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21/10/2015 | FRANCE | N°14-27156

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 octobre 2015, 14-27156


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor An III, et l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que Mme X..., de nationalité serbe, a été remise par les autorités allemandes aux autorités françaises, en application

d'un accord de réadmission franco-allemand du 19 septembre 2005 ; qu'un préfet...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor An III, et l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que Mme X..., de nationalité serbe, a été remise par les autorités allemandes aux autorités françaises, en application d'un accord de réadmission franco-allemand du 19 septembre 2005 ; qu'un préfet lui a notifié une obligation de quitter le territoire national et l'a placée en rétention administrative ;
Attendu que, pour refuser de prolonger cette mesure, le premier président a retenu qu'il n'avait pas été mis en capacité de vérifier si les conditions de réadmission de l'intéressée étaient réunies et conformes au protocole d'application de l'accord entre le gouvernement de la République française et celui de la République fédérale d'Allemagne, en particulier quant à l'obligation faite à l'autorité requérante d'informer l'autorité requise de la nécessité d'un interprète ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge saisi d'une demande de prolongation d'un maintien en rétention ne peut, sans excéder ses pouvoirs, se prononcer sur la procédure administrative de réadmission sur le territoire qui précède la remise aux autorités françaises, le premier président a violé le principe et les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
Attendu que les délais de rétention étant écoulés, il ne reste rien à juger ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 14 novembre 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour le préfet du Bas-Rhin
II est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la requête d'un préfet (le préfet du Bas-Rhin) en prolongation de la rétention administrative d'une étrangère (Mme X...) ;
AUX MOTIFS QUE, sur le premier moyen, Mme Vida X... faisait valoir qu'il appartenait au préfet de présenter lors de l'audience, les modalités de l'accord bilatéral fixant les conditions de réadmission sur le territoire et les documents établis par les autorités de remise, s'agissant de sa remise par les autorités allemandes aux autorités françaises, dans le cadre des accords de réadmission franco-allemands ; qu'il y avait lieu de relever qu'étaient produits par l'autorité administrative des documents en langue allemande et un ticket de caisse partiel apparemment d'un établissement Monoprix situé à Strasbourg, avec une date coupée laissant apparaître le 7 novembre ; que, ce faisant, l'autorité administrative n'avait pas mis la cour en capacité d'exercer son contrôle et de vérifier précisément si les conditions de réadmission de l'intéressée conformément au protocole d'application de l'accord entre le Gouvernement de la République française et de la République fédérale d'Allemagne, relatif à la réadmission et au transit de personnes en situation irrégulière, signé à Paris le 19 septembre 2005, étaient réunies ; qu'en outre, l'intéressée faisait valoir la notification tardive de ses droits compte tenu du retard pris par les autorités françaises aux fins de requérir un interprète, or le protocole fait obligation à l'Etat requérant d'indiquer lors de la saisine si un interprète est nécessaire, ce que, compte tenu de ce qui précédait, la cour était dans l'incapacité de vérifier ; qu'il convenait en conséquence de constater l'irrégularité de la procédure et d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 13 novembre 2014 à 09 h 28;
1° ALORS QUE le juge judiciaire n'est pas compétent pour se prononcer sur la légalité de la procédure de réadmission d'un étranger ressortissant d'un Etat tiers ; qu'en déduisant l'irrégularité de la procédure de rétention administrative de Mme X... de ce que le juge judiciaire n'était pas en mesure de contrôler la régularité de la procédure de réadmission de l'étrangère, le conseiller délégué a excédé ses pouvoirs, en violation du principe de la séparation des pouvoirs, de la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble du décret du 16 fructidor An III:
2° ALORS QUE la légalité de la procédure de réadmission d'un étranger ressortissant d'un Etat tiers, diligentée par application de l'accord bilatéral franco-allemand du 19 septembre 2005, ne ressortit pas à la compétence du juge judiciaire ; qu'en déduisant l'irrégularité de la procédure de rétention administrative de Mme X... de ce qu'il ne lui était pas possible de vérifier si l'Etat requérant allemand avait indiqué, lors de la saisine des autorités françaises, si le truchement d'un interprète était nécessaire, le conseiller délégué a excédé ses pouvoirs, en violation du principe de la séparation des pouvoirs, de la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble du décret du 16 fructidor An III ;
3° ALORS QUE le juge des libertés et de la détention, gardien des libertés individuelles des étrangers placés en rétention, n'exerce son contrôle qu'à partir de la remise aux autorités françaises d'un étranger ressortissant d'un Etat tiers, les actes étrangers antérieurs aux fins de réadmission n'étant en outre pas privatifs de liberté ; qu'en déduisant l'irrégularité de la procédure de rétention administrative de Mme X... de ce qu'il ne pouvait contrôler la régularité de la procédure allemande de réadmission, quand son contrôle ne pouvait s'exercer, sur la procédure française, qu'à compter de la remise de l'étrangère aux autorités françaises, le conseiller délégué a violé l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4° ALORS QUE la procédure étrangère tendant à la réadmission d'un étranger ressortissant d'un Etat tiers, jointe au procès-verbal de remise aux autorités françaises, suffit à permettre au juge des libertés d'exercer son contrôle ; qu'en énonçant que les documents en langue allemande figurant au dossier ne suffisaient pas à permettre au juge des libertés d'exercer son contrôle, quand était également versé aux débats le procès-verbal de remise aux autorités françaises de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5° ALORS QUE le défaut de preuve du fait que les autorités requérantes aux fins de réadmission d'un étranger ressortissant d'un Etat tiers ont informé les autorités requises de la nécessité de faire appel à un interprète, n'entraîne pas l'irrégularité de la procédure de rétention de cet étranger, dès lors qu'il a bénéficié rapidement du concours d'un interprète ; qu'en déduisant l'irrégularité de la procédure de rétention administrative de Mme X... du simple défaut de preuve de l'information donnée par les autorités allemandes relativement à la nécessité d'avoir recours aux services d'un interprète, la cour d'appel a violé l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-27156
Date de la décision : 21/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Contentieux des étrangers - Appréciation de la légalité de la procédure administrative de réadmission précédant le placement en rétention

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Nécessité d'apprécier la légalité, la régularité ou la validité d'un acte administratif - Domaine d'application - Appréciation de la légalité de la procédure administrative de réadmission d'un ressortissant étranger précédant son placement en rétention ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Office du juge judiciaire - Etendue - Limites - Détermination - Portée

Viole le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III, et l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance qui se prononce sur la procédure administrative de réadmission sur le territoire précédant la remise aux autorités françaises


Références :

principe de la séparation des pouvoirs

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor An III

article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 14 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 oct. 2015, pourvoi n°14-27156, Bull. civ. 2016, n° 838, 1re Civ., n° 392
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 838, 1re Civ., n° 392

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Gargoullaud
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.27156
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