Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de Vaucluse du 8 novembre 2012 autorisant la SAS La Flèche à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire et la décision du ministre du travail du 15 mai 2013 confirmant la décision de l'inspectrice du travail.
Par un jugement n° 1301888 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2014 et un mémoire en réplique enregistré le 10 septembre 2015, M.C..., représenté par la SCP Breuillot et Varo demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2014 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 8 novembre 2012 autorisant son licenciement et la décision du ministre du travail du 15 mai 2013 confirmant cette autorisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 15 mai 2013 n'est pas suffisamment motivée faute de répondre au moyen tiré de l'absence de caractère disciplinaire des faits reprochés et au moyen tiré de leur prescription ;
- la procédure est irrégulière en raison du caractère insuffisant des éléments qui ont pu lui être communiqués au cours de l'enquête contradictoire ainsi que lors de l'enquête effectuée dans le cadre du recours hiérarchique formé devant le ministre du travail ;
- le tribunal ne pouvait, sans contradiction, rejeter son recours en se fondant sur le constat d'une attitude agressive à l'égard du médecin du travail tout en indiquant que les faits de comportement violent envers le médecin du travail n'avaient pas servi de fondement à la décision de l'administration ;
- dès lors qu'il était dispensé d'activité au sein de l'entreprise depuis le 12 juin 2012, les faits qui lui sont reprochés, qui se sont déroulés le 11 juillet 2012 ne peuvent avoir été commis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et ne pouvaient justifier une sanction disciplinaire ;
- ils ne caractérisent pas un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail et notamment pas à son obligation de loyauté ;
- ses propos n'ont été ni injurieux ni menaçants et doivent être replacés dans leur contexte ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2014, la SAS La Flèche conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de l'appelant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de l'appelant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 août 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2015.
La SAS La Flèche a produit deux nouveaux mémoires les 2 et 12 octobre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeE..., première conseillère,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M.C..., et de MeD..., représentant la SAS La Flèche.
1. Considérant que Monsieur C...a été embauché par la société La Flèche Cavaillonnaise par contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 décembre 2006 au poste de conducteur routier ; que le 28 décembre 2007, son contrat de travail a été transféré en application de l'article L.122-12 du code du travail à la société La Flèche ; qu'il avait la qualité de délégué du personnel suppléant ; qu'à la suite d'une altercation avec la responsable formation de l'entreprise, le 11 juillet 2012, une procédure de licenciement a été mise en oeuvre à son encontre ; qu'après avoir refusé une première demande d'autorisation au motif que sa saisine était tardive, l'inspectrice du travail a, par une décision du 8 novembre 2012, autorisé son licenciement ; que par décision expresse du 15 mai 2013, le ministre du travail a confirmé cette décision ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
2. Considérant que M. C...fait valoir qu'il n'a pu consulter au cours de l'enquête contradictoire menée par l'inspectrice du travail les témoignages produits par l'employeur et dont il ignorait la teneur ;
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
4. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
5. Considérant que pour démontrer que M. C...n'a pas été privé de cette garantie, le ministre a fait valoir et le tribunal a retenu que, lors de la contre-enquête menée dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique, M. C...a été rendu destinataire, le 5 mars 2013, de l'argumentaire de la société La Flèche, comprenant en annexe les témoignages de ses salariés ; que, toutefois, le ministre s'est borné à confirmer la décision de l'inspectrice du travail ; qu'une telle confirmation n'est pas susceptible d'avoir purgé la décision confirmée des vices dont elle pouvait être affectée ; qu'il en résulte, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, que la circonstance que M. C... ait été, postérieurement à la décision du 8 novembre 2012, mis à même de consulter les témoignages produits par son employeur, n'est pas de nature à démontrer que la garantie qu'il invoque aurait été respectée ;
6. Considérant par ailleurs qu'il ne ressort d'aucune autre pièce du dossier que l'inspectrice du travail aurait, au cours de l'enquête contradictoire, mis M. C...à même de consulter les témoignages produits par son employeur et d'en obtenir communication ; que les mentions de la décision, qui s'appuie sur ces témoignages, sont silencieuses sur ce point ; que, s'il était reproché à M. C...un comportement agressif et menaçant, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce comportement imposait de ne donner au salarié protégé qu'un accès limité à la teneur de ces documents, afin de ne pas porter gravement préjudice aux auteurs de ces témoignages ; que le ministre a d'ailleurs, postérieurement, communiqué lesdits témoignages à M. C... ;
7. Considérant enfin que si la société La Flèche fait valoir que M. C... ne démontre pas qu'il aurait expressément demandé la communication des témoignages en cause, cette argumentation est inopérante dès lors que la garantie qu'il invoque n'est pas subordonnée à une demande de sa part mais a précisément pour objet de le mettre à même de formuler une telle demande ; que si elle indique également que M.C..., ayant pris part à l'altercation survenue le 11 juillet 2012, savait pertinemment que plusieurs personnes avaient assisté aux différents moments au cours desquels il a invectivé la responsable formation de l'entreprise, cette argumentation est également inopérante dès lors que, ainsi qu'il a été indiqué au point 4 la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces ne peut exonérer l'inspecteur du travail de son obligation ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'enquête préalable de l'inspectrice du travail n'a pas été menée conformément aux dispositions précitées de l'article R. 2421-11 du code du travail, ce qui a privé M. C...d'une garantie ; que si le ministre a effectué une nouvelle enquête avant de statuer sur son recours hiérarchique il s'est borné à confirmer la décision du 8 novembre 2012, ce qui n'a pu la purger de ce vice substantiel ; que la décision du 8 novembre 2012 est, par suite, illégale ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler également la décision du ministre du travail du 15 mai 2013 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 8 novembre 2012 et de la décision du ministre du travail du 15 mai 2013 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2014 est annulé.
Article 2 : La décision de l'inspectrice du travail du 8 novembre 2012 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 15 mai 2013 sont annulées.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société La Flèche.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2015, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- MmeE..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2015.
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N° 14MA03401
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