Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...E...et la société Pelves Immo ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 12 novembre 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune de Boiry-Notre-Dame (Pas-de-Calais) a approuvé le plan local d'urbanisme.
Par un jugement n° 1000455 du 13 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2014, M. C...E...et la société Pelves Immo, représentés par Me D...F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 12 novembre 2009 ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'elle a classé les parcelles dont ils sont propriétaires en zone Np ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Boiry-Notre-Dame la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les membres du conseil municipal n'ont pas été en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les véritables objectifs poursuivis par la commune ;
- la motivation du classement en zone Np des parcelles en cause n'est pas suffisante et comporte une contradiction entre le rapport de présentation et le projet d'aménagement et de développement durable ;
- le classement des parcelles en litige, où se situe l'ancienne carrière d'argile et de craie, n'est motivé que par la volonté de la commune de faire échec à un projet d'activités de loisirs, et non par la sensibilité du site dont il s'agit :
- la délibération en litige a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme ;
- elle est contraire aux dispositions de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;
- le classement opéré en zone Np, par la délibération attaquée, des parcelles de l'ancienne carrière est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la commune a entaché sa délibération d'un détournement de pouvoir et de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2014, la commune de Boiry-Notre-Dame, représentée par Me H...B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E...et autre de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code l'urbanisme ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hadi Habchi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- les observations de Me G...A..., représentant la commune de Boiry-Notre-Dame.
1. Considérant que M. E...et la société Pelves Immo, propriétaires de plusieurs parcelles situées sur les communes de Boiry-Notre-Dame et de Pelves, dans le Pas-de-Calais, au droit de l'ancienne carrière de craie et d'argile, ont contesté la délibération du 12 novembre 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune Boiry-Notre-Dame a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ; qu'ils relèvent appel du jugement du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération ;
Sur l'information des conseillers municipaux :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération " ; qu'il résulte de ces dispositions que les membres du conseil municipal appelés à délibérer sur l'adoption d'un plan local d'urbanisme doivent disposer, avant la séance, de l'ensemble du projet de plan que la délibération a pour objet d'approuver, et doivent pouvoir obtenir communication des autres pièces et documents nécessaires à leur information sur l'adoption de ce plan, notamment du rapport du commissaire enquêteur ; qu'aucun texte ni aucun principe n'imposent toutefois au maire de leur communiquer ces autres pièces ou documents en l'absence d'une demande de leur part ;
3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces et il n'est pas soutenu que les membres du conseil municipal de Boiry-Notre-Dame n'ont pas disposé avant la séance du conseil municipal consacrée à l'adoption du plan local d'urbanisme de l'ensemble du projet de plan ou que des demandes de documents complémentaires seraient restées sans réponse ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du conseil municipal, qui ont été informés des différentes étapes de la procédure d'élaboration du plan, n'ont pu valablement débattre de l'objectif de préservation des espaces naturels et de la protection des sites sensibles présenté comme un des objectifs prioritaires de l'élaboration du document d'urbanisme ; qu'en particulier et contrairement à ce qui est soutenu, il n'apparaît pas de discordance entre cet objectif énoncé dans une délibération du 31 janvier 2008 et les éléments d'explication figurant dans le rapport de présentation ; que, par suite, le moyen, qui peut être rattaché à celui tiré du défaut d'information ou d'une méconnaissance des prérogatives qu'ils tiennent de leur qualité d'élus municipaux, doit être écarté ;
Sur le rapport de présentation :
4. Considérant que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme présente l'état initial de l'environnement de la commune, en faisant mention en particulier du contexte paysager, naturel et agricole et expose de façon suffisante ses perspectives d'évolution, notamment du point de vue démographique en relevant l'évolution de la population ainsi que du point de vue économique compte tenu de la dominante agricole des activités ; qu'il justifie les choix retenus pour délimiter les secteurs où les constructions sont autorisées, en relevant notamment la volonté de ne pas nuire à l'agriculture et de maîtriser l'expansion urbaine, et ceux où il y a lieu de préserver et de mettre en valeur le territoire naturel et agricole ; qu'au demeurant, il ne comporte pas, contrairement à ce qui est allégué, de contradiction avec l'objectif n° 2 du projet d'aménagement et de développement durable intitulé " le territoire naturel et agricole " ; que les auteurs du plan local d'urbanisme n'étaient pas tenus de motiver de manière spécifique le classement parcelle par parcelle des terrains ; que le classement en zone Np des terrains en litige situés au droit de l'ancienne carrière, exploitée jusqu'en 1987, repose sur la circonstance, notamment, qu'ils se situent dans une zone sensible, du fait d'une nappe phréatique fragile, et s'insèrent dans un ensemble naturel et paysager à protéger ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation, notamment en ce qui concerne le classement en zone Np des parcelles dont ils sont propriétaires, doit être écarté ;
Sur le classement de la parcelle en zone Np :
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels (...) " ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Boiry-Notre-Dame : " (...) / la zone N comprend un secteur Np, de protection stricte des rives du Cojeul et des terrains liés à l'ancienne carrière (...) / article N1 - occupation ou utilisation de sols interdits : sont interdits dans toute la zone : toute construction ou installation quelle qu'en soit la nature à l'exception de celles prévues à l'article N2 / Article N2 - occupation ou utilisation des sols soumises à des conditions particulières / Dans l'ensemble de la zone y compris dans le secteur Np, sont autorisés à condition de ne pas porter atteinte au site : les exhaussements et affouillements des sols, sous réserve qu'ils soient indispensables à la réalisation des types d'occupation des sols autorisés ou liés à la réalisation de bassin de retenue des eaux réalisés dans le cadre de la loi sur l'eau pour la lutte contre les crues ou liés à la réalisation de bassins destinés à défendre les biens contre les incendies (...) / (...) " ;
7. Considérant que la protection de la nappe phréatique, qui participe de la qualité naturelle d'un site, peut justifier le classement en zone naturelle du site ; que, par suite, la création d'une zone Np au sein de laquelle les parcelles en litige de l'ancienne carrière d'argile et de craie ont été classées ne repose pas sur une erreur de droit ; que le moyen tiré d'une atteinte aux principes de réduction du trafic routier et d'émissions de gaz à effet de serre, énoncés à l'article 2 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, n'est assorti d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
8. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste, fondée sur des faits matériellement inexacts, ou entachée de détournement de pouvoir ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier, notamment du projet d'aménagement et de développement durable, que les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Boiry-Notre-Dame ont entendu protéger la richesse écologique et paysagère de plusieurs zones du territoire communal, situé entre les vallées de la Trinquise et de la Sensée, et favoriser la mise en valeur du patrimoine naturel en mettant l'accent sur la qualité environnementale ; que la commune a classé plusieurs secteurs en zones naturelles à protéger (zones N dotées d'un indice " p "), parmi lesquelles se trouve l'ancienne carrière d'argile et de craie, dont l'arrêt d'exploitation remonte à l'année 1987, et destinée, à moyen terme, au développement d'un projet d'activités de plein air n'emportant aucune pollution ni atteinte à l'environnement ;
10. Considérant qu'un avis de 2014 d'un hydrogéologue, produit au dossier, fait état d'une vulnérabilité forte au risque de pollution des parcelles en cause ; que la sensibilité particulière de l'emprise de l'ancienne carrière résulte d'une faible épaisseur de la couche superficielle et dans le caractère sub-affleurant de la nappe phréatique de la craie ; que cette nappe est, en outre, située à proximité d'espaces protégés et du champ captant de la Trinquise ; que cette analyse n'a pas été démentie au cours de la procédure d'élaboration du plan, par les avis et observations des différentes personnes publiques associées ou par le rapport du commissaire enquêteur du 23 juillet 2009 ; que, par suite, M. E...et la société Pelves Immo ne sont pas fondés à soutenir que le classement de leurs parcelles reposerait sur une erreur de fait ;
11. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le classement en zone Np des terrains de l'ancienne carrière et de ses environs n'est pas subordonné à la condition que ceux-ci fassent l'objet d'une servitude, ou d'une protection particulière aux plans floristique ou faunistique ; qu'il ressort, en outre, des différentes photographies et prises de vues que l'ancienne carrière s'insère dans un vaste espace naturel, agricole et paysager, autour duquel émergent plusieurs massifs boisés, l'ensemble constituant au demeurant le " coeur du territoire vert " du schéma de cohérence territoriale Osartis Marquion ; que, dans ces conditions, le classement en cause ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation ;
12. Considérant que le détournement de procédure allégué tiré de ce que le classement en zone Np de l'ancienne carrière de Boiry et de Pelves n'aurait pour véritable objet que de faire obstacle à un projet d'activités de loisirs motorisés sur la zone en cause et serait intervenu en lieu et place d'un arrêté de police administrative interdisant ou réglementant une telle activité n'est pas établi dès lors que les considérations d'urbanisme précédemment analysées suffisent à justifier le classement critiqué ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...et la société Pelves Immo ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants présentées sur ce fondement ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge solidaire la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Boiry-Notre-Dame et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...et de la société Pelves Immo est rejetée.
Article 2 : M. E...et la société Pelves Immo verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la commune de Boiry-Notre-Dame sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E..., à la société Pelves Immo et à la commune de Boiry-Notre-Dame.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : H. HABCHILe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°14DA00654 2