Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Prigent, avocat ; M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202462 en date du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation, faite par des avis à tiers détenteur datés du 3 octobre 2001 et un commandement en date du 20 septembre 2007, de payer une somme correspondant à des cotisations de taxes foncières et de taxe d'habitation relatives aux années 1996 à 2002, à des cotisations d'impôt sur le revenu relatives aux années 1992 à 1999 et à l'année 2001, à des cotisations de contributions sociales relatives à l'année 1992 et aux années 1994 à 1999 ainsi qu'aux pénalités dont ont été assorties ces impositions ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- il appartient à l'administration fiscale de justifier que l'action en recouvrement n'était pas prescrite en application des dispositions de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales lorsqu'elle a émis les avis à tiers détenteur ;
- l'action en recouvrement était prescrite à hauteur de 801 294, 36 euros lorsqu'il s'est acquitté de sa dette fiscale le 9 juin 2008 ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du dépôt d'un avis de passage à son domicile lors de la signification du commandement de payer en date du 20 septembre 2007 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B...une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Nantes était irrecevable ; celle-ci aurait dû être présentée au plus tard le 29 avril 2012 ; l'intéressé a assigné, à tort, le directeur régional des finances publiques des Pays-de-la-Loire et du département de la Loire-Atlantique ; la réclamation de M. B...a été formée postérieurement à l'expiration du délai de deux mois prévu par le livre des procédures fiscales ;
- la requête d'appel comporte des éléments de droit et de fait irrecevables en application des dispositions de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales ;
- l'action en recouvrement a été interrompue par des versements de M. B...et par les actes de poursuite diligentés à son encontre ; le paiement effectué le 10 juin 2008 doit être regardé comme une reconnaissance de dette et comme une renonciation à la prescription ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n° 2007-260 du 27 février 2007 relatif à l'exercice des poursuites par les agents du Trésor public pour le recouvrement des créances publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2015 :
- le rapport de M. Jouno, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que M. B...relève appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer une somme correspondant à des cotisations de taxes foncières et de taxe d'habitation relatives aux années 1996 à 2002, à des cotisations d'impôt sur le revenu relatives aux années 1992 à 1999 et à l'année 2001, à des cotisations de contributions sociales relatives à l'année 1992 et aux années 1994 à 1999 ainsi qu'aux pénalités dont ont été assorties ces impositions ;
Sur la compétence de la cour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : (...) 5° Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " (...) dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative que l'expression " recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle " a une portée générale et qu'elle recouvre aussi bien les recours relatifs à l'assiette de ces prélèvements que ceux relatifs à leur recouvrement ; que, dès lors, l'article R. 811-1 du code de justice administrative, qui prévoit que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relevant du 5° de l'article R. 222-13 du même code, est applicable au contentieux du recouvrement des taxes syndicales et des impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; que, par suite, les conclusions de M. B...dirigées contre le jugement du 15 octobre 2013 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il rejette sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer une somme correspondant à des cotisations de taxes foncières et de taxe d'habitation relatives aux années 1996 à 2002 ainsi qu'aux majorations afférentes à ces impositions ont le caractère d'un pourvoi en cassation qui relève de la compétence du Conseil d'Etat ; qu'il y a, ainsi, lieu, pour la cour, en vertu des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de transmettre, dans cette mesure, le dossier de la requête au Conseil d'Etat ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
4. Considérant que des cotisations d'impôt sur le revenu relatives aux années 1992 à 1999 et à l'année 2001, des cotisations de contributions sociales relatives à l'année 1992 et aux années 1994 à 1999 ainsi que les pénalités dont ont été assorties ces impositions ont été mises en recouvrement au nom de M. B...à des dates s'échelonnant entre le 31 mai 1997 et le 31 octobre 2002 ; que le comptable chargé du recouvrement a émis, le 3 octobre 2001, des avis à tiers détenteur afin d'obtenir le paiement d'une somme totale de 465 304,20 euros correspondant, notamment, à une partie de ces cotisations d'impôt ; que, le 20 septembre 2007, il a émis un commandement de payer valant saisie immobilière à l'encontre de M.B..., pour un montant de 896 270,50 euros, visant, en particulier, l'ensemble de ces cotisations d'impôt ; que, par un courrier daté du 27 décembre 2011, M. B...doit être regardé comme ayant demandé, d'une part, la décharge de l'obligation de payer ces cotisations d'impôt et, d'autre part, la restitution de la somme correspondante, au motif que cette somme avait cessé d'être exigible en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ; que, le trésorier-payeur général n'ayant pris aucune décision explicite sur cette réclamation, M. B...a saisi le tribunal administratif de Caen, le 14 décembre 2012 ; que, par le jugement attaqué, ce tribunal a rejeté la demande qui lui avait été soumise, en tant qu'elle concernait l'obligation de payer des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, comme irrecevable, en raison du caractère tardif de la contestation formée devant le trésorier-payeur général ;
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : " Les contestations relatives au recouvrement (...) font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 281-2 du même livre, en vigueur à la date des actes de poursuite litigieux : " La demande prévue par l'article R. 281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; que, lorsqu'un recours administratif préalable conditionne la possibilité de saisir le juge, ces dernières dispositions s'appliquent non seulement à la décision susceptible de lui être déférée, mais aussi, nécessairement, à l'acte à l'encontre duquel ce recours administratif doit être préalablement formé ; que, par suite, l'absence de mention sur l'acte de poursuite que l'administration adresse au contribuable de l'existence et du caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la demande préalable prévue à l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit présenter cette demande, prévus notamment par l'article R. 281-2 du même livre, fait obstacle à ce que ces délais soient opposables au contribuable ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-260 du 27 février 2007, applicable au litige : " Les inspecteurs des finances publiques auxquels sont attribuées (...) les fonctions d'huissier sont chargés de procéder aux poursuites nécessaires au recouvrement des créances publiques dans les conditions prévues par l'article L. 258 du livre des procédures fiscales. (...) / Ils sont habilités à effectuer toutes les formalités et assignations, ainsi qu'à signifier les actes nécessaires au recouvrement de toutes créances publiques. " ; qu'aux termes de l'article L. 258 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Si la lettre de rappel ou la mise en demeure n'a pas été suivie de paiement ou de la mise en jeu des dispositions de l'article L. 277, le comptable public compétent peut, à l'expiration d'un délai de vingt jours suivant l'une ou l'autre de ces formalités, engager des poursuites. / Sous réserve des dispositions des articles L. 259 à L. 261, ces poursuites sont effectuées dans les formes prévues par le nouveau code de procédure civile pour le recouvrement des créances. / Elles sont opérées par huissier de justice ou par tout agent de l'administration habilité à exercer des poursuites au nom du comptable. " ; qu'aux termes de l'article 651 du code de procédure civile : " (...) La notification faite par acte d'huissier de justice est une signification. La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme " ; qu'aux termes de l'article 653 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " La date de la signification d'un acte d'huissier de justice, sous réserve de l'article 647-1, est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence (...) " ; qu'aux termes de l'article 654 du même code : " La signification doit être faite à personne (...) " ; qu'aux termes de l'article 655 du même code : " Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, doit, à défaut de domicile connu, à résidence. (...) L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. " ; qu'aux termes de l'article 656 du même code : " Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. (...) " ;
7. Considérant que le motif invoqué par M. B...au soutien de sa contestation du 27 décembre 2011, qui tenait à la prescription de l'action en recouvrement, était autre qu'un vice de forme ; que, même à supposer que le commandement signifié le 20 septembre 2007 ait constitué le premier acte permettant d'invoquer ce motif, le délai de deux mois prévu à l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales était expiré lorsque, par courrier daté du 27 décembre 2011 et distribué le 29 décembre 2011, M. B...a formé sa contestation ;
8. Considérant que M. B...doit être regardé comme faisant valoir que ce délai ne lui était pas opposable dès lors qu'il n'avait pas été avisé, par un avis de passage, de la notification du commandement ;
9. Considérant que, faute de pouvoir être signifié à personne, ce commandement, qui comportait la mention des voies et délais de réclamation et faisait état du caractère obligatoire de celle-ci, a été signifié à domicile par un inspecteur des finances publiques chargé des fonctions d'huissier ; qu'il résulte des termes mêmes de l'acte de signification qu'un avis de passage répondant aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655 du code de procédure civile a été laissé au domicile de M.B..., conformément aux dispositions de l'article 656 du même code ; que les mentions de cet acte font foi jusqu'à inscription de faux dès lors que l'inspecteur des finances publiques l'a dressé dans l'exercice de ses fonctions d'huissier ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de dépôt d'un avis de passage doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur le surplus des moyens de la requête, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1996 à 1999 et 2001 et de contributions sociales au titre des années 1996 à 1999, ainsi que les majorations afférentes à ces impositions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M.B..., dans les circonstances de l'espèce, une somme au titre de ces frais ;
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. B... tendant à la décharge de l'obligation de payer une somme correspondant aux cotisations de taxes foncières et de taxe d'habitation relatives aux années 1996 à 2002 ainsi qu'aux majorations afférentes à ces impositions sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2015.
Le rapporteur,
T. JOUNO
Le président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT03420 2
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