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28/12/2015 | FRANCE | N°14MA02304

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2015, 14MA02304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Bouches-du-Rhône a demandé à titre principal au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société BET SP2i, la société Afitest et la société Appia 13 à lui verser la somme de 8 334 258,61 euros sauf à parfaire assortie des intérêts de droit à compter de l'enregistrement de sa demande et de la capitalisation desdits intérêts.

Par un jugement n° 0903171 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mai 2014 et le 1er octobre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Bouches-du-Rhône a demandé à titre principal au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société BET SP2i, la société Afitest et la société Appia 13 à lui verser la somme de 8 334 258,61 euros sauf à parfaire assortie des intérêts de droit à compter de l'enregistrement de sa demande et de la capitalisation desdits intérêts.

Par un jugement n° 0903171 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mai 2014 et le 1er octobre 2015, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par la SCP Charrel et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mars 2014 ;

2°) d'homologuer le rapport d'expertise déposé le 22 mai 2007 ;

3°) de condamner in solidum la société SP2i, la société Dekra Inspection, venant aux droits de la société Afitest, et la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée, venant aux droits de la société Appia 13, à lui verser la somme de 2 979 601,45 euros hors taxe, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du jour d'introduction de sa demande en référé expertise ;

4°) de condamner les sociétés SP2i, Dekra Inspection et Eiffage Travaux Publics Méditerranée à lui verser chacune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner les sociétés SP2i, Dekra Inspection et Eiffage Travaux Publics Méditerranée aux dépens.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa demande visait à l'homologation du rapport d'expertise et était fondée sur la responsabilité contractuelle des participants à la construction du collège de Plan-de-Cuques du fait de désordres apparus avant la réception des travaux ;

- n'ayant pu obtenir devant les juridictions judiciaires que l'indemnisation des dommages de nature décennale, il est fondé à rechercher devant la juridiction administrative la responsabilité des sociétés intimées du fait de dommages ne relevant pas de la responsabilité décennale ;

- sa requête en référé expertise vaut réserve sur les travaux réalisés ;

- les désordres, constitués par des fissures consécutives à une insuffisance du béton armé, sont liés à des manquements dans l'exécution et la surveillance des travaux ainsi que dans leur conception ;

- aucune cause d'exonération de responsabilité ne peut être retenue en faveur des participants à la construction ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- les sociétés appelées en la cause ont manqué à leurs obligations contractuelles ; elles ont solidairement concouru à la réalisation des dommages ;

- il a subi des préjudices constitués par le coût de reprise des travaux, le paiement des entreprises de second oeuvre et le coût de mise en sécurité et de gardiennage du chantier ;

- s'il a été indemnisé par sa compagnie d'assurances, la société Sagena, au titre des préjudices matériels relevant des garanties de son contrat d'assurance à hauteur de la somme de 4 007 275,59 euros, il est en droit d'obtenir l'indemnisation des autres préjudices non pris en charge par son assurance et constitués par les indemnisations versées aux entreprises de second oeuvre au titre du manque à gagner du fait de la résiliation de leur marché à hauteur de la somme de 569 684 euros et par les frais de sécurité et de gardiennage du chantier d'un montant de 188 695,28 euros ;

- ;il convient également de prendre en compte les frais de remise en état du collège André Malraux d'un montant de 2 031 916,47 euros ;

- il a également droit au remboursement des frais d'expertise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2014 et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 novembre 2015, la société Dekra Industrial, anciennement dénommée Dekra Construction, anciennement dénommée Norisko Construction et venant aux droits de la société Afitest, conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause ; elle demande en outre à la Cour de mettre la somme de 5 000 euros hors taxe à la charge du département des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner ce dernier aux dépens.

Elle soutient que :

- la demande du département des Bouches-du-Rhône est irrecevable comme dénuée de toute précision sur son fondement juridique, la responsabilité contractuelle n'étant évoquée que pour la première fois en appel ;

- le département ne peut fonder son action à la fois sur la responsabilité contractuelle et sur la responsabilité délictuelle ni formuler des demandes similaires dans le cadre de procédures distinctes à l'encontre d'intervenants différents ;

- ainsi que l'a relevé la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le département a eu un comportement fautif, comme ne prenant pas en compte des observations et alertes du bureau de contrôle et comme confiant les travaux de gros oeuvre à une entreprise qui ne disposait manifestement pas des capacités pour mener à bien ces travaux ; il a également commis une faute dans la procédure de résiliation du marché, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans son arrêt du 15 novembre 2012 ;

- les préjudices dont l'indemnisation est sollicitée sont dénués de lien avec la mission confiée à la société Afitest ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2015, la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée, venant aux droits de la société Appia 13, venant elle-même aux droits de la société SCR 13, conclut à titre principal au rejet de la requête et demande à la Cour, à titre subsidiaire, de juger irrecevable l'action à son encontre en ce qu'elle est fondée sur des manquements contractuels ou, à titre plus subsidiaire, de la mettre hors de cause ; elle demande en outre à la Cour de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- la demande du département est irrecevable, comme dépourvue de fondement juridique ;

- à titre subsidiaire : le département ne peut rechercher sa responsabilité contractuelle, du fait de l'intervention du décompte général définitif, notifié le 7 juillet 2005 et n'ayant fait l'objet d'aucune contestation ; le département ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société Appia 13.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2015, la société SP2i conclut à titre principal au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, elle demande que la société Dekra Inspection soit condamnée à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; elle demande également que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges étaient fondés à rejeter la demande du département des Bouches-du-Rhône comme irrecevable, car dépourvue de fondement juridique ;

- les conclusions fondées sur la responsabilité contractuelle sont irrecevables comme présentées pour la première fois en appel ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée, en l'absence de faute dans l'exécution du contrat.

Par courrier du 30 juin 2015, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant le département des Bouches-du-Rhône, de MeB..., représentant la société SP2i, de MeC..., représentant la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée et de Me E..., représentant la société Dekra Industrial.

1. Considérant que le département des Bouches-du-Rhône, souhaitant construire un nouveau collège à Plan-de-Cuques, a délégué la maîtrise d'ouvrage à la société SPE Géodis puis la maîtrise d'oeuvre du projet à un groupement notamment composé de M.A..., architecte, et de la société SP2i, et la mission de contrôle technique à la société Afitest ; qu'il a ensuite conclu un marché de travaux divisé en 14 lots dont le lot gros oeuvre a été attribué à la société Charles Queyras Constructions et le lot VRD à la société Appia 13 ; qu'à la suite de difficultés survenues dans l'exécution des travaux, portant notamment sur la qualité des ouvrages de béton, la société SPE Géodis a mis en demeure le 21 août 2001 la société Charles Queyras Constructions de démolir et reconstruire les éléments de structure, puis, le 10 septembre suivant, a ordonné l'arrêt des travaux ; que, par une décision du 31 octobre 2001, le département des Bouches-du-Rhône a prononcé la résiliation du marché de travaux ; que le département des Bouches-du-Rhône relève appel du jugement du 18 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation des sociétés SP2i, Afitest et Appia 13 à lui verser la somme de 8 334 258,61 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge./ L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le département des Bouches-du-Rhône, après avoir exposé les faits, a mentionné dans sa demande de première instance qu'une expertise s'est déroulée à sa demande ; que, s'agissant principalement des responsabilités, il indique que " 38 désordres et malfaçons sont constatés par l'expert dont 23 sont imputables aux sociétés ", parmi lesquelles sont nommées les sociétés SP2i et Afitest ; qu'il a ensuite reproduit un tableau réalisé par l'expert judiciaire et listant ces désordres ainsi que leur nature, qualifiée d'esthétique ou décennale, et l'entreprise responsable de chacun de ces désordres ; qu'il mentionne plus loin que les travaux de terrassement confiés à la société Appia 13, en l'absence d'événement de force majeure, n'ont pas été livrés conformément au cahier des clauses techniques particulières, " soit que les obligations techniques contractuelles n'ont pas été respectées, soit qu'ils ont été livrés avec un retard de 7 semaines pour les bâtiments scolaires et de 11 semaines pour les logements de fonction. " ; qu'il conclut qu'il " convient (...) de constater qu'en raison de leur rôle respectif, les sociétés BET SP2i, bureau d'études structures Afitest, bureau de contrôle techniques, et Appia 13, attributaire du lot VRD, ont concouru à la réalisation du préjudice subi par la collectivité " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'ensemble de ces écritures que le département ne précise pas s'il entend rechercher la responsabilité décennale ou la responsabilité contractuelle des sociétés SP2i et Afitest ; que, contrairement à ce qui soutenu devant la Cour, la demande ainsi formulée ne pouvait permettre aux premiers juges de déterminer sans équivoque que le fondement juridique choisi par le département était la responsabilité contractuelle de ces deux sociétés, alors même que ce dernier énumère, au sein de sa demande, des désordres dont l'expert a retenu un caractère décennal et qu'il ne précise pas quelles clauses contractuelles auraient été méconnues par les cocontractantes ; que la circonstance que ces sociétés ont discuté en défense le principe de leur responsabilité contractuelle est sans incidence sur l'appréciation portée par le tribunal sur le fondement juridique de la demande dont il était saisi ; qu'enfin, en tout état de cause, aucune des conclusions du département des Bouches-du-Rhône ne portait sur " l'homologation " du rapport d'expertise ;

5. Considérant, d'autre part, que le département des Bouches-du-Rhône a notifié le 7 juillet 2005 à la société Appia 13 le décompte général de son marché, lequel, n'ayant fait l'objet d'aucune contestation, est devenu définitif ; qu'à supposer que les réserves relatives à l'état de l'ouvrage n'aient pas été levées, dès lors qu'il n'est pas fait état dans ce décompte des sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée de ces réserves, le caractère définitif de ce dernier a pour effet d'interdire au département des Bouches-du-Rhône toute réclamation correspondant à ces sommes, quand bien même une expertise avait été ordonnée par le tribunal administratif ; que, par suite, il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Appia 13 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que le département des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du département des Bouches-du-Rhône, partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par les sociétés Dekra Industrial, Eiffage Travaux Publics Méditerranée et SP2i et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à leur verser chacune la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du département des Bouches-du-Rhône est rejetée.

Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la société Dekra Industrial au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le département des Bouches-du-Rhône versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le département des Bouches-du-Rhône versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à la société SP2i au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département des Bouches-du-Rhône, à la société SP2i, à la société Dekra Industrial et à la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2015, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 décembre 2015.

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N° 14MA02304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02304
Date de la décision : 28/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP CHARREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-28;14ma02304 ?
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