Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GSN-DSP a demandé au tribunal administratif de Nice, dans le dernier état de ses écritures :
- de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 10 054 994 euros hors taxes au titre de l'enrichissement sans cause et la somme de 65 037 360 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute de la commune, sous déduction de la provision versée en exécution de l'ordonnance de référé provision du 13 juin 2008 ;
- d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007 ;
- de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 874 780,74 euros TTC en remboursement des frais d'expertise ;
- de mettre la somme de 30 000 euros à la charge de la commune de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 0804822 du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Nice à lui verser la somme de 1 504 590 euros hors taxes assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007 et a mis à la charge de la commune les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 874 780,74 euros TTC ainsi que la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 septembre 2014, le 3 juin 2015 et le 4 juillet 2016, la société GSN-DSP, représentée par MeC..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 juillet 2014 ;
2°) de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 10 054 994 euros hors taxes, soit 12 065 992 euros TTC, sur le fondement de l'enrichissement sans cause ou de la responsabilité pour faute de la commune ;
3°) de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 46 401 720 euros sur le fondement de sa responsabilité pour faute, sous déduction de la provision versée par la commune de Nice en exécution de l'ordonnance de référé provision du 13 juin 2008, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007 et les intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
4°) de mettre les frais d'expertise à la charge de la commune de Nice ;
5°) de mettre la somme de 100 000 euros à la charge de la commune de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont commis une erreur en ne tenant pas compte de la taxe sur la valeur ajoutée due par la ville de Nice sur la somme au versement de laquelle elle a été condamnée ;
- les premiers juges ne pouvaient pas fonder leur analyse sur le seul rapport d'expertise, qui est irrégulier ;
- le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- elle a intérêt et qualité pour agir comme étant substituée aux droits et obligations du groupement d'entreprises représenté par la société Cari ;
- elle est fondée, sur le terrain de l'enrichissement sans cause, à être indemnisée de l'intégralité des dépenses engagées pour la préparation et l'exécution du contrat de concession ;
- elle est également fondée à être indemnisée des préjudices résultant de la faute commise par la commune de Nice ;
- la commune de Nice est seule responsable de l'illégalité du contrat ;
- l'expert n'a pas correctement effectué sa mission en ne recherchant pas les bénéfices habituellement réalisés dans des opérations similaires ;
- la méthode retenue par l'expert pour déterminer les dépenses prévisionnelles de maintenance, de gros entretien et renouvellement des ouvrages est erronée et comporte de graves insuffisances ;
- elle justifie d'un bénéfice escompté à hauteur de la somme de 30 300 593 euros ;
- les premiers juges ne pouvaient assimiler la perte de bénéfice auquel elle pouvait prétendre à la rémunération que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
- la rémunération liée à l'exécution du contrat ne comprend pas uniquement le bénéfice tiré de l'exploitation du service public délégué ;
- l'absence alléguée d'un résultat d'exploitation bénéficiaire n'est pas de nature à empêcher toute indemnisation des dépenses directement exposées pour la préparation et l'exécution du contrat autres que les dépenses utiles ;
- elle est fondée, outre l'indemnisation du bénéfice escompté, à être indemnisée à raison des frais de préparation de l'offre, des frais de justice, des frais de démobilisation des moyens, de la non couverture des frais généraux et du préjudice commercial et d'image ;
- les frais d'expertise doivent être intégralement mis à la charge de la commune de Nice.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 février 2015 et le 30 septembre 2015, la commune de Nice conclut :
- au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 216 000 euros TTC soit mise à la charge de la société GSN-DSP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a mis à sa charge l'intégralité des frais et honoraires d'expertise ainsi qu'une somme de 30 000 euros au titre des frais exposés par la société GSN-DSP et non compris dans les dépens et à la condamnation de la société GSN-DSP aux dépens comprenant les frais et honoraires d'expertise.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt et de qualité pour agir de la société GSN-DSP au titre des dépenses qu'elle n'a pas personnellement exposées ou des préjudices qu'elle n'a pas subis, se fonder sur l'avenant de transfert de la concession du 18 janvier 2006, celui-ci étant nul par voie de conséquence de la nullité du contrat ;
- les moyens soulevés par la société GSN-DSP ne sont pas fondés ;
- dans l'hypothèse où la Cour considèrerait que la société requérante est fondée à solliciter une indemnisation sur un fondement quasi-délictuel, il y aura lieu d'opérer un partage de responsabilité tenant compte de la faute commise par cette dernière qui aurait dû relever l'irrégularité du contrat ;
- l'attitude de la société GSN-DSP pendant les opérations d'expertise a contribué à une augmentation significative des frais et honoraires des experts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société GSN-DSP, et de MeB..., représentant la commune de Nice.
Une note en délibéré présentée par la société GSN-DSP a été enregistrée le 19 octobre 2016
1. Considérant que la commune de Nice a conclu le 18 janvier 2006 avec un groupement momentané d'entreprises dont la société Cari était le mandataire un contrat de concession portant sur la conception, la construction, la maintenance et l'exploitation d'un complexe de football, sur le site de Saint-Isidore Sud, pour une durée de 30 ans ; que par avenant n° 1 pris conformément à l'article 1er de ce contrat, celui-ci a été transféré à la société GSN-DSP ; que sur déféré du préfet des Alpes-Maritimes, le tribunal administratif de Nice a, par jugement du 22 décembre 2006 devenu définitif, annulé la délibération autorisant la signature du contrat ainsi que le contrat, au motif tiré du non-respect des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ; qu'après avoir saisi le 1er mars 2007 la commune de Nice d'une réclamation tendant à son indemnisation du fait de l'annulation du contrat, la société GSN-DSP a obtenu, par décision du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 13 juin 2008, une provision de 3 089 320,30 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007 ; que la société GSN-DSP relève appel du jugement du 18 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation de la commune de Nice à l'indemniser des conséquences de l'annulation du contrat du 18 janvier 2006 ; que par la voie de l'appel incident, la commune de Nice sollicite la réformation de ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise et une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
3. Considérant que les premiers juges ont indiqué au point 7 de leur jugement que le projet de stade conçu par le groupement Cari était sensiblement différent de celui réalisé ultérieurement, le seul point commun étant l'identité de site et ont également précisé dans le point 9 que le second projet était réalisé dans un nouveau cadre juridique ; qu'ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement en ce qu'il affirme que le projet qui a été réalisé est distinct du projet qu'avait proposé le groupement Cari ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) " ;
5. Considérant que dans son mémoire enregistré le 15 mai 2009 par le greffe du tribunal administratif de Nice, la commune de Nice a fait valoir qu'elle ne saurait être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient soulevé d'office ce moyen sans en informer les parties doit, en tout état de cause, être écarté ;
Sur la recevabilité de la demande de la société GSN-DSP :
6. Considérant que l'avenant au contrat de concession signé le 9 juin 2006 transférant à la société GSN-DSP le contrat de concession du 18 janvier 2006 est nécessairement nul par voie de conséquence de la nullité de ce contrat ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la société Cari, l'entreprise Spada, le groupement solidaire dénommé " groupement de réalisateurs ", les architectes et concepteurs réunis au sein d'un groupement conjoint de conception-réalisation, d'une part, et le groupement concessionnaire dont la société Cari est mandataire et la société GSN-DSP, d'autre part, ont conclu le 28 mars 2006 un contrat de droit privé aux termes duquel les droits et obligations du groupement de conception-réalisation ont été transférés à la société GSN-DSP ; qu'en application de l'article 6.2. de ce contrat : " Dans tous ces rapports avec la ville de Nice susceptibles d'affecter les droits et obligations du groupement de concepteurs-réalisateurs, [la société GSN-DSP] s'engage à faire valoir les droits du groupement (...) envers la ville de Nice avec bonne foi et diligence, en concertation avec celui-ci, sans préjudice des droits à indemnisation du groupement (...) en cas de méconnaissance par [la société GSN-DSP] desdites obligations " ; que, par suite, la société GSN-DSP tient de ce contrat, qui n'a pas disparu de l'ordonnancement juridique, qualité pour agir, à fin notamment de remboursement des dépenses engagées par les autres sociétés du groupement ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nice doit être écartée ;
Sur la régularité des opérations d'expertise :
7. Considérant que, par jugement avant dire droit du 18 juin 2010, le tribunal administratif de Nice a désigné un expert avec pour mission de déterminer le montant des différentes dépenses exposées pour la préparation et l'exécution du contrat, de les analyser au regard des obligations contractuelles de la société GSN-DSP puis de procéder à une évaluation du bénéfice habituellement réalisé compte tenu de la nature des prestations et des spécificités de l'entreprise et d'estimer le bénéfice sur la durée de 30 ans prévue au contrat et, enfin, d'indiquer, le cas échéant, les autres éléments du préjudice résultant pour le cocontractant de l'annulation du contrat ;
8. Considérant que M.A..., expert financier, s'est adjoint les services d'une experte en économie et en gestion d'entreprise et, pour l'estimation des bénéfices, d'un expert en bâtiment et en économie de la construction ; que suite aux premiers travaux effectués par ce dernier, la société GSN-DSP, qui contestait l'estimation des dépenses de maintenance et de gros entretien et de renouvellement, a sollicité la désignation d'un sapiteur supplémentaire ; qu'il a été fait droit à sa demande par la nomination d'un expert en économie de la construction près la Cour de cassation ; que, pour les besoins de leurs travaux, les experts n'ont pas opéré de comparaison entre le projet de la société GSN-DSP avec des constructions similaires, au motif qu'il n'existait pas, à leur connaissance, de références fiables permettant d'identifier les coûts de maintenance sur une durée de concession équivalente ;
9. Considérant qu'à défaut d'élément de comparaison pertinent, le premier sapiteur s'est fondé sur des fiches d'observations consacrées à la maintenance du patrimoine immobilier et détaillées par ouvrage et par tâche " en fonction du ou des matériaux, des travaux réalisés et de la nature de l'équipement " et indiquant des fourchettes de coûts et de périodicité d'intervention sur l'ouvrage ; qu'il s'est également appuyé sur un ouvrage des éditions du Moniteur : " La maintenance des bâtiments en 250 fiches ", chacune de ces fiches décrivant " la périodicité de l'intervention sur l'ouvrage avec une fourchette courte de période et une valeur de cette intervention exprimée en pourcentage de la valeur à neuf de cette partie d'ouvrage construit " ; que chaque ligne de l'offre du cocontractant a fait l'objet d'une fiche spécifique, en y appliquant des recommandations de maintenance, de gros entretien et de renouvellement, en termes de périodicité et de coût ;
10. Considérant que, pour sa part, le second sapiteur a effectué une analyse plus globale, par la détermination du personnel nécessaire et du temps de réalisation des opérations de maintenance, en référence à la norme ISO 15-686-5, intitulée " Calcul du coût global ", le coût global comprenant, outre les coûts de conception et de construction, ceux liés à l'exploitation et à la maintenance ;
11. Considérant que si la société GSN-DSP soutient que des comparaisons auraient pu être réalisées avec d'autres stades, elle n'apporte toutefois aucun exemple venant contredire les affirmations de l'expert sur l'absence d'infrastructure comparable avec une durée d'existence similaire ; qu'en outre, les sapiteurs ont retenu des méthodes permettant à la société requérante de débattre sur chaque poste devant faire l'objet de maintenance ou de gros entretien et renouvellement ;
12. Considérant que pour les motifs exposés ci-dessus, l'expert et ses sapiteurs ont intégralement rempli les missions qui leur étaient confiées ; que, par suite, l'expertise n'est pas irrégulière ;
13. Considérant qu'en mentionnant au point 27 du jugement que " les experts ont justifié de l'impossibilité de trouver des éléments de comparaison pertinents compte tenu de la nature des prestations prévues par le projet " et en précisant que " la circonstance que l'expert n'aurait pas rempli exactement la mission assignée, ne fait pas obstacle à ce que le Tribunal se fonde sur les informations économiques et techniques dudit rapport ", les premiers juges n'ont pas écarté l'expertise comme irrégulière ; qu'ils ont en outre comparé les éléments de l'expertise portant sur la détermination du bénéfice attendu aux données produites par la société GSN-DSP ; qu'ils n'ont ainsi pas méconnu leur office ;
Sur le fond :
14. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses engagées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que le contrat lui aurait procurée ;
En ce qui concerne les dépenses utiles :
15. Considérant que la circonstance que la commune de Nice, après l'annulation du contrat de concession du 18 janvier 2006, a conclu, en vue de la réalisation du stade de football, un contrat de partenariat avec le groupe Vinci, qui a assumé les fonctions de maître de l'ouvrage, ne fait pas obstacle à ce que la commune de Nice soit réputée bénéficiaire des dépenses utiles au nouveau projet réalisé par le groupe Vinci ;
S'agissant des frais de développement du projet :
16. Considérant que les frais de montage, constitués par les frais d'immatriculation de la société GSN-DSP, les honoraires extérieurs et les salaires des collaborateurs de la société chargés du montage du projet, s'ils l'ont été pour les besoins de l'exécution du contrat, n'ont pas pour autant enrichi la commune de Nice ; qu'ils ne présentent dès lors pas le caractère de dépenses utiles ;
17. Considérant que, pour les mêmes motifs, les frais de maîtrise d'ouvrage, regroupant les dépenses relatives au suivi et à la gestion du contrat de concession par le maître d'ouvrage, ne revêtent aucun caractère utile pour le nouveau projet ;
18. Considérant que les frais financiers engagés par la société GSN-DSP pour assurer l'exécution du contrat ne peuvent être regardés comme des dépenses utiles ;
S'agissant des coûts d'investissements liés à la construction du stade :
Quant aux frais de bureaux de contrôle :
19. Considérant que la société GSN-DSP a conclu des contrats avec le bureau Véritas et la société Apave portant sur une mission de contrôle technique et de S.P.S. ; que le bureau Véritas avait pour mission d'émettre des avis sur les documents de conception et de prescription du projet puis de vérifier la conformité de l'exécution des travaux aux avis ainsi émis ; que l'Apave, pour sa part, avait une mission équivalente portant sur la sécurité et la protection de la santé ; que les deux sociétés ont réalisé les prestations avant exécution ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents produits par la commune de Nice que le nouveau projet ne présente pas la même architecture que celui objet du contrat annulé ; que, notamment, le stade proposé par la société Cari, d'une capacité de 32 826 places, présentait un profil elliptique, la couverture des gradins étant assurée par un velum recouvert d'une membrane translucide tendue sur des fléaux incurvés, les tribunes étant en forme de chaudron ; que ce projet prévoyait la création de bureaux et de commerces d'une superficie de 6 000 m² dans l'enceinte du stade, d'un restaurant et de 12 salles de réception ; que le nouveau projet, dénommé Allianz Riviera, comporte un stade n'ayant pas la même forme géométrique, possédant une charpente de couverture mixte bois-acier en partie recouverte de 4 000 panneaux solaires et pouvant accueillir de 35 000 à 45 000 personnes ; qu'il prévoit également la construction d'un musée national du sport d'une surface de 5 000 m² et des commerces d'une superficie de 20 000 m²; que, dans ces conditions, les avis émis par le bureau Véritas et la société Apave, qui portent sur un projet différent de celui qui a été finalement réalisé, ne présentent aucun caractère utile ;
20. Considérant, toutefois, que les études confiées à la société Sol Essais, qui visaient à déterminer la nature du sol et ses références mécaniques, portaient sur l'emplacement sur lequel a été réalisé le nouveau grand stade de Nice ; que cette étude, qui a été remise à la commune de Nice, a donc présenté un caractère utile ; que la société GSN-DSP peut dès lors prétendre à l'indemnisation du coût de réalisation de cette étude, à hauteur de la somme de 49 999 euros hors taxes ;
Quant aux frais de conception :
21. Considérant que la société GSN-DSP sollicite le remboursement des frais exposés pour la conception du projet, la constitution du dossier de demande de permis de construire, l'élaboration des plans d'avant-projet et des plans du projet définitif, du dossier technique et des plans d'exécution ; que, pour les motifs exposés au point 18, ces postes n'ont présenté aucun caractère utile ;
S'agissant des frais liés à la construction :
22. Considérant que l'aménagement des réseaux a nécessairement présenté un caractère utile pour le nouveau projet, situé globalement sur une emprise identique ; que la société GSN-DSP peut ainsi prétendre à l'indemnisation des dépenses engagées à ce titre, pour un montant de 151 634 euros hors taxes, tel que validé par les experts ;
23. Considérant qu'il y a lieu d'écarter les frais d'amenée, de mise en place et de mise en service des modules de chantier, dès lors qu'il ressort du procès-verbal de remise des lieux à la commune qu'aucune installation de chantier ne figurait plus sur le terrain ;
24. Considérant que la société GSN-DSP est fondée à être indemnisée des frais de clôture et de gardiennage du site, la clôture du site ayant permis de préserver les lieux jusqu'au démarrage du nouveau chantier et le gardiennage ayant été mis en place à la demande de la commune ; que les dépenses occasionnées pour ce poste doivent être arrêtées à la somme de 51 766 euros hors taxes ;
25. Considérant que les travaux d'aménagement des aires de stockage, des aires d'évolution des engins et des voies de grues ont nécessairement été utiles pour les besoins du nouveau chantier ; que la société GSN-DSP a dès lors droit à une indemnisation à ce titre, à hauteur de la somme de 79 071 euros hors taxes validée par les experts ;
26. Considérant que les travaux de déblais et remblais du terrain ont nécessairement présenté un caractère utile lors de la préparation du nouveau projet ; que la somme due à ce titre par la société GSN-DSP doit être arrêté à 1 128 343 euros hors taxes ;
27. Considérant que la société GSN-DSP n'établit pas que les frais liés aux stocks, constitués par un dépôt de matériaux présent sur le chantier alors qu'ils auraient dû faire l'objet d'un apport en déchetterie, présenteraient un caractère utile ;
28. Considérant que les frais de piquetage, qui consistent au report sur le terrain de l'emprise de la construction projetée, ne présentent pas, pour les motifs exposés au point 18, de caractère utile ;
29. Considérant que la société GSN-DSP a nécessairement exposé des frais généraux pour la réalisation des travaux dont le caractère utile a été ci-dessus retenu ; que ces frais sont constitués par la préparation du chantier et des méthodes d'exécution, la consultation de fournisseurs, les dépenses d'encadrement ou autres frais dits " de secteur ", les dépenses d'aménagement d'une villa située aux abords du chantier et ayant abrité les bureaux d'études et le personnel d'encadrement du chantier, la mise en oeuvre d'une démarche Qualité Sécurité Environnement, l'appel au laboratoire CEBTP et la gérance de la SEP ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'utilité des frais ainsi engagés en les arrêtant à la moitié des sommes retenues par les experts, soit 667 149 euros ;
30. Considérant que la société requérante ne justifie pas que les autres dépenses engagées au titre des frais généraux énumérés au point 29 ont présenté un caractère utile ;
31. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le montant total des dépenses utiles au titre des frais liés à la construction doit être arrêté à la somme de 2 127 962 euros hors taxes ;
S'agissant des frais de contractant général :
32. Considérant que la société GSN-DSP sollicite le versement d'une somme de 851 190 euros au titre de sa mission de contractant général ; que ce poste de préjudice a été écarté par les experts au motif que la société requérante ne justifiait pas que les dépenses engagées à ce titre n'avaient pas été prises en charge sur d'autres chefs de préjudice ; que faute pour cette dernière de produire des éléments permettant de s'assurer du contenu de sa mission et de son caractère utile pour la ville, cette demande doit être rejetée ;
S'agissant des frais de préparation des chantiers des partenaires :
33. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la société requérante n'avait conclu aucun contrat de sous-traitance au moment de l'annulation du contrat ; que, par suite, elle ne saurait en tout état de cause prétendre à une indemnisation à ce titre ;
S'agissant des coûts de maintien des moyens sur le site :
34. Considérant que la commune de Nice a demandé à la société GSN-DSP de conserver une partie de ses moyens sur le site, entre la date de l'ordonnance suspendant l'exécution du contrat et l'intervention du jugement d'annulation de ce contrat ; que les dépenses engagées par la société, qui comprennent des frais d'encadrement et de fonctionnement, ont ainsi présenté un caractère utile pour la commune ; que la société requérante conteste le montant des dépenses retenues par les experts à hauteur de la somme de 326 248 euros, en soutenant avoir justifié d'un montant supérieur de dépenses ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que certaines fiches de pointage étaient manquantes pour certains salariés et que d'autres salariés n'étaient pas affectés à cette mission ; que les frais de fonctionnement ont ensuite été proratisés à hauteur des justificatifs de présence fournis ; que la société GSN-DSP, en se bornant à soutenir qu'elle a fourni l'ensemble des justificatifs nécessaires pendant les opérations d'expertise, ne met pas la Cour en mesure de vérifier ses affirmations ; que le montant de son indemnisation sur ce poste de préjudice doit donc être arrêté à la somme de 326 248 euros hors taxes ;
35. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que le montant total de l'indemnisation de la société GSN-DSP au titre des dépenses utiles doit être arrêté à la somme de 2 454 210 euros hors taxes ;
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Nice :
36. Considérant que comme il a été dit, le tribunal administratif de Nice a annulé le contrat conclu entre la commune de Nice et la société GSN-DSP au motif tiré du non-respect des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, qui impose que soient stipulés dans la convention les tarifs à la charge des usagers ainsi que l'incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution ; que l'absence de cette mention est constitutive d'une faute de la commune de Nice de nature à engager sa responsabilité ;
37. Considérant que pour la détermination de l'indemnité à laquelle peut prétendre le cocontractant de l'administration telle que définie au point 14, il convient, s'agissant d'une délégation de service public, de déterminer le préjudice subi par le concessionnaire du fait de l'annulation du contrat, constitué par la différence entre le gain ou la perte effectivement constatée et le gain ou la perte qui aurait été normalement observé à la fin de la période de la concession si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ;
38. Considérant que selon la société GSN-DSP, son bénéfice escompté se montait à 48 936 593 euros, non compris un bénéfice de 4 491 593 euros pour les constructeurs et les partenaires ; que les experts ont validé les recettes provisionnelles pour un montant de 341 534 000 euros tenant compte d'un taux d'indexation annuel de 1,8 % ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a appliqué à la majorité des postes un taux d'indexation de 2,5 % au lieu du taux de 1,8 % qu'elle a pourtant admis lors des opérations d'expertise ; que cette erreur sur le taux d'indexation a conduit à une augmentation des recettes provisionnelles d'environ 20 millions d'euros ;
39. Considérant que la société GSN-DSP estimait le coût de la maintenance des installations à hauteur de la somme de 959 513 euros, incluant de la sous-traitance, sans pour autant préciser la méthode de calcul ayant abouti à ce montant ; que les travaux des experts ont révélé que si cette dernière justifiait précisément des postes électricité, nettoyage ou espaces verts, tel n'était pas le cas pour les postes de chauffage, climatisation ou plomberie ; que les experts ont également constaté que le dossier remis lors de la consultation ne prenait pas en compte la maintenance du gros oeuvre, de la charpente, des couvertures, de l'étanchéité et des menuiseries extérieures, une majorité des corps d'état secondaires n'étant pas non plus prévue ; qu'après avoir procédé à une étude exhaustive des obligations en matière de maintenance pour l'ensemble des éléments composant le projet sur la durée prévue du contrat, les experts ont chiffré le coût de maintenance à 1 175 000 euros hors taxes ;
40. Considérant que les dépenses de gros entretien et de renouvellement ont été estimées par la société requérante à un montant annuel de 212 696 euros ; que les experts ont relevé les mêmes omissions que celles décrites au point précédent dans les prévisions de dépenses, aucune intervention ou renouvellement n'étant notamment prévu pour le gros oeuvre, les charpentes, les couvertures, l'étanchéité et les menuiseries extérieures ; que le montant des dépenses de ce type sur la durée d'exécution du contrat a été estimé à 29 916 000 euros, soit un montant annuel de 786 000 euros ;
41. Considérant que comme il a été dit au point 12, la société GSN-DSP ne produit pas d'élément de nature à infirmer les analyses ainsi effectuées au cours des opérations d'expertise ; que, par suite, il y a lieu de retenir les estimations des experts ;
42. Considérant que compte tenu des montants affectés aux dépenses de maintenance et de gros entretien et de renouvellement, ainsi que des corrections de moindre portée apportées par les experts sur d'autres postes, non contestées par la société requérante, le résultat prévisionnel en fin de concession se serait révélé déficitaire à hauteur de 18 248 000 euros ; que le montant total des dépenses, y compris les dépenses autres que les dépenses utiles, exposé par la société GSN-DSP, tel que retenu par les experts, s'élève à 9 270 531 euros ; que ce montant étant inférieur au déficit ainsi déterminé, la société GSN-DSP ne peut prétendre à une indemnisation supplémentaire sur le fondement quasi-délictuel ;
43. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Nice par le jugement du tribunal administratif de Nice doit être portée à la somme de 2 454 210 euros hors taxes ; que, dans cette mesure, la société GSN-DSP est fondée à soutenir que ce jugement doit être réformé ;
Sur l'application de la taxe sur la valeur ajoutée :
44. Considérant qu'en application des dispositions de l'article 256 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) doit être établie sur l'ensemble des sommes facturées à un client pour prix d'une livraison ou d'une prestation effectuée par une entreprise assujettie ; que la circonstance que, lorsque la livraison ou la prestation de ce service a été faite à une collectivité publique en application d'un contrat déclaré ensuite entaché de nullité, ce prix ne peut excéder le montant des dépenses supportées par l'entreprise et qui ont été utiles à la personne publique est sans incidence sur l'applicabilité de la TVA aux sommes ainsi facturées ; qu'il en va également ainsi dans le cas où, par suite d'un litige entre le fournisseur et la personne publique, les sommes dues par cette dernière en rémunération du service ou du bien obtenu prennent la forme d'une indemnité fixée par un tribunal ; que, dès lors, la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Nice doit être assortie de la TVA ;
Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Nice :
45. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;
46. Considérant que la commune de Nice est la partie perdante dans la présente instance ; qu'aucune circonstance particulière au sens des dispositions précitées ne justifie que les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nice, mis à sa charge par le jugement du 18 juillet 2014, soient mis à la charge de la société GSN-DSP ;
47. Considérant que la société requérante a justifié en première instance des frais engagés par son conseil et non compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions de la ville de Nice tendant à ce que le jugement précité soit réformé en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
48. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société GSN-DSP et de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Nice au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Nice, partie perdante dans la présente instance ;
D É C I D E :
Article 1er : La condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Nice par le jugement du tribunal administratif de Nice est portée à la somme de 2 454 210 euros hors taxes, soit 2 935 235,16 euros TTC.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 juillet 2014 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Nice versera la somme de 2 000 euros à la société GSN-DSP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions d'appel incident de la commune de Nice sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société GSN-DSP et à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 novembre 2016.
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N° 14MA04055