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09/04/2015 | FRANCE | N°13PA01905

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 09 avril 2015, 13PA01905


Vu le recours, enregistré le 16 mai 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208952 du 29 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Le Tanneur et Cie du rappel de crédit d'impôt recherche auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 2009 pour un montant de 433 446 euros ;

2°) de remettre à la charge de la société Le Tanneur et Cie la somme de 433 446 euros dont la décharge a été prononcée par les pr

emiers juges ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la ...

Vu le recours, enregistré le 16 mai 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208952 du 29 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Le Tanneur et Cie du rappel de crédit d'impôt recherche auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 2009 pour un montant de 433 446 euros ;

2°) de remettre à la charge de la société Le Tanneur et Cie la somme de 433 446 euros dont la décharge a été prononcée par les premiers juges ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est erroné en droit, dès lors que les dispositions applicables du code général des impôts ne peuvent permettre à un contribuable de bénéficier du crédit d'impôt recherche à raison des dépenses d'élaboration de nouvelles collections, dès lors qu'il n'exerce pas d'activité industrielle et sous-traite sa production à l'étranger ;

- ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt recherche les entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui n'exercent aucune activité de production ;

- la société achète les produits finis à ses sous-traitants, elle n'est pas propriétaire de la matière première et n'assume aucun risque industriel ; aucun stock de matière première n'a été enregistré dans sa comptabilité ;

- la société a obtenu la restitution, le 26 janvier 2009, de crédits d'impôt afférents aux années 2005 à 2007 pour un montant total de 433 446 euros à raison de son activité spécifique de conception de produits de maroquinerie et d'accessoires de mode, dont elle confie la fabrication à des sous-traitants établis hors de l'Union européenne ;

- or, le législateur a entendu favoriser les entreprises du secteur industriel textile-habillement-cuir qui supportent les coûts d'élaboration et de production de leurs nouvelles collections, en raison de la forte concurrence internationale ;

- contrairement aux affirmations de la société, l'imprimé n° 2069 A, relatif au crédit d'impôt en faveur de la recherche, ne donne pas, aux lignes B 3 et 32, une interprétation différente du texte fiscal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2013, présenté pour la société anonyme Le Tanneur et Cie, dont le siège est 128/130 quai de Jemmapes à Paris (75010), par Me Glaser et MeA..., avocats à la Cour ; la société Le Tanneur et Cie demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'administration interprète restrictivement les dispositions légales, auxquelles elle ajoute une condition non prévue par le législateur ;

- le texte fiscal subordonne en effet l'éligibilité d'une entreprise au crédit d'impôt collection au seul exercice par celle-ci d'une activité industrielle dans le secteur textile-habillement-cuir ; la condition, invoquée par le service, tenant à ce que l'entreprise devrait obligatoirement fabriquer les collections dont les dépenses d'élaboration ont été prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt, n'est pas prévue par le texte ;

- contrairement à ce que soutient le ministre, les débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi ne contiennent aucune disposition de nature à corroborer sa thèse ; il en va de même des mentions des imprimés 2069 A déposés par la société au titre des exercices concernés ;

- la position du ministre est contraire à la jurisprudence, en vertu de laquelle les entreprises constituées sous la forme de sociétés commerciales entrent dans le champ du crédit d'impôt, quelle que soit leur activité ;

- plus spécialement, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir sont éligibles au crédit d'impôt collection, dès lors qu'elles exercent une activité industrielle qui concourt directement à l'élaboration ou la transformation de biens corporels à l'aide d'outillage et qu'elles relèvent de secteurs d'activité précisément identifiés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 octobre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, par lequel il conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens, et en outre par les moyens que :

- la société, qui a confié la totalité de sa production à des sous-traitants établis en Chine, en Inde et au Maroc, ne peut revendiquer à son profit la production industrielle des produits ;

- la position de l'administration est conforme à la jurisprudence ;

Vu le second mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2014, présenté pour la société Le Tanneur et Cie, par lequel elle conclut au rejet du recours du ministre, par les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me Glaser, avocat de la société Le Tanneur et Cie ;

1. Considérant que la société Le Tanneur et Cie exerce, dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir, d'une part, une activité de fabrication, en qualité de sous-traitant, de produits de maroquinerie pour le compte de deux entreprises tierces et, d'autre part, une activité de conception et de commercialisation, sous sa propre marque, d'articles de maroquinerie et d'accessoires de mode dont elle confie la fabrication à des sous-traitants établis à l'étranger ; qu'à raison de cette seconde activité, elle a bénéficié, les 26 janvier et 23 février 2009, de la prise en charge, sous la forme du crédit d'impôt recherche prévu au h) du II de l'article 244 quater du code général des impôts, de ses dépenses d'élaboration de nouvelles collections exposées au cours des années 2005, 2007 et 2008 pour un montant total de 433 446 euros ; que l'administration a ultérieurement remis en cause ce crédit d'impôt au motif que la société, en sous-traitant l'entière fabrication des articles à des prestataires extérieurs, n'exerçait pas d'activité industrielle, en sorte que les dépenses exposées dans ce cadre n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt recherche ; qu'elle l'a en conséquence assujettie, au titre de l'année 2009, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés procédant de la reprise de ce crédit d'impôt ; que le ministre de l'économie et des finances fait appel du jugement du 29 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la société Le Tanneur et Cie, l'a déchargée de cette imposition supplémentaire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du h) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, que le bénéfice du crédit d'impôt recherche ouvert, à raison de l'élaboration de nouvelles collections, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir, ne concerne que les entreprises qui exercent une activité industrielle dans ce secteur ; que présentent un caractère industriel les activités qui concourent directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour lesquelles le rôle des moyens techniques, du matériel ou de l'outillage est prépondérant ; que, dans l'hypothèse où une entreprise exerce, dans le secteur du textile-habillement-cuir, une double activité, industrielle, d'une part, et non industrielle, d'autre part, seules les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections issues du processus de fabrication mis en oeuvre par l'entreprise elle-même, et exposées dans le cadre de l'activité industrielle qu'elle exerce, sont susceptibles de bénéficier du crédit d'impôt ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Le Tanneur et Cie sous-traitait à des prestataires établis en Chine, en Inde et au Maroc l'entière fabrication des articles et accessoires de maroquinerie qu'elle commercialisait sous sa propre marque ; que, dans le cadre de cette activité spécifique, elle se bornait à concevoir les dessins et modèles qu'elle adressait ensuite à ses sous-traitants, puis à leur acheter les produits finis ; qu'ainsi, elle n'a exposé, à raison de cette activité, aucune dépense consacrée à des opérations de fabrication ou de transformation de produits ; qu'elle ne pouvait, dans ces conditions, être regardée, en tant qu'elle se livrait à ladite activité, comme une entreprise industrielle du secteur " textile-habillement-cuir " au sens des dispositions précitées ; que, par suite, elle n'avait pas droit au crédit d'impôt en litige ; que sont sans incidence à cet égard les circonstances, d'une part, que la société est considérée comme une entreprise industrielle et commerciale au sens du I de l'article 244 quater B du code général des impôts, d'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'elle exerce, parallèlement à l'activité en cause, une activité industrielle, en qualité de sous-traitant, dans le cadre de laquelle elle n'a engagé aucune dépense d'élaboration de nouvelles collections ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Le Tanneur et Cie et l'a déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 en conséquence de la reprise, par l'administration, du crédit d'impôt dont elle avait bénéficié ;

Sur les conclusions de la société Le Tanneur et Cie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la société Le Tanneur et Cie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du 29 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La somme de 433 446 euros dont il a été donné décharge par le tribunal est remise à la charge de la société Le Tanneur et Cie.

Article 3 : Les conclusions de la société Le Tanneur et Cie présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la société anonyme Le Tanneur et Cie.

Délibéré après l'audience du 5 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Vincelet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 avril 2015.

Le rapporteur,

A. VINCELET Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution au présent arrêt.

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N° 13PA01905

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01905
Date de la décision : 09/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET VEIL JOURDE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-09;13pa01905 ?
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