Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Mardié (Loiret) et l'association Mardiéval ont saisi, par deux demandes distinctes, le tribunal administratif d'Orléans afin qu'il prononce l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2011 du préfet du Loiret autorisant la société Ligérienne Granulats à exploiter une carrière de matériaux alluvionnaires sur le territoire de la commune de Mardié au lieu-dit " L'Etang ".
Par deux jugements n° 1103069 et n° 1104130 du 19 mars 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ces deux demandes.
Procédure devant la cour :
I) Par une première requête enregistrée le 17 mai 2013, sous le n° 13NT01425 et un mémoire enregistré le 29 novembre 2013, la commune de Mardié, représentée par Me Sartorio, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103069 du tribunal administratif d'Orléans du 19 mars 2013 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 28 mars 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ligérienne Granulats le versement de deux sommes de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- le projet autorisé est incompatible avec le plan d'occupation des sols de la commune dès lors que le règlement de la zone ND où l'installation doit être implantée n'autorise de telles installations que si elles sont compatibles avec la préservation des sites ;
- le projet est également incompatible avec les prescriptions du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération orléanaise dans la mesure où, dans l'hypothèse où le plan d'occupation des sols l'autorisait, ce plan serait incompatible avec ces prescriptions qui prévoient le maintien de coupures vertes à l'est de Mardié ainsi que la pérennisation de l'agriculture locale ;
- le projet est également incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ;
- le schéma directeur des carrières est également incompatible avec le SDAGE et ne pouvait donc pas justifier le projet dans la mesure où il porte atteinte à l'existence de zones humides ;
- les besoins en granulats du département ne sont pas avérés dès lors que ce dernier a une production excédentaire de ce type de matériaux ;
- le développement des accès au site entraîne des nuisances incompatibles avec la sécurité et la tranquillité du voisinage ;
- les nuisances sonores sont avérées ;
- le projet porte atteinte à la préservation des activités agricoles ;
- le projet comporte des risques en ce qui concerne la préservation des ressources en eau ;
- l'étude d'impact est insuffisante sur ce point ;
- l'atteinte à l'environnement et aux paysages est avérée ;
- le projet porte atteinte au schéma régional de cohérence écologique ;
- le principe de précaution est méconnu.
II. Par une deuxième requête enregistrée le 17 mai 2013 sous le n° 13NT01426, l'association Mardiéval, représentée par Me Rivoire, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104130 du tribunal administratif d'Orléans du 19 mars 2013 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 28 mars 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association soutient que :
- l'avis émis par l'autorité environnementale n'a pas été régulièrement délivré dès lors qu'il émane d'une autorité incompétente et qu'il a été rendu sur la base de faits erronés ;
- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances concernant l'évaluation du projet sur la biodiversité, le milieu humain et la préservation de la ressource en eau ;
- l'arrêté a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'arrêté préfectoral délimitant les périmètres de protection des forages de captage d'eau potable ;
- le risque de pollution des eaux souterraines est établi ;
- le projet n'est pas compatible avec le schéma de cohérence territoriale dès lors que le plan d'occupation des sols autorisant la réalisation d'une carrière est en contradiction avec les orientations de ce schéma en ce qui concerne les coupures vertes et la préservation des activités agricoles ;
- le règlement de la zone ND n'autorise pas l'implantation d'une carrière dès lors que celle-ci n'est pas compatible avec la protection des sites ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il est également entaché d'erreur manifeste dès lors que les besoins supplémentaires en granulats ne sont pas avérés ainsi que cela ressort du schéma départemental des carrières.
Par mémoires enregistrés le 19 août 2013 et le 10 juin 2014, la société Ligérienne Granulats, représentée par Me Huglo, avocat, a présenté des observations tendant au rejet des deux requêtes et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Mardié et de l'association Mardieval le versement de deux sommes de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société soutient que les moyens soulevés par la commune de Mardié et l'association Mardieval ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 juin 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a conclu au rejet des requêtes mentionnées plus haut ; le ministre soutient que les moyens soulevés par la commune de Mardié et l'association Mardiéval ne sont pas fondés.
Par deux ordonnances du 18 septembre 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2014.
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lenoir, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public,
- et les observations de Me Rivoire pour la commune de Mardié, et de Me A...pour la société Ligérienne Granulats.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ligérienne Granulats a déposé, le 25 juin 2009, auprès des services de la préfecture du Loiret, un dossier de demande d'autorisation, au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, de création et d'exploitation d'un site d'extraction et de conditionnement de matériaux alluvionnaires sur un ensemble de terrains situés sur le territoire de la commune de Mardié au lieu-dit " l'Etang " ; qu'il était ainsi prévu la réalisation successive, en vingt-cinq phases annuelles, d'opérations d'extraction de matériaux d'un tonnage total de 2 165 000 t sur une zone regroupant les parcelles cadastrées AH 46 à 51, AH 70 à 75 et AH 78 à 83 d'une superficie totale de 61 hectares 92 ares et 13 centiares ; que le projet prévoyait également la construction de 3 installations de criblage, lavage et cyclonage de matériaux ; qu'une enquête publique s'est déroulée du 16 juin 2010 au 20 juillet 2010, à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable au projet ; que, par un arrêté en date du 28 mars 2011, le préfet du Loiret a délivré l'autorisation sollicitée ; que la commune de Mardié et l'association Mardiéval relèvent appel de deux jugements en date du 19 mars 2013 par lesquels le tribunal administratif d'Orléans, qu'elles avaient saisi de deux demandes d'annulation de cet arrêté, a rejeté celles-ci ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes n° 13NT01425 et n° 13NT01426 sont relatives à une même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un même arrêt ;
Au fond, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce : " Les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains, les schémas de développement commercial, les plans locaux d'urbanisme, les plans de sauvegarde et de mise en valeur, les cartes communales, la délimitation des périmètres d'intervention prévus à l'article L. 143-1, les opérations foncières et les opérations d'aménagement définies par décret en Conseil d'Etat sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-5 du même code applicable dans les mêmes conditions : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une installation classée pour la protection de l'environnement ne peut être autorisée en application des dispositions d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu qu'à la condition que les dispositions de ce plan soient compatibles avec les orientations et les objectifs définis par le schéma de cohérence territoriale applicable au secteur concerné ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le dernier état de la procédure, le site d'extraction faisant l'objet de l'autorisation délivrée par le préfet du Loiret le 28 mars 2011 est régi par les prescriptions de l'article Nb du plan local d'urbanisme de la commune de Mardié interdisant dans le secteur en cause : " (...) Toutes les constructions et installations non liées à l'exploitation d'une carrière(...) " ; que, par ailleurs, le document graphique du plan local d'urbanisme classe en zone Nb référencée " zone de carrière " l'ensemble des parcelles constituant le terrain d'assiette de l'installation faisant l'objet de l'autorisation délivrée le 28 mars 2011 ; qu'en conséquence, et toujours dans le dernier état de la procédure, la délivrance de l'autorisation précitée était, contrairement à ce que soutient la commune, conforme aux prescriptions du document d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune de Mardié ;
5. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans Val de Loire prévoit la création d'une coupure verte située " à l'est de Mardié " ; qu'il est précisé par le document d'orientation général dudit schéma, en page 311, que les coupures vertes " (...) créent également des ponts (points de passage) naturels propices au maintien de la biodiversité entre des secteurs écologiques à fort intérêt tels que les massifs forestiers ou le fleuve ... Ces coupures doivent être maintenues avec des vocations agricoles ou récréatives compatibles avec leur rôle écologique. Dans le cadre de leur PLU, les communes devront préciser l'emprise des coupures vertes à maintenir, en interdisant durablement leur urbanisation " ; que ce même document indique expressément la nécessité de maintenir les cinq coupures vertes mentionnées sur le plan dont l'une est située à l'est de Mardié ; qu'il ressort de la lecture de la carte annexée au schéma de cohérence territoriale, et reprise en page 49 du rapport joint au dossier soumis à l'enquête publique dans lequel cette carte est complétée avec la localisation de la zone retenue pour le projet d'exploitation de carrière, que les parcelles classées Nb mentionnées plus haut se situent directement dans l'axe de la coupure verte prévue par le schéma de cohérence territoriale à l'est de Mardié ; que, dès lors, la création de cette zone Nb par le plan local d'urbanisme de la commune de Mardié n'est pas compatible avec les orientations et les objectifs définis par le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans Val de Loire ; que, par suite, ce plan local d'urbanisme ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme, autoriser l'implantation, sur la zone en cause, de l'installation classée de la société Ligérienne Granulats ; qu'en conséquence, les requérantes sont fondées à soutenir qu'en accordant l'autorisation contestée, le préfet du Loiret a lui-même méconnu ces dispositions ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précèdent que la commune de Mardié et l'association Mardiéval sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 28 mars 2011 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Mardié et de l'association Mardiéval, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes sollicitées par la société Ligérienne Granulats au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et la société Ligérienne Granulats, au même titre, le versement, pour chacun, à la commune de Mardié et à l'association Mardieval d'une somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 mars 2013 et la décision du préfet du Loiret du 18 mars 2011 sont annulés.
Article 2 : L'Etat et la société Ligérienne Granulats verseront chacun à la commune de Mardié et à l'association Mardiéval une somme de 1 000 euros pour chacune des requérantes.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mardié, à l'association Mardiéval, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la société Ligérienne Granulats.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mai 2015
Le président-assesseur,
M. FRANCFORT Le président-rapporteur,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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