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17/12/2015 | FRANCE | N°14DA01857

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 17 décembre 2015, 14DA01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Véron International a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 11 avril 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'Eure a refusé de lui donner l'autorisation de licencier Mme D... F..., salariée protégée.

Par un jugement n° 1301686 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande et mis à la charge de la société Véron International la somme de 1 000 euros au titre de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Véron International a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 11 avril 2013 par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'Eure a refusé de lui donner l'autorisation de licencier Mme D... F..., salariée protégée.

Par un jugement n° 1301686 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande et mis à la charge de la société Véron International la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 novembre 2014, le 20 mars 2015 et le 3 août 2015, la société Véron International, représentée par Me E...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 octobre 2014 et la décision de l'inspecteur du travail du 11 avril 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier au regard de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, l'expédition notifiée ne comportant pas la signature du président de la formation de jugement, ni celle du rapporteur ;

- la procédure de licenciement mise en oeuvre à l'égard de Mme F...n'était pas irrégulière, l'intéressée ayant disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense ;

- les fautes constitutives de harcèlement moral, commises par l'intéressée de façon répétée et délibérée, étaient d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- le maintien de Mme F...dans l'entreprise serait préjudiciable à son bon fonctionnement ;

- le licenciement entrepris était sans lien avec les mandats détenus par l'intéressée ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle procède d'une fraude, en ce qu'elle tient compte d'une fausse déclaration de Mme F... et, à tout le moins, est fondée sur des faits matériellement inexacts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2015, Mme D...F..., représentée par Me A...C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Véron International au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi qu'elle aurait eu connaissance des faits qui lui sont imputés avant la date à laquelle se sont successivement tenus l'entretien préalable à son licenciement et la réunion du comité d'entreprise ;

- les griefs invoqués à son encontre, soit ne sont pas dépourvus de tout lien avec ses fonctions représentatives, soit ne sont pas établis dans leur réalité ;

- les autres moyens soulevés par la société Véron International ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le fait que l'expédition notifiée par le tribunal administratif à la société Véron International ne comporterait pas les signatures du président et du rapporteur est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

- Mme F...n'a pas été informée en temps utile des faits qui fondaient l'engagement de la procédure de licenciement à son encontre ;

- la décision contestée ne repose aucunement sur une quelconque fraude ;

- à supposer que l'inpecteur du travail se soit fondé sur des faits matériellement inexacts pour estimer que les premier, sixième et douzième griefs invoqués contre Mme F...n'étaient pas établis dans leur réalité, ces erreurs seraient sans incidence sur le sens de la décision contestée ;

- les autres moyens invoqués par la société Véron International ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Véron International.

1. Considérant que la société par actions simplifiée Véron International a demandé à l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'Eure l'autorisation de licencier pour faute grave Mme D...F..., salariée protégée détenant les mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel, de membre du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail et de membre titulaire du comité de groupe ; que la société Véron International relève appel du jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2013 de l'inspecteur du travail refusant de lui délivrer cette autorisation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

3. Considérant que si la société Véron International soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance de ces dispositions, les signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur de l'affaire, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait ; que la circonstance que l'expédition notifiée à la requérante ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur la légalité de la décision contestée :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. / (...) " et qu'aux termes de l'article R. 2421-9 de ce code : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. / (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme F...a été convoquée, par un courrier daté du 14 mars 2013 et qui lui a été remis en main propre le jour même, à un entretien préalable prévu le 22 mars 2013 à neuf heures ; que, si ce courrier indiquait à l'intéressée que ses agissements conduisaient la société Véron International à envisager l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave et insistait sur la gravité des griefs retenus à son égard, il ne comportait, toutefois, aucune précision sur la nature de ceux-ci ; que la lettre recommandée du 18 mars 2013, convoquant Mme F...pour être entendue par le comité d'entreprise, réuni en séance extraordinaire le 22 mars 2013 à quatorze heures, ne comportait également aucune précision quant à la nature des faits qui lui étaient imputés ; que si la société Véron International invoque une réunion qui s'est tenue le 19 juin 2013, soit à une date postérieure à celle du refus d'autorisation contesté, au cours de laquelle Mme F...a reconnu l'existence d'un échange verbal, en novembre 2012, avec le directeur de l'usine, qui lui a alors demandé de cesser ses agissements envers deux salariées et de garder son calme, il ne ressort pas du seul compte-rendu de cette réunion que Mme F... aurait, à l'occasion de cet échange informel antérieur à son audition par le comité d'entreprise, effectivement eu connaissance de l'ensemble des faits qui ont ensuite été regardés par l'employeur comme de nature à justifier l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave ; qu'ainsi, Mme F...doit être regardée comme n'ayant eu, au plus tôt, connaissance de la nature des treize griefs afférents notamment à des faits regardés comme constitutifs de harcèlement moral, retenus à son encontre sur la base de plusieurs témoignages de salariés de l'entreprise, qu'à l'occasion de l'entretien préalable à son licenciement, qui a eu lieu le 22 mars 2013 à neuf heures ; qu'elle n'a pu, dans ces conditions, bénéficier d'un délai suffisant pour préparer utilement son audition par le comité d'entreprise, le même jour à quatorze heures, et a ainsi été privée de la garantie prévue, afin de protéger les droits de tout salarié à organiser sa défense, par les dispositions précitées des articles L. 2421-3 et R. 2421-9 du code du travail ; que, compte tenu de la méconnaissance de cette formalité substantielle, l'inspecteur du travail était tenu de refuser d'accorder à la société Véron International l'autorisation de licencier l'intéressée ; que, dès lors, les autres moyens que cette société invoque au soutien de sa requête doivent être écartés comme inopérants ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Véron International n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, sur le fondement des mêmes dispositions, une quelconque somme à la charge de la société Véron International au titre des frais exposés par Mme F...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Véron International est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Véron International, à Mme D... F... et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi de Haute-Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°14DA01857

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA01857
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative. Entretien préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP VERDIER-MOUCHABAC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-17;14da01857 ?
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