LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière HE NE SSA (la bailleresse) a consenti un bail commercial à la société Ship Factory (la locataire), à compter du 1er juin 2008 et pour une durée de vingt-trois mois ; qu'après le départ des lieux de la locataire, la bailleresse l'a assignée en paiement d'un arriéré de loyers et taxes ; que la première a opposé la nullité du bail pour défaut de capacité de la seconde ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 1984 du code civil ;
Attendu que la nullité d'un contrat fondée sur l'absence de pouvoir du mandataire social, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du bail pour défaut de capacité de la bailleresse, l'arrêt retient que le bail a été signé par la société civile immobilière HE NE SSA, représentée par Jacques X... qui était décédé le 29 juin 2006, que, selon les statuts, celui-ci avait été nommé gérant pour une durée illimitée et qu'en conséquence, la société civile immobilière HE NE SSA, privée de gérant, ne disposait plus de la capacité pour contracter ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Ship Factory aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ship Factory et la condamne à payer à la société HE NE SSA la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société HE NE SSA.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR prononcé la nullité du bail signé le 1er juin 2008 entre la SCI He Ne Ssa et la société Ship Factory et condamné la SCI He Ne Ssa à payer à la société Ship Factory la somme de 55. 000 euros TTC représentant les loyers perçus depuis le 1er juin 2008,
AUX MOTIFS QU'« il est constant que le bail a été signé le 1er juin 2008 par la Société Civile Immobilière HE. NE. SSA. représentée par Monsieur Jacques X... qui était décédé le 29 juin 2006 ; qu'il ressort des statuts de la Société Civile Immobilière HE. NE. SSA. adoptés le 4 février 2002, que la SCI avait deux associés, Messieurs Claude et Jacques X..., ce dernier étant nommé gérant pour une durée illimitée ; que la Société Civile Immobilière HE. NE. SSA. privée de gérant, ne disposait ainsi plus de la capacité pour contracter et n'a pas utilisé la procédure prévue à l'alinéa 5 de l'article 1846 du code civil, les statuts n'ayant par ailleurs pas prévu la nomination d'un gérant suppléant ; que l'absence de capacité du bailleur conduit à prononcer la nullité du bail et condamner la Société Civile Immobilière HE. NE. SSA. à rembourser à la SARL SHIP FACTORY la somme de 55 000 € représentant les loyers perçus depuis le 1er juin 2008 » ;
1°/ ALORS, d'une part, QU'aux termes de l'article 1125 du code civil, les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer l'incapacité de ceux avec qui elles ont contracté ; qu'en prononçant la nullité du bail à la demande de la société Ship Factory en raison de l'absence de capacité du bailleur, quand la nullité de l'acte ne pouvait être invoquée que par le cocontractant que la loi a voulu protéger, la cour d'appel, qui s'est abstenue de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1125 du code civil ;
2°/ ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE les restitutions réciproques sont les conséquences nécessaires de la nullité d'un contrat ; que le juge qui annule un contrat de bail doit donc condamner la partie qui a joui de l'immeuble au paiement d'une indemnité d'occupation en contrepartie de sa jouissance des lieux ; qu'en s'abstenant de condamner la société Ship Factory au paiement d'une indemnité d'occupation, après avoir prononcé la nullité du bail, et en tout en ayant constaté que le bail annulé avait été conclu le 1er juin 2008 et que la société Ship Factory avait quitté les lieux le 30 juin 2009, la cour d'appel qui s'est abstenue de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1304 du code civil.