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21/11/2016 | FRANCE | N°14MA01809

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2016, 14MA01809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Pagus SARL a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner la commune de Fréjus à lui verser les sommes de 1 023 020 euros au titre de son manque à gagner et de 50 000 euros au titre de ses frais de soumissionnement pour la seconde consultation, du fait de son éviction irrégulière, à deux reprises, du sous-traité de concession du lot n° 5 de la plage naturelle de ladite commune, ces sommes étant assorties des intérêts de retard au taux légal à compter d

u 29 septembre 2011, eux-mêmes capitalisés à partir du 29 septembre 2012 et, à t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Pagus SARL a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner la commune de Fréjus à lui verser les sommes de 1 023 020 euros au titre de son manque à gagner et de 50 000 euros au titre de ses frais de soumissionnement pour la seconde consultation, du fait de son éviction irrégulière, à deux reprises, du sous-traité de concession du lot n° 5 de la plage naturelle de ladite commune, ces sommes étant assorties des intérêts de retard au taux légal à compter du 29 septembre 2011, eux-mêmes capitalisés à partir du 29 septembre 2012 et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1200214 du 21 février 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la société Le Pagus.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 avril et le 18 juin 2014, la société Le Pagus, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 février 2014 ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Fréjus à lui verser les mêmes sommes de 1 023 020 euros et de 50 000 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Fréjus une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour rejeter sa demande, les premiers juges se sont irrégulièrement fondés sur un moyen en défense tiré notamment de ce que la commune aurait valablement pu déclarer la première consultation sans suite pour un motif d'intérêt général, relevé d'office par eux en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- ce moyen en défense méconnaît l'autorité de chose jugée attachée au jugement n° 1000256 du même tribunal du 16 mars 2012 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté tout lien de causalité entre le rejet de son offre dans le cadre de la première consultation et les préjudices qu'elle invoque ;

- les deux consultations ont été menées irrégulièrement :

- la commission de délégation de service public ne pouvait légalement solliciter, au cours de chacune des consultations, l'assistance de tiers qualifiés pour l'analyse des offres sans autorisation préalable du conseil municipal ;

- une telle assistance nécessite la conclusion d'un contrat dans les conditions prévues par le code des marchés publics ;

- dans le cadre de la première consultation, le directeur des institutions municipales n'avait pas lui-même été habilité par ladite commission à s'adjoindre l'assistance de tiers ;

- l'avis de ces derniers a eu une influence déterminante sur le rejet de ses offres dans le cadre de chacune des deux consultations ;

- au cours de ces dernières, la commission de délégation de service public n'a pas procédé elle-même à l'analyse des offres ;

- l'exposante n'a pas été invitée à compléter son offre dans le cadre de la première consultation, en méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats ;

- le principe de confidentialité des offres a été méconnu dans le cadre de la seconde consultation ;

- le sous-critère financier " redevance " est illégal :

- la redevance pour l'occupation du domaine public par le délégataire ne pouvait légalement être négociée et fixée par le contrat litigieux, au regard tant des dispositions des articles L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales que de celles des articles L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- ni les documents de la consultation, ni le contrat litigieux ne déterminent les critères relatifs à l'assiette de la redevance dont s'agit, laissant ainsi une entière liberté de proposition aux candidats en la matière, sans prise en compte des avantages escomptés par eux ;

- ni la commission de délégation de service public, ni la commune n'ont procédé à l'analyse des redevances proposées au regard de la valeur locative des lots et desdits avantages, en se bornant à retenir le plus disant ;

- l'absence de fixation unilatérale des taux et critères d'assiette de cette redevance par la commune, dans le cadre de chacune des deux consultations menées, a abouti à une discrimination entre les candidats à l'attribution des différents lots, à l'origine du rejet infondé des offres de l'exposante ;

- le rejet de son offre à l'issue de chaque consultation résulte d'une analyse erronée et incohérente :

- le sous-critère relatif aux coûts de construction et démolition ne figurait pas au sein du règlement de consultation ;

- il est sans lien avec la qualité de l'offre et le niveau d'investissement à réaliser ;

- sa mise en oeuvre en ce qui concerne l'exposante est entachée d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation ;

- le sous-critère relatif au matériel ne tient compte que des investissements proposés et non des biens mis à disposition par les candidats pour l'exécution du contrat litigieux ;

- le projet architectural de l'offre retenue n'était pas conforme au programme ;

- cette offre a été jugée à tort la plus intéressante sur le plan des investissements proposés et de la capacité financière du candidat, alors qu'elle devait être classée dernière sur ce point ;

- l'attribution du lot n° 5 n'a pas été impartiale ;

- elle présentait des chances sérieuses de se voir attribuer le contrat litigieux à l'issue de chacune des consultations menées ;

- elle justifie de son manque à gagner ;

- elle a inutilement exposé des frais de soumissionnement au titre de la seconde consultation ;

- le rejet infondé de ses deux offres l'a privée de son droit de propriété sur la clientèle qu'elle avait constituée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2014, la commune de Fréjus, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Le Pagus sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que la commission de délégation de service public se serait irrégulièrement adjoint l'assistance de tiers extérieurs à la commune est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par la société Le Pagus ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant la société Le Pagus.

Une note en délibéré présentée par Me B... a été enregistrée le 09 novembre 2016.

1. Considérant que par une délibération du 25 septembre 2008, le conseil municipal de la commune de Fréjus a adopté le principe du renouvellement des délégations de service public sous forme de concession pour l'aménagement et l'exploitation des lots de plage, situés sur les plages naturelles de Fréjus-Plage et sur la Base Nature " François Léotard ", pour une durée de douze ans ; qu'un avis d'appel public à la concurrence portant sur le lot n° 2 pour la plage naturelle de la base nature et sur les lots nos 2, 3, 5, 6 et 7 pour la plage naturelle de Fréjus-Plage a été publié le 25 juin 2009 ; que pour le lot n° 5 de la plage naturelle de Fréjus-Plage, un seul postulant a proposé sa candidature, la société Le Pagus, déjà titulaire de ce lot ; que, suivant l'avis de la commission des délégations de service public en date du 27 octobre 2009 et sur proposition du maire, le conseil municipal a, aux termes de la délibération du 26 novembre 2009, déclaré la procédure infructueuse, en raison de l'insuffisance de concurrence et du caractère incomplet de l'offre de la société Le Pagus et autorisé le maire à relancer la procédure ; que la société Le Pagus a également présenté une offre dans le cadre de la seconde consultation, laquelle a été implicitement rejetée par la délibération adoptée par le conseil municipal le 28 juin 2010, portant délégation du lot litigieux à la société Madatech ; que la société Le Pagus en a été informée par un courrier de la commune du 8 juillet 2010 ; que, par un jugement n° 1000256 du 16 mars 2012, confirmé par un arrêt n° 12MA01421 du 26 mai 2014 de la Cour, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération du 26 novembre 2009 en ce qu'elle a déclaré infructueuse la première consultation relative à l'attribution du lot n° 5 de " Fréjus-Plage " ; que, par un courrier du 28 septembre 2011 reçu le 29 en mairie, la société Le Pagus a sollicité de la commune de Fréjus le paiement des sommes de 1 023 020 euros et 50 000 euros, en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière respectivement de la première et de la seconde consultation, ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 février 2014, par lequel celui-ci a rejeté sa demande d'indemnisation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) " ; que le juge administratif, saisi de conclusions mettant en jeu la responsabilité de la puissance publique, n'est pas tenu de procéder à la communication ainsi prescrite lorsqu'il constate, au vu des pièces du dossier qui lui est soumis, qu'une des conditions d'engagement de la responsabilité publique n'est pas remplie, alors même qu'il fonde ce constat sur des dispositions législatives ou réglementaires non invoquées en défense ;

3. Considérant que, pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société Le Pagus au titre de son éviction de la première consultation, les premiers juges ont retenu que le préjudice invoqué n'avait pas de lien direct et certain avec l'illégalité fautive, dès lors que la collectivité délégante aurait pu légalement déclarer sans suite et relancer la première consultation pour un motif d'intérêt général, sans qu'il soit, par ailleurs, établi que la relance de la procédure à la suite de sa déclaration d'infructuosité aurait eu pour seul but d'en évincer ladite société ; qu'il résulte de l'instruction que la commune de Fréjus avait, comme elle le fait valoir, explicitement rappelé, dans un mémoire du 18 mai 2012, les termes du jugement précité du tribunal administratif de Toulon du 16 mars 2012, lequel faisait notamment état de cette faculté de la collectivité délégante ; qu'ainsi, en se déterminant comme ils l'ont fait, les premiers juges se sont bornés à constater, au vu des seules pièces du dossier qui leur était soumis et sans se fonder sur un élément étranger à la discussion entre les parties, qu'une des conditions d'engagement de la responsabilité de la puissance publique n'était pas remplie ; que dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de leur jugement attaqué au regard des dispositions précitées, en l'absence de communication aux parties de ce moyen en défense, doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, d'une part, que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat ; que, dans l'affirmative, il n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient, d'autre part, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat ; que, dans un tel cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par la société Le Pagus au titre de son éviction de la première consultation :

5. Considérant, en premier lieu, que si le jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 mars 2012, aujourd'hui définitif, a, certes, annulé la déclaration d'infructuosité du 26 novembre 2009 et bénéficie ainsi, sur ce point, de l'autorité absolue de chose jugée, ce jugement ne s'est, en revanche, aucunement prononcé sur la possibilité, pour la commune, de renoncer à négocier avec la société Le Pagus ; qu'en tout état de cause, le même jugement ne s'est, en aucun cas, prononcé sur les droits à indemnisation de la société ; que dans ces conditions, les premiers juges, qui se sont, au demeurant, bornés à relever que la commune était fondée à déclarer la première consultation sans suite pour un motif d'intérêt général, n'ont pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 21 février 2014 ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. / Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. (...) La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-5 du même code : " Après décision sur le principe de la délégation, il est procédé à une publicité et à un recueil d'offres dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1411-1. / Les plis contenant les offres sont ouverts par une commission composée : / a) Lorsqu'il s'agit d'une région, de la collectivité territoriale de Corse, d'un département, d'une commune de 3 500 habitants et plus et d'un établissement public, par l'autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public ou son représentant, président, et par cinq membres de l'assemblée délibérante élus en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste ; / b) Lorsqu'il s'agit d'une commune de moins de 3 500 habitants, par le maire ou son représentant, président, et par trois membres du conseil municipal élus par le conseil à la représentation proportionnelle au plus fort reste. / Il est procédé, selon les mêmes modalités, à l'élection de suppléants en nombre égal à celui de membres titulaires. / Le comptable de la collectivité et un représentant du ministre chargé de la concurrence siègent également à la commission avec voix consultative. / Peuvent participer à la commission, avec voix consultative, un ou plusieurs agents de la collectivité territoriale ou de l'établissement public désignés par le président de la commission, en raison de leur compétence dans la matière qui fait l'objet de la délégation de service public. / Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre. Elle saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l'économie générale du contrat. " ;

7. Considérant que, comme l'a jugé la Cour dans son arrêt n° 12MA01421 du 26 mai 2014, le conseil municipal de la commune de Fréjus ne pouvait légalement, dans sa délibération du 26 novembre 2009, déclarer infructueuse la première consultation relative à l'attribution du lot n° 5 de " Fréjus-Plage ", au motif notamment que la société Le Pagus était le seul candidat à l'attribution de ce lot ; que toutefois la collectivité délégante a toujours la possibilité renoncer à poursuivre la procédure d'attribution d'une délégation de service public, notamment pour un motif d'intérêt général ; qu'il n'est pas contesté qu'un tel motif peut, au vu des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, résider dans l'absence de concurrence suffisante en vue de l'attribution de cette délégation ; qu'en outre, dès lors qu'il est constant que la société Le Pagus n'a aucunement été empêchée de présenter sa candidature à l'attribution de la même délégation, à la suite de la relance de la procédure par la même délibération, elle ne saurait sérieusement soutenir que l'abandon de la première procédure par la commune aurait eu pour seul but de ne pas lui attribuer cette délégation ; que dans ces conditions, la société requérante ne peut être regardée comme ayant eu des chances sérieuses de se voir attribuer celle-ci à l'issue de la première procédure de consultation, alors même qu'elle était seule candidate et que son offre n'était ni irrégulière, ni inacceptable ; que par suite, les conclusions de la société tendant à l'indemnisation du manque à gagner consécutif à son éviction irrégulière de cette procédure doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par la société Le Pagus au titre de son éviction de la seconde consultation :

8. Considérant, en premier lieu, que la société Le Pagus n'invoque pas utilement, en tout état de cause, à l'appui de ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice consécutif à son éviction de la seconde consultation, les irrégularités entachant, selon elle, la première consultation menée par la commune en vue de l'attribution de la délégation de service public en litige ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Le Pagus, il ne résulte ni des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, ni d'aucune disposition légale ou réglementaire que la commission de délégation de service public ne pouvait régulièrement s'adjoindre, comme elle l'a fait, l'assistance de tiers chargés d'émettre des avis sur les offres qui lui étaient soumises, dès lors, d'une part, que ces personnes, pour celles d'entre elles qui n'étaient pas des agents de la collectivité désignés à cette fin par le président de la commission, conformément aux dispositions précitées du septième aliéna de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, ne participaient pas aux délibérations de la commission et, d'autre part, que celle-ci ne renonçait pas, à cette occasion, à émettre son propre avis, conformément au huitième alinéa du même texte ; qu'ainsi il était loisible en l'espèce à la commission de confier, comme elle l'a fait et sans habilitation préalable du conseil municipal, une analyse approfondie des offres à la direction des institutions municipales et de solliciter les avis d'une société d'expertise comptable et d'un cabinet d'architecture, dès lors en particulier qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment des procès-verbaux des 9 mars et 20 avril 2010, que ces intervenants auraient participé aux travaux de la commission ou que celle-ci se serait estimée liée par leur avis, notamment pour le choix de l'attributaire de la délégation ; qu'en revanche, le directeur des institutions municipales pouvait valablement intervenir avec voix consultative, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales ; qu'en outre, si la société Le Pagus fait valoir que l'intervention de la société d'expertise et du cabinet d'architecture nécessitait la conclusion préalable d'un contrat avec la commune, cette dernière fait valoir, en tout état de cause, sans être contredite leur avoir confié des missions d'assistance à la passation de la délégation ; qu'enfin, il résulte du procès-verbal du 20 avril 2010 que la commission de délégation de service public s'est livrée à sa propre appréciation des mérites des offres qui lui étaient soumises, au titre de laquelle elle pouvait valablement s'approprier les termes et conclusions du rapport établi par la direction des institutions municipales avec l'assistance de tiers qualifiés ; qu'ainsi, la société Le Pagus n'est pas fondée à soutenir que la seconde consultation serait entachée d'irrégularité ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Fréjus aurait communiqué à des tiers et notamment à la société attributaire de la délégation en litige, à quelque étape de la seconde consultation, des éléments de l'offre présentée par la société Le Pagus ; qu'en particulier, celle-ci ne saurait utilement se prévaloir, à cet égard, de ce que la délibération du 29 novembre 2009 indiquait les montants des redevances proposées par les attributaires d'autres lots ; qu'en outre, la seule circonstance que la même délibération précisait que le dossier complet relatif à la première consultation était consultable à la direction des institutions municipales et la police administrative et celle, à la supposer établie, que les associés de la société auraient été en mesure de prendre connaissance de ce dossier, par l'intermédiaire d'une autre société ayant participé à cette même consultation, ne permet pas de regarder une telle communication comme avérée, dès lors que les informations ainsi diffusées concernaient, en tout état de cause, une offre différente de celle présentée par la société Le Pagus au cours de la seconde consultation ; qu'en outre, il n'est établi aucune similitude suspecte entre l'offre initiale de la société requérante et l'offre finalement retenue ; que par suite, les moyens tirés de la méconnaissance par l'autorité délégante des principes de confidentialité des offres et d'égalité de traitement des candidats ne peuvent qu'être écartés ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute taxe perçue au titre de l'usage du domaine public routier. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les montants et les modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions. (...) " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 1411-1 et L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales que l'autorité délégante pouvait librement négocier avec les candidats l'ensemble des éléments composant leur offre, y compris le montant de la redevance afférente à l'occupation du domaine public communal, sans qu'y fassent obstacle, notamment, les dispositions précitées de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ni celles de l'article L. 1411-2 du même code ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société Le Pagus, la commune n'avait pas à déterminer, préalablement à la consultation litigeuse, par un texte à portée générale, les taux et les critères de l'assiette de la redevance due par les attributaires des différents lots, alors en particulier que la commune a la faculté de rechercher la valorisation optimale de son domaine public ; que par suite, l'article 5 " Jugement des offres " du règlement de la consultation prévoyait valablement, au titre du critère financier pondéré à hauteur de 25 %, la prise en compte, notamment, du " montant de la redevance annuelle proposée " ; que l'autorité délégante, qui choisit, dans des conditions transparentes, le délégataire, après négociation, au regard d'une appréciation globale des critères, sans être contrainte par des modalités de mise en oeuvre préalablement déterminées, n'était pas tenue d'informer les candidats des modalités de mise en oeuvre de ce critère ;

13. Considérant, d'autre part, que l'article 1.2 du règlement de la consultation précisait, pour chaque lot, la superficie totale du lot délégué, ainsi que les superficies maximales du bâtiment mobile et de la terrasse autorisés, comme du lot de sable consacré au matériel et aux animations ; qu'il énumérait également de manière exhaustive les activités que le délégant était autorisé à mettre en place ; que l'article 3 du projet de sous-traité d'exploitation du même lot remis aux candidats admis à la négociation reprenait cette description des surfaces, son article 4 précisant la durée de la délégation, de douze années, son article 5, le montant initial et les modalités annuelles de révision de la redevance due par le délégataire, son article 7, l'étendue des droits consentis à ce dernier et son article 11, ses obligations en matière de réalisation des travaux projetés ; qu'il comportait ainsi tous éléments permettant aux candidats de chiffrer leurs propositions financières sur des bases objectives et non discriminatoires, tenant compte des avantages de toute nature qu'ils étaient susceptibles de retirer de l'exploitation du service public et de l'occupation du domaine public et communiquées de manière identique à chacun d'entre eux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les offres présentées n'auraient pas été formulées au regard de l'ensemble de ces avantages, comme des contraintes imposées au délégataire ; qu'il n'en résulte pas davantage que la commission de délégation de service public et sur sa proposition, l'autorité délégante, n'auraient pas elles-mêmes tenu compte de ces mêmes éléments pour apprécier le caractère suffisant des propositions financières des candidats ; que dans ces conditions, il leur était loisible de retenir, au titre du critère financier, l'offre proposant la redevance du montant le plus élevé ; que la société Le Pagus ne saurait, à cet égard, se prévaloir utilement des montants proposés par les attributaires des autres lots, placés, contrairement à ses affirmations, dans des situations différentes en ce qui concerne ces avantages et contraintes ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Le Pagus n'est pas fondée à soutenir que le critère dont s'agit serait entaché, dans sa définition ou dans sa mise en oeuvre, d'illégalité ;

15. Considérant, en cinquième lieu, que, d'une part, il ne résulte pas des documents de la consultation, ni du rapport d'analyse des offres annexé au procès-verbal du 24 avril 2010, que la commune de Fréjus aurait entendu ériger les coûts de démolition et de reconstruction en un sous-critère autonome du critère des " investissement significatifs " ; que le montant proposé par les candidats à ce titre doit ainsi être regardé comme un simple élément d'appréciation de la valeur des offres à l'aune de ce critère, dont elle n'avait pas à informer les candidats des modalités de mise en oeuvre, ainsi qu'il a été dit au point 13 ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Le Pagus, cet élément d'appréciation présente un lien direct avec les obligations mises à la charge du délégataire par l'article 10 du sous-traité d'exploitation et affecte, en particulier, la qualité et l'intérêt des nouveaux bâtiments à édifier à ce titre ;

16. Considérant, d'autre part, que si la société Le Pagus a avancé un montant de 500 000 euros au titre desdits coûts de démolition et de construction, il résulte de l'instruction, notamment du tableau d'estimation des travaux de construction produit par cette société, qu'elle a intégré dans son estimation des dépenses liées à la réinstallation du matériel existant, à hauteur de 15 000 euros, ainsi qu'à des " études, bureau d'étude technique, assurance - contrôle et inconnu ", à hauteur de 55 000 euros ; qu'elle ne conteste pas sérieusement, en se bornant à prétendre le contraire, que ces dépenses ne présentaient pas de lien suffisant avec les opérations de démolition ou de reconstruction concernées ; que par suite, la société Le Pagus n'est pas fondée à soutenir qu'en ne retenant qu'un montant d'investissement de 430 000 euros, la commission de délégation de service public se serait livrée à une appréciation erronée ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société La Pagus n'est pas fondée à soutenir que le critère dont s'agit serait entaché, dans sa définition ou dans sa mise en oeuvre, d'illégalité ;

18. Considérant, en sixième lieu, que la société Le Pagus, en se bornant à faire état de l'appréciation synthétique portée sur son offre au titre du critère de la " valeur technique du projet " et plus particulièrement du matériel affecté par les candidats à l'exécution du service public et en produisant la liste du matériel utilisé ou réutilisé par elle, n'établit pas que la commission de délégation de service public n'aurait pas tenu compte, comme elle l'allègue, de l'ensemble du matériel concerné, mais seulement des investissements proposés, dans le cadre de son analyse des offres ; qu'en tout état de cause, elle n'établit pas davantage, au vu de ces seuls éléments, que le montant total de 170 453,06 euros retenu, à ce titre, pour son offre, serait erroné ;

19. Considérant, en septième lieu, que la circonstance que le projet architectural de l'offre retenue n'était pas, ainsi qu'il résulte du rapport d'analyse des offres, conforme au programme, n'est pas, à elle seule, de nature à établir que cette offre aurait été, à tort, classée en première position, alors notamment que, comme il a été dit, l'autorité délégante pouvait négocier avec les candidats sur l'ensemble des aspects de leur offre ; qu'en outre, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis du cabinet d'architecture en charge de l'analyse des offres sur les plans architectural et du respect de l'environnement, que cette non-conformité a dûment été prise en compte dans l'appréciation portée sur la valeur de l'offre retenue ; que dès lors, la société Le Pagus n'est pas fondée à soutenir que le classement de cette offre serait entaché, sur ces points, d'arbitraire ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

20. Considérant, en huitième lieu, que la seule circonstance que le rapport d'analyse des offres décrive l'offre retenue comme " la plus intéressante (...) au niveau des investissements significatifs proposés ", alors que cette offre a été classée en dernière position au titre de ce critère, n'est pas de nature à établir qu'elle aurait, néanmoins, été retenue à tort, dès lors notamment qu'il résulte du même rapport qu'aucune erreur n'affecte la note finale, la plus élevée, qui lui a été attribuée, compte tenu de l'ensemble des critères d'appréciation mis en oeuvre ;

21. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte ni de ce qui précède, ni des allégations de la société Le Pagus concernant le maire de Fréjus et sa gestion de la commune, que l'attribution du lot n° 5 aurait été entachée de partialité ;

22. Considérant que, dans ces conditions, la société Le Pagus, qui n'est pas fondée à contester le choix de l'attributaire de ce lot, n'avait aucune chance de l'emporter à l'issue de la seconde consultation ; qu'il s'en suit que ses conclusions indemnitaires, présentées au titre de cette dernière, doivent être rejetées ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Pagus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par leur jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la commune de Fréjus à lui verser diverses sommes en réparation du préjudice relatif à son éviction par deux fois de la procédure d'attribution de la délégation de service public litigieuse ;

Sur les conclusions tendant à la désignation d'un expert :

24. Considérant qu'au regard de ce qui précède, l'expertise demandée à titre subsidiaire par la société Le Pagus ne présente aucune utilité ; que ses conclusions à cette fin doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Le Pagus au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Fréjus, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Le Pagus, au même titre, une somme de 2 000 euros au profit de la commune de Fréjus ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Le Pagus est rejetée.

Article 2 : La société Le Pagus versera une somme de 2 000 euros à la commune de Fréjus sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Pagus SARL et à la commune de Fréjus.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 21 novembre 2016.

10

N° 14MA01809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01809
Date de la décision : 21/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Nullité.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CAPIAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-21;14ma01809 ?
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