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20/02/2014 | FRANCE | N°13NC00505

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 février 2014, 13NC00505


Vu I, sous le n° 13NC00505, la requête, enregistrée le 19 mars 2013, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par la SCP Maurin-Teixeira-Bonandrini ;

M. B... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Besançon n° 1101435 du 29 janvier 2013 en tant que, par ce jugement, les premiers juges ont limité à la somme de 17 000 euros l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard en réparation de ses préjudices imputables aux fautes commises par cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospital

ier de Belfort-Montbéliard à lui verser une somme complémentaire de 377 913,37 euros...

Vu I, sous le n° 13NC00505, la requête, enregistrée le 19 mars 2013, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par la SCP Maurin-Teixeira-Bonandrini ;

M. B... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Besançon n° 1101435 du 29 janvier 2013 en tant que, par ce jugement, les premiers juges ont limité à la somme de 17 000 euros l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard en réparation de ses préjudices imputables aux fautes commises par cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à lui verser une somme complémentaire de 377 913,37 euros, tenant compte de la provision versée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard ne l'a pas informé de la découverte de polypes dans sa vessie lors des examens réalisés en septembre 2005 ;

- les préjudices, résultant de ce défaut d'information, doivent être indemnisés dans leur totalité ;

- le centre hospitalier a commis une seconde faute en ne traitant sa pathologie qu'à compter de septembre 2006 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure, adressée le 19 septembre 2013 au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure, adressée le 19 septembre 2013 au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, par MeA..., qui conclut à la condamnation du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à lui verser :

- une somme de 35 972,92 euros, en remboursement de ses débours, assortie des intérêts à compter de sa première demande ;

- une somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse soutient qu'une attestation d'imputabilité permet de déterminer les frais relatifs au seul retard de diagnostic ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, par MeD..., qui conclut au rejet de la requête et des demandes de la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs ;

Il fait valoir que :

- le retard de diagnostic n'a pu être qu'à l'origine d'une perte de chance ;

- cette perte de chance représente 20% du préjudice global ;

- dès le diagnostic posé, M. B...a été informé du traitement adopté ;

- M. B...n'établit pas ne pas être en mesure de reprendre une activité professionnelle ;

- M. B...n'a pas exposé de dépense relative à l'achat d'un lit médicalisé ;

- les indemnités allouées au titre du préjudice personnel sont suffisantes ;

- la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas du quantum de ses débours qui serait en lien avec la faute commise ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu, II, sous le n° 13NC00568, la requête enregistrée le 28 mars 2013, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, ayant son siège 3 rue Léon Blum à Montbéliard (25200), par Me A... ;

La caisse primaire d'assurance maladie du Doubs demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Besançon n° 1101435 du 29 janvier 2013 en tant que, par ce jugement, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant au remboursement des débours qu'elle a dû supporter en conséquence de la faute commise par le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à lui verser la somme de 35 972,92 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la première demande ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à lui verser la somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'une attestation d'imputabilité permet de déterminer les frais relatifs au seul retard de diagnostic ;

Vu la mise en demeure, adressée le 19 septembre 2013 au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas du quantum de ses débours qui serait en lien avec la faute commise ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Montbéliard qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :

- le rapport de M. Nizet, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

1. Considérant que les requêtes susvisées n° 13NC00505 et n° 13NC00568, présentées pour M. B...et la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier et la perte de chance :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a été admis aux urgences du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, le 21 septembre 2005, alors qu'il souffrait de violentes douleurs hypogastriques ; qu'une échographie abdominale a révélé, outre une vésicule biliaire lithiasique, la présence, sur la vessie du patient, d'un élément de 14 mm, au niveau de la paroi latérale droite, que le praticien a identifié comme étant des polypes vésicaux ; que M. B...s'est à nouveau présenté le 26 septembre 2005 au centre hospitalier en raison de la récidive de ces douleurs épigastriques ; que le requérant a subi, le 2 octobre 2005, une cholécystéctomie afin de traiter la pathologie liée à la vésicule biliaire, tandis qu'aucune suite médicale immédiate n'a été donnée à la découverte des polypes vésicaux ; que M. B...a été admis aux urgences le 21 juillet 2006 pour de nouvelles douleurs épigastriques et une hématurie macroscopique récidivante ; que le bilan échographique, alors pratiqué, a permis de détecter un polype vésical pour lequel le patient a subi, le 5 septembre 2006, une résection transuréthrale destinée à traiter des lésions cancéreuses multiples ; que M. B...a subi, le 23 novembre 2006, une cystectomie et une prostatectomie radicale avec dérivation urinaire par urétérocutanéostomie avec sonde ; que ce traitement a été poursuivi par six cures de chimiothérapie et des séances de radiothérapie jusqu'en juillet 2007 ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que dès l'admission de M. B...aux urgences le 21 septembre 2005, une échographie abdominale avait mis en évidence la présence d'un polype potentiellement cancéreux qui aurait dû conduire à la réalisation d'examens complémentaires ; que, cependant, aucun bilan urologique n'a été réalisé lors de cette admission initiale, ni à l'occasion de l'intervention pratiquée le 2 octobre 2005 ; que le traitement du cancer de la vessie de M. B...a donc débuté avec onze mois de retard ; qu'aucune information n'ayant été donnée au patient lors de la découverte de ce polype, il n'a pas été en mesure de solliciter une exploration complémentaire ; que ces deux fautes ont fait perdre au patient une chance d'éviter l'aggravation de son état de santé et l'ablation de sa vessie ;

4. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant que M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'étant victime d'un défaut d'information, il a droit à la réparation de la totalité du dommage corporel subi ; qu'eu égard à la difficulté, relevée par l'ensemble des expertises médicales diligentées par l'assureur du centre hospitalier, d'échapper, en cas d'évolution d'un cancer de la vessie, à une cystectomie, il y a lieu, en conséquence, de confirmer le taux de 20% de perte de chance retenu par le tribunal et d'indemniser à cette hauteur les préjudices subis par le requérant ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

6. Considérant, en premier lieu, que M. B...établit avoir subi, au cours de la période du 23 novembre 2006 au 30 juillet 2008, date de sa consolidation, une perte de revenus de 4 296.97 euros, déduction faite des indemnités journalières reçues ; que, compte tenu du taux retenu ci-dessus de 20% de perte de chance, il y a lieu de verser, de ce chef, à M. B...la somme de 895,40 euros ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, qu'indépendamment des autres pathologies dont souffre M.B..., âgé de 51 ans au jour de sa première admission aux urgences, le cancer de la vessie qui l'affecte l'empêche de poursuivre son activité professionnelle de soudeur ; que M. B...justifie de gains professionnels futurs, qui auraient dû être les siens, pour une somme de 255 374,80 euros ; que compte tenu du taux retenu pour la perte de chance, il y a lieu de verser de ce chef à M. B...la somme de 51 075 euros ; qu'en revanche, le préjudice allégué lié à l'impossibilité d'obtenir une promotion et des augmentations de salaires, est purement éventuel et ne peut donc qu'être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. B...doit se rendre régulièrement au centre hospitalier afin de changer sa sonde urinaire ; qu'il justifie devoir dépenser, en frais de route futurs, la somme réclamée de 1 209,60 euros ; que compte tenu du taux retenu pour la perte de chance il y a lieu de verser de ce chef à M. B...la somme de 241,90 euros ;

9. Considérant, enfin, que si M. B...demande une indemnisation correspondant à l'achat d'un lit médicalisé, il ressort de ses propres écritures qu'il n'a pas procédé à l'achat de ce matériel ; que cette demande doit par suite être écartée ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 23 novembre 2006 au 3 avril 2008, et reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 30% ; qu'il a subi un pretium doloris chiffré à 5 sur une échelle de 7, un préjudice esthétique, un préjudice sexuel et un préjudice d'agrément ; que l'ensemble de ces préjudices et troubles dans ses conditions d'existence doivent être fixés à la somme de 60 000 euros ; que compte tenu du taux retenu pour la perte de chance, il y a lieu de verser de ce chef à M. B...la somme de 12 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a limité à la somme de 17 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard ; qu'il y a lieu de porter à 64 212,30 euros le montant de la condamnation du centre hospitalier, les sommes déjà versées à titre de provision devant être déduites, et de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs :

12. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs soutient avoir supporté des débours pour un montant de 179 864,61 euros ; qu'elle demande la condamnation du centre hospitalier à lui rembourser 20% de cette somme ; que, cependant, elle n'établit pas devant la cour, par les pièces produites tant dans sa requête que dans ses écritures ultérieures, le quantum des débours liés à la seule ablation de la vessie de son assuré social ; qu'en particulier, l'attestation d'imputabilité produite doit être écartée dès lors qu'elle indique qu'aucune " des hospitalisations n'aurait eu lieu d'exister en l'absence du problème en cause ", alors qu'il est constant que M. B... a été traité tant pour son cancer de la vessie que pour une prostatectomie radicale, cette seconde pathologie étant sans lien avec la première ; que, par suite, les conclusions de la caisse tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser les sommes de 35 972, 92 euros et 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs doivent, dès lors, être rejetées ;

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme allouée à M. B...par le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 29 janvier 2013 est portée de 17 000 euros à 64 212,30 euros. Les sommes déjà versées à titre de provision devront être déduites.

Article 2 : le jugement du Tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3: Le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard est condamné à verser à M. B...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et à la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs.

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N° 13NC00505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00505
Date de la décision : 20/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier NIZET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP MAURIN-TEIXEIRA ; FORT ; SCP MAURIN-TEIXEIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-20;13nc00505 ?
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