La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2015 | FRANCE | N°14LY01483

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2015, 14LY01483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...N...et M. F...N..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs fils C...et Tanguy, M. et Mme E...N..., M. et Mme G...O..., ont demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation du centre hospitalier de Montélimar à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des fautes commises lors de l'accouchement de MmeN... en versant à :

- M. et Mme N...en leur qualité de représentants légaux de leur fils C...les sommes suivante

s :

- 43 680 euros de rente trimestrielle indexée au titre des arrérages à éch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...N...et M. F...N..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs fils C...et Tanguy, M. et Mme E...N..., M. et Mme G...O..., ont demandé au Tribunal administratif de Grenoble la condamnation du centre hospitalier de Montélimar à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des fautes commises lors de l'accouchement de MmeN... en versant à :

- M. et Mme N...en leur qualité de représentants légaux de leur fils C...les sommes suivantes :

- 43 680 euros de rente trimestrielle indexée au titre des arrérages à échoir avec réévaluation triennale et 2 600 000 euros au titre des arrérages échus ;

- 508 000 euros au titre de l'incapacité temporaire totale et de l'incapacité temporaire partielle ;

- 495 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle ;

- 394 900 euros au titre du préjudice professionnel ;

- 80 000 euros au titre des frais d'aménagement des logements ;

- 80 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 100 000 euros au titre du préjudice d'agrément et juvénile ;

- 100 000 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement ;

- 100 000 euros au titre du préjudice esthétique ;

- 4 200,19 euros au titre des frais d'ergothérapie et d'assistance aux expertises ;

- M. F...N...40 000 euros et Mme H...N...40 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

- M. et Mme F...N...6 872,91 euros au titre de divers frais et 15 000 euros au titre de leur préjudice d'accompagnement ;

- Mme H...N...50 000 euros au titre de son préjudice économique ;

- M. E...N...15 000 euros et Mme E...N...15 000 euros ;

- M. G...O...15 000 euros et Mme G...O...15 000 euros ;

- M. I...N...10 000 euros.

Par un jugement n° 0604299 du 14 octobre 2010, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Par une décision n° 354713 du 30 avril 2014 enregistrée le 7 mai 2014 sous le n° 14LY01483, le Conseil d'Etat, sur la demande des consortsN..., a, d'une part, annulé l'arrêt n° 10LY02764 du 6 octobre 2011 de la Cour administrative d'appel de Lyon rejetant la requête des consorts N...dirigée contre le jugement n° 0604299 du Tribunal administratif de Grenoble du 14 octobre 2010 et, d'autre part, renvoyé devant la Cour de céans le jugement de cette affaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2010, présentée pour Mme H...N...et M. F...N..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs fils C...et Tanguy, Mme M... L...veuveN..., M. et Mme G...O...demandent à la Cour administrative d'appel de Lyon :

1°) d'annuler le jugement n° 0604299 du 14 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Montélimar à leur verser diverses indemnités en réparation des préjudices subis par l'enfant C...N...à la suite de sa naissance ;

2°) de condamner ledit centre hospitalier à verser à C...N...une somme de 4 954 348,06 euros en capital et une somme de 3 913 133 euros sous forme de rente avec révision triennale, assorties des intérêts à compter du 19 août 1999, et aux proches de l'enfant une somme de 220 000 euros ;

3°) de mettre à la charge dudit centre hospitalier une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les premiers experts considèrent que l'état de C...n'aurait aucun lien avec une souffrance foetale pourtant manifeste ; que l'absence du contradictoire en ce qui concerne la lecture des monitorings, l'absence d'examen pédiatrique clinique de l'enfant, l'absence d'interrogatoire du Dr D...constituent de sérieuses critiques pouvant mettre en cause les conclusions médico-légales ; que le deuxième rapport d'expertise souligne un nombre impressionnant de dysfonctionnements dans la gestion médicale de l'accouchement ; que dans son rapport définitif du 18 juillet 2005, le collège d'experts conclut que tous les éléments fiables disponibles convergent pour indiquer une relation directe et certaine entre les conditions de l'accouchement et l'état actuel deC... ; que l'enfant subit divers préjudices patrimoniaux et personnels, de même que les proches de la victime.

Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2011, le centre hospitalier de Montélimar conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise soit prescrite par un collège composé d'un médecin gynécologue-obstétricien, d'un néonatologiste et d'un pédiatre n'exerçant pas dans la région Rhône-Alpes, ainsi qu'à la mise à la charge des consorts N...in solidum d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à leur condamnation aux dépens.

Il soutient que les rapports des professeurs Racinet et Joannard sont parfaitement valides ; que le deuxième rapport exclut que la souffrance foetale pendant la phase d'expulsion soit à l'origine des lésions ; que ce deuxième rapport est critiquable sur plusieurs points ; que le Dr A...était bien aux côtés du DrD... ; que le rapport définitif du 12 avril 2005 est en contradiction avec les pré-rapports ; que l'hypothèse la plus probable est celle d'un accident vasculaire anténatal ; que les anomalies relevées par les experts ne sont pas fautives ; qu'il y a bien eu une analyse obstétricale de la situation prénatale ; que le traitement analgésique n'aurait pas modifié le déroulement de l'accouchement ; que les manquements déontologiques évoqués mais non précisés n'ont eu aucune conséquence sur le suivi de l'accouchement ; que le Dr D...avait la compétence requise pour assurer un accouchement par le siège ; que le Dr A... était présent lorsque l'interne a rencontré des difficultés ; que la bradycardie foetale n'est pas à l'origine des lésions ; qu'il n'est pas établi de faute dans la réalisation des manoeuvres obstétricales ; qu'elles n'ont pas pu être brutales car il se serait produit une élongation du plexus brachial, ou une lésion de l'humérus ou du rachis cervical ; que si une lésion de la carotide est intervenue, il ne peut s'agir que d'un aléa thérapeutique ; qu'à titre infiniment subsidiaire, les réclamations indemnitaires doivent être réduites à de plus justes proportions ;

Par les mémoires, enregistrés les 7 juillet et 6 septembre 2011, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche conclut à la condamnation du centre hospitalier de Montélimar à lui rembourser, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 974 599,89 euros au titre des frais exposés résultant de la faute de l'hôpital, à lui verser l'indemnité forfaitaire de 980 euros prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2014, la CPAM de l'Ardèche conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures sauf à ce que le centre hospitalier de Montélimar soit désormais condamné à lui rembourser la somme de 1 308 518,51 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 27 août 1991, et à lui verser la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et à ce que soit désormais mise à la charge de cet établissement hospitalier une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, qu'elle justifie des sommes réclamées au titre des préjudices futurs ; que la demande d'indemnisation des parents du jeune C...N...au titre de la tierce personne chiffrée à hauteur de 24 heures depuis 1991 n'apparaît pas justifiée au regard des hospitalisations et du placement de l'enfant en IME depuis 2003.

Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2014, Mme H...O...divorcée N...et M. F... N..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs fils C...et Tanguy, Mme L... veuve N...et M. et MmeG... O... concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens, sauf à ce que l'indemnité que ledit centre hospitalier doit verser à C...N...soit désormais portée à un montant total de 9 828 581,06 euros et celle versée aux proches du jeune C...à une somme de 225 000 euros.

Ils soutiennent en outre que la Cour a admis l'existence de dysfonctionnements dans la prise en charge de MmeN... ; que les lésions subies par le jeune C...sont survenues pendant l'accouchement ; que la dissection de la carotide est imputable à une manoeuvre fautive de l'un des praticiens qui résulte d'un manquement de ce chirurgien à l'obligation qui lui incombe de précision de ses gestes et qui suffit à engager la responsabilité de l'hôpital ; que, subsidiairement et en l'absence de toute autre cause possible, l'absence de certitude sur la cause de la lésion n'empêche pas d'imputer cette lésion à une faute de l'un des praticiens ; que le centre hospitalier a aussi commis des fautes en raison du choix d'un accouchement par voie basse en dépit d'une grossesse à risque, de l'absence du docteur A...et d'une sage-femme, d'un défaut de prise en charge de Mme N...dès lors que le dossier à risque de MmeN..., la présentation par le siège, le contexte de rupture prématurée des membranes et l'apparition d'une bradycardie témoignent d'une souffrance foetale qui aurait dû conduire à plus d'attention du corps médical ; que le handicap moteur dont souffre le jeune C...est consécutif à l'accouchement de Mme N...non conforme aux bonnes pratiques de l'époque ;

Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2014, le centre hospitalier de Montélimar conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Il soutient, en outre, que les conditions d'engagement de sa responsabilité sans faute ne sont pas réunies dès lors qu'un accouchement par voie basse ne constitue pas un acte médical et que cet accouchement ne présente pas de risque connu de dissection de l'artère carotidienne ; qu'aucune faute en lien de causalité direct et certain avec le préjudice n'a été commise ; qu'ainsi, la décision des médecins de faire naître l'enfant par voie basse et non par césarienne était conforme aux bonnes pratiques de l'époque et ne revêt pas un caractère fautif ; que l'absence d'indication écrite après l'admission à la maternité de Mme N...présentant une grossesse et un accouchement à risques ne constitue pas une faute à l'origine du préjudice deC... ; que l'absence de traitement analgésique proposé à MmeN..., qui aurait permis d'améliorer le confort de cette dernière, n'est pas à l'origine des lésions présentées parC... ; que les manquements déontologiques exposés et non précisés n'ont eu aucune conséquence sur le suivi de l'accouchement de Mme N...et la naissance deC... et ne sont pas en lien avec le préjudice subi par ce dernier ; qu'aucune faute ne peut être retenue dans le fonctionnement du service en raison d'une absence du docteur A...et de la sage-femme ; que les lésions ne sauraient avoir pour origine, contrairement à ce qu'indiquent les seconds experts dans leur rapport, une lésion de la carotide interne lors de l'accouchement alors que ces conclusions sont en contradiction avec leur premier pré-rapport, que cette analyse ne repose sur aucune revue étayée de la littérature médicale, qu'une telle lésion impliquait des manoeuvres importantes et violentes qui auraient dû occasionner des lésions traumatiques du plexus brachial homolatéral, et que l'hypothèse la plus probable est un accident vasculaire anténatal ; qu'en toute hypothèse, aucune faute ne peut être retenue concernant la réalisation ou le choix des manoeuvres obstétricales et la dissection de la carotide qui serait à l'origine des lésions présentées parC... ; qu'à titre infiniment subsidiaire, les indemnités réclamées par les requérants et la caisse sont pour certaines excessives ou injustifiées ;

Par un mémoire, enregistré le 22 octobre 2014, la CPAM de l'Ardèche conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures sauf à ce que soit désormais mise à la charge du centre hospitalier de Montélimar une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2014, Mme H...O...divorcée N...et M. F... N..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs fils C...et Tanguy, Mme L... veuve N...et M. et MmeG... O... concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens.

Ils soutiennent en outre que les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Montélimar sont remplies dès lors que la seule origine possible des lésions est une origine traumatique au moment de l'accouchement et que les dommages subis par la victime sont sans rapport avec son état initial.

Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2014, la CPAM de l'Ardèche conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures sauf à ce que soit désormais mise à la charge du centre hospitalier de Montélimar une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance en date du 12 novembre 2014 la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

La CPAM de l'Ardèche a présenté un mémoire enregistré le 12 juin 2015 postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 19 décembre 2014 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Consolin, avocat des consortsN..., de Me Pouilly, avocat du centre hospitalier de Montélimar et de Me Poizat, avocat de la CPAM de l'Ardèche.

1. Considérant que Mme H...O..., alors mariée avec M. F...N..., qui avait débuté une grossesse dont la date prévisible d'accouchement avait été fixée au 28 septembre 1991, et qui avait prévu d'accoucher dans une clinique privée de Montélimar, a été hospitalisée, une première fois, dans cette clinique, le 15 août 1991, après avoir ressenti des contractions utérines rythmées et est sortie le lendemain compte tenu de l'évolution favorable de son état de santé ; que, conformément aux recommandations faites lors de cette hospitalisation, elle a été hospitalisée du 21 au 22 août 1991 au centre hospitalier de Montélimar pour un bilan qui a notamment constaté un rythme cardiaque foetal normal ; que compte tenu de la perte de liquide amniotique dans la nuit du 25 au 26 août 1991, elle a été hospitalisée une nouvelle fois au centre hospitalier de Montélimar ; que, le 27 août 1991, elle est entrée en salle d'accouchement puis a donné naissance à 14 heures 35 à un enfant, C..., en état de mort apparente, qui a été réanimé et placé sous respirateur artificiel, cet enfant ayant été ensuite transféré à 19 heures 35 au centre de prématurés de l'hôpital Debrousse de Lyon avant de revenir le 10 septembre 1991 au service de pédiatrie du centre hospitalier de Montélimar ; que cet enfant demeure atteint de graves troubles neurologiques et présente un taux d'incapacité permanente partielle estimée à 75 % ; qu'estimant que l'état de santé de C...était imputable à une faute commise par le service public hospitalier lors de l'accouchement, les consorts N...ont recherché la responsabilité du centre hospitalier de Montélimar devant le Tribunal administratif de Grenoble afin d'indemniser leurs préjudices et ceux subis par C...; que leur demande indemnitaire, ainsi que les conclusions de la CPAM de l'Ardèche ont été rejetées par un jugement du 14 octobre 2010 du Tribunal administratif de Grenoble, confirmé par un arrêt du 6 octobre 2011 de la Cour administrative d'appel de Lyon ; que, par la décision susvisée du 30 avril 2014 le Conseil d'Etat a annulé ledit arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour de céans ;

Sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Montélimar

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'affirment les requérants, que le médecin de la clinique privée de Montélimar qui suivait Mme O... aurait préconisé un accouchement par césarienne au lieu d'un accouchement par voies naturelles qui a été pratiqué par l'hôpital ; qu'en outre, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise du 29 mars 2000 des docteurs Racinet et Joannard ainsi que des constatations opérées par les seconds experts, les professeurs Toulon et Berland et le docteur Pouillaude, dont le rapport a été déposé le 12 avril 2005, qu'alors que le bassin était estimé normal au vu des résultats de la pelvimétrie et que le foetus se présentait en siège décomplété avec une tête bien fléchie, le choix d'un accouchement par voie basse au lieu d'une césarienne était conforme aux données médicales de l'époque quand bien même l'accouchement concernait un prématuré ; que, par suite, aucune faute concernant le choix du mode d'accouchement ne saurait être retenue à l'encontre de l'hôpital ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, concernant les soins prodigués et le déroulement de l'accouchement, il résulte de l'instruction que Mme O...est sortie de la salle de réveil vers 14 heures et est arrivée en salle d'accouchement ; que la parturiente a été alors prise en charge par le DrD..., interne, alerté par la sage-femme que l'enfant se présentait par le siège, sous la responsabilité du DrB..., chef de clinique, qui était présent au début de l'accouchement et s'est retiré ensuite, selon ses propres déclarations, dans un bureau à proximité de la salle d'accouchement ; qu'aucun problème particulier n'a été alors relevé jusqu'à ce que la sage-femme ait alerté, à 14 heures 28 lors de la bradycardie, le Dr A...qui s'est alors rendu à la salle d'accouchement et est resté au seuil de la porte pour observer le déroulement de cet accouchement ; que l'interne a alors tenté d'extraire l'enfant en pratiquant la manoeuvre de Lovset qui était une manoeuvre appropriée à cette situation ; que l'interne n'étant pas parvenu à le faire, le Dr A...a pris alors directement en charge la patiente et a poursuivi l'extraction de l'enfant en continuant de pratiquer la manoeuvre de Lovset puis celle de Bracht, manoeuvres appropriées, l'enfant étant ensuite né à 14 heures 35 ; qu'un médecin pédiatre a également été présent tout au long de cet accouchement ;

4. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des expertises diligentées par le Tribunal, que l'absence d'indication médicale écrite par l'obstétricien à la suite de l'admission en maternité de Mme O...relevée par les seconds experts ou encore le défaut de communication entre les médecins de l'hôpital et de la clinique, auraient eu une incidence sur le déroulement de l'accouchement et auraient contribué aux dommages subis par C...alors que, comme il vient d'être dit ci-dessus le choix d'un accouchement par voie basse au lieu d'une césarienne était conforme aux données médicales de l'époque et que les méthodes et le choix des manoeuvres ainsi effectuées par les médecins étaient adaptés à la situation ; que, par ailleurs, s'il résulte du second rapport d'expertise que l'absence de traitement analgésique proposé à Mme O...a conduit à ce que cette dernière ait anormalement souffert, il en résulte également que cette absence d'analgésie n'a pas eu d'incidence sur les dommages subis parC... ;

5. Considérant que les requérants font ensuite valoir que les seconds experts ont relevé que le docteur A...aurait dû rester à côté du Dr D...pendant l'accouchement du début à la fin alors qu'il s'est absenté une partie de l'accouchement, que " les règles de déontologie établies à l'égard des patients n'ont pas été respectés ", et qu'ils n'ont aucune certitude sur le déroulement de l'accouchement ; que toutefois, alors que Mme O...a été suivie tout au long de son accouchement par un médecin, le Dr A...a été présent au début et à la fin de l'accouchement, il a assuré lui-même l'extraction de l'enfant lorsque l'interne a rencontré des difficultés et il ne résulte pas de l'instruction et notamment des différents rapports d'expertise et des autres éléments produits que cet interne n'aurait pas eu les compétences requises pour assurer initialement la prise en charge ou que le Dr A...serait intervenu tardivement et que le délai d'intervention aurait contribué, même partiellement, au dommage subi par C...ou lui aurait fait perdre une chance d'éviter ce dommage ;

6. Considérant, en dernier lieu, que les requérants font valoir que les second experts, contrairement aux premiers, ont relevé que la seule origine possible des dommages subis par C...est une " origine traumatique au moment de l'accouchement " constituée par une lésion de la carotide interne droite, sans qu'ils aient pu déterminer si la manoeuvre était survenue lors de la première manoeuvre effectuée par l'interne ou lors de la seconde manoeuvre réalisée par le DrB..., obstétricien et chef de service ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi par les premiers experts qui a indiqué que les soins prodigués lors de l'accouchement ont été conformes aux données acquises de la science médicale, ainsi que du rapport d'expertise et des pré-rapports établis par les seconds experts qui n'ont pas mentionné l'existence de manoeuvres d'extraction fautives ou non conformes aux bonnes pratiques, que les médecins du centre hospitalier de Montélimar auraient commis des fautes lors de ces manoeuvres d'extraction ayant contribué même partiellement à la lésion de la carotide interne et à la réalisation des dommages subis parC... ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts N...et la CPAM de l'Ardèche ne sont pas fondés à demander réparation des dommages subis parC... au titre de la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Montélimar ;

Sur la responsabilité sans faute du centre hospitalier de Montélimar

8. Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

9. Considérant que la prise en charge d'une parturiente dans un établissement public de santé en vue d'un accouchement non pathologique par les voies naturelles n'est pas, en tant que telle, au nombre des actes médicaux ou des traitements d'un malade soumis à ce régime de responsabilité sans faute du service public hospitalier ; qu'en outre, il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi par le second collège d'experts corroboré par le DrJ..., gynécologue obstétricien consulté par le centre hospitalier, que la dissection de l'artère carotidienne pour un enfant prématuré se présentant par le siège ne constituait pas, dans le cas d'un accouchement par voie basse non pathologique, un risque dont l'existence était connue ; que, par suite, les consorts N...et la CPAM de l'Ardèche ne sauraient demander l'engagement de la responsabilité sans faute du centre hospitalier concernant les dommages subis parC... ;

10. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que les consorts N...et la CPAM de l'Ardèche ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, les conclusions présentées par la CPAM de l'Ardèche tendant au versement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que celles présentées par les consorts N...et la CPAM de l'Ardèche sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier de Montélimar au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts N...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Montélimar sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... N..., à Mme H...O..., à M. F... N..., à Mme M... L...veuveN..., à M. et Mme G... et AndréeO..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche et au centre hospitalier de Montélimar.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Segado et MmeK..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2015.

''

''

''

''

9

N° 14LY01483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01483
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP MAURICE- RIVA-VACHERON ; SCP MAURICE- RIVA-VACHERON ; CONSOLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-09;14ly01483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award