusement soutenir que l'estacade de Port Charly serait extérieure au domaine concédé et que son entretien ne lui incombait pas, dès lors que l'avenant n°5 du 28 juillet 2001 à la concession du port de plaisance, dont l'irrégularité alléguée ne peut être utilement invoquée dès lors qu'elle n'est pas d'une gravité telle que cette clause devrait être écartée pour régler le litige entre les parties, a étendu le périmètre de la concession en y intégrant notamment " 5. L'estacade de 261 m de long, le ponton de 110 m, la passerelle et les équipements " ; que si la commune soutient qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'entretien normal de cet ouvrage puisqu'elle a réalisé des travaux d'entretien entre 2007 et 2010, elle n'établit ni la réalité des travaux ainsi invoqués ni qu'ils auraient correspondu à la prise en charge et à la comptabilisation du gros entretien nécessaire ; qu'en sixième lieu, un certain nombre de dotations aux amortissements ont été omises ; qu'enfin, la commune elle-même indiquait dans une note annexée au compte administratif de 2008 que les charges de personnel et les provisions étaient volontairement minimisées " afin de dégager un résultat positif " ; que, dans ces conditions, l'existence d'un bénéfice manqué pour la commune concessionnaire ne saurait être regardée comme établie ;

En ce qui concerne le retour de la trésorerie de la concession au département :

13. Considérant que la circonstance que le département de la Loire-Atlantique ait récupéré le fond de trésorerie de la concession, s'élevant à 137 110,40 euros, pour le rétrocéder immédiatement au nouvel exploitant du port de plaisance, ne constitue ni une dépense exposée par le concessionnaire ni un gain manqué et n'entre dès lors pas dans les éléments de détermination du préjudice indemnisable en cas de résiliation pour motif d'intérêt général ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13 que la commune du Croisic n'établit pas qu'elle aurait subi un préjudice entraînant une disproportion manifeste par rapport à la situation résultant de la seule application des stipulations du cahier des charges de la concession du port de plaisance ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'ordonner une expertise, d'une part, que le département de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à la commune du Croisic la somme de 957 095,45 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci ; que d'autre part, en revanche, les conclusions d'appel incident de la commune du Croisic tendant à l'augmentation de cette indemnité ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Loire-Atlantique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la commune du Croisic au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune du Croisic une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département de la Loire-Atlantique et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1200815 du tribunal administratif de Nantes en date du 21 mai 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune du Croisic devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : La commune du Croisic versera au département de la Loire-Atlantique une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Loire-Atlantique et à la commune du Croisic.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016.

Le président, rapporteur,

L. LAINÉL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

C. LOIRAT

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet de Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14NT01984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01984
Date de la décision : 28/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LEXCAP RENNES LAHALLE - DERVILLERS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-06-28;14nt01984 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award