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10/12/2015 | FRANCE | N°14DA01343

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 10 décembre 2015, 14DA01343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les vents du catésis a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites puis les décisions explicites du 6 décembre 2011 par lesquelles le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer cinq permis de construire des éoliennes sur le territoire des communes de Bazuel et de Catillon-sur-Sambre.

Par un jugement nos 1104197-1201409 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les vents du catésis a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites puis les décisions explicites du 6 décembre 2011 par lesquelles le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer cinq permis de construire des éoliennes sur le territoire des communes de Bazuel et de Catillon-sur-Sambre.

Par un jugement nos 1104197-1201409 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 31 juillet 2014, 9 septembre 2014 et 19 novembre 2015, la société Les vents du catésis, représentée par GreenLaw Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les refus de permis de construire du 6 décembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer les permis de construire ou, à défaut, de réexaminer les demandes de permis ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'a pas été procédé à l'analyse paysagère du site d'implantation du projet ;

- la légalité de la délégation de signature accordée par l'autorité préfectorale au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement n'a pas été vérifiée ;

- l'indépendance des législations a été méconnue ;

- le préfet de région a commis une erreur d'appréciation sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement n'était pas compétent pour signer l'avis du 26 novembre 2009 ;

- les dispositions de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement sont incompatibles avec celles du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive 85/337/CE du 17 juin 1985 ;

- la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et le service départemental de l'architecture et du paysage n'ont pas été consultés sur les modifications apportées au projet à la suite de l'avis de l'autorité environnementale ;

- le projet n'est pas de nature à entraîner des perturbations dans la veille météorologique du radar Météo-France d'Avesnes, ni à entraîner des dépassements des émergences réglementaires acoustiques de nuit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête de la société Les vents du Catésis.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me A...C..., substituant Me D...B..., représentant la société Les vents du catésis.

1. Considérant que, par des arrêtés du 6 décembre 2011, le préfet de région Nord-Pas-de-Calais a refusé à la société Les vents du Catésis la délivrance de permis de construire cinq éoliennes sur le territoire des communes de Bazuel et de Catillon-sur-Sambre dans la zone de développement de l'éolien " Catillon-sur-Sambre - entité 1 " créée par un arrêté du 7 juillet 2009 ; qu'il s'est fondé sur un motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 et sur deux autres motifs tirés de la violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de la présence du radar météorologique d'Avesnes-sur-Helpes et des perturbations acoustiques ; que, par un jugement du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a confirmé les refus prononcés par le préfet en se fondant sur le seul motif tiré de la violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que la société relève appel du jugement qui a rejeté ses conclusions dirigées contre ces arrêtés ;

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le plateau retenu pour l'implantation des aérogénérateurs est constitué d'une plaine agricole entrecoupée de bocages et de bosquets épars ; que ce paysage naturel, à proximité des villages de Bazuel, de Catillon-sur-Sambre et de Mazinghien, sans être dépourvu de qualité, ne présente pas un intérêt particulier ; que, pour refuser de délivrer les permis de construire, le préfet a relevé que les éoliennes n'étant pas implantées parallèlement à la RN 43 (devenue RD 643), cette disposition a pour effet d'engendrer un effet de " grappe " ; que, toutefois, compte tenu de l'absence d'intérêt particulier du paysage agricole du site d'implantation, l'absence d'alignement des mâts par rapport à la route nationale n'est pas de nature à porter atteinte aux lieux avoisinants ; que, si l'autorité préfectorale s'est également fondée sur l'existence d'une covisibilité entre les éoliennes et l'église Saint-Martin du Cateau-Cambrésis, classée monument historique, située à 1,7 kilomètre du projet, il ressort des photomontages produits par la société requérante que la covisibilité entre l'ensemble du parc éolien et le clocher de cette église reste limitée, la commune du Cateau-Cambrésis se situant notamment dans une vallée légèrement encaissée ; qu'en outre, les mêmes photomontages ne font apparaître qu'une covisibilité réduite entre les éoliennes et le clocher de l'église de Catillon-sur-Sambre, monument pittoresque qui n'est toutefois ni classé, ni inscrit ; qu'enfin, contrairement à ce qui est allégué par le préfet et en dépit d'une hauteur de 150 mètres, les éoliennes s'intègrent dans un paysage préalablement structuré par des éléments de verticalité tels que des châteaux d'eau et une ligne à haute tension traversant le site d'implantation ; que, dans ces conditions, le projet du pétitionnaire n'est pas de nature à porter atteinte à la qualité paysagère du site d'implantation ou aux villages et bourgs avoisinants ; que, par suite, en refusant la délivrance des permis de construire en litige, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pétitionnaire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le motif tiré de ce que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte (...) à la sécurité publique " ;

7. Considérant qu'il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent ;

En ce qui concerne le radar d'Avesnes-sur-Helpe :

8. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le parc de cinq éoliennes projeté par la société Les vents du catésis se situe à 15,4 kilomètres du radar météorologique d'Avesnes-sur-Helpe, soit au-delà de la zone d'exclusion de 5 kilomètres de ce radar en bande C et à l'intérieur de sa zone de coordination de 20 kilomètres ; que, pour refuser la délivrance des permis de construire, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, qui s'est fondé sur le rapport CCE5 n° 1 de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et l'avis de Météo-France du 9 novembre 2011, a estimé que l'implantation des éoliennes augmenterait la densité des échos parasites non filtrables dégradant ainsi la qualité de la veille hydrométéorologique et que la zone d'impact sur le Doppler est distante de moins de 10 kilomètres du parc existant du Quesnoy ; que, toutefois, l'autorité préfectorale s'abstient de caractériser le niveau de perturbations des informations reçues par le radar d'Avesnes-sur-Helpe ;

9. Considérant que le radar d'Avesnes permet non seulement d'assurer la surveillance de phénomènes localement dangereux dans la zone d'impact Doppler mais également, en collaboration avec d'autres radars dans le cadre d'un système Arome mis en place par Météo France, d'assurer une surveillance de nombreuses agglomérations urbaines dont celle de Lille, de participer également à la surveillance et à la prévision des risques de crues avec les services de prévision des crues Artois-Picardie, Oise-Aisne et Meuse-Moselle et, enfin, au titre des risques industriels, de prévoir le trajet de nuages toxiques en temps réel à partir de données de vent ;

10. Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du rapport de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et de l'avis de Météo France que les risques de perturbations allégués pour l'identification des phénomènes naturels dangereux et des risques résultant des sites industriels de type SEVESO présenteraient, de manière concrète, une probabilité de réalisation et une gravité quant à leurs conséquences telles qu'une dégradation même temporaire des données du radar d'Avesnes présenterait un danger pour la sécurité des biens ou des personnes ; que si la probabilité de risques de crues des cours d'eau est localement importante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le risque ou les conséquences sur les populations ou les biens seraient aggravés du fait d'une altération momentanée des données provenant du radar d'Avesnes ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la sécurité des agglomérations comprises dans le système de surveillance du radar dans le cadre de sa participation au système Arome serait significativement compromise par des pertes ponctuelles de données au niveau du radar d'Avesnes ;

11. Considérant que, par suite, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet de parc éolien entraînerait des perturbations du radar d'Avesnes dégradant ainsi la qualité de la veille hydrométéorologique du secteur ;

En ce qui concerne les perturbations acoustiques :

12. Considérant qu'il y a lieu, par adoption du motif des premiers juges, de retenir que le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet en litige serait de nature à porter atteinte à la sécurité et à la salubrité publique en raison des perturbations acoustiques nocturnes que généreront les éoliennes ;

13. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire à l'annulation des arrêtés préfectoraux de refus de permis de construire du 6 décembre 2011 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les vents du catésis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais de réexaminer les demandes de permis de construire de la société pétitionnaire dans un délai d'un mois à compter de sa notification ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Les vents du catésis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 27 mai 2014 et les arrêtés de refus de permis de construire du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais du 6 décembre 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais de réexaminer les demandes de permis de construire de la société Les vents du catésis dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Les vents du catésis une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les vents du catésis, au préfet de la région Nord-Pas-de-Calais et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience publique du 26 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Hadi Habchi, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 décembre 2015.

Le président-assesseur,

Signé : C. BERNIERLe président de chambre,

Président-rapporteur,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°14DA01343 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA01343
Date de la décision : 10/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-05 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Diverses dispositions législatives ou réglementaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-10;14da01343 ?
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