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09/04/2015 | FRANCE | N°13MA03476

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 09 avril 2015, 13MA03476


Vu la requête, enregistrée le 22 août 2013, présentée pour Mme C...D..., demeurant ... et Mme F... A..., demeurant..., par Me B... ; Mme D... et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200547 du 21 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à la condamnation de la commune de Corneilhan à leur payer la somme de 27 385,70 euros en réparation des désordres subis par l'immeuble leur appartenant et à ce qu'il soit enjoint à la commune de réaliser les travaux de réfection du chemin communal jouxtant leur p

ropriété, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et a mis à le...

Vu la requête, enregistrée le 22 août 2013, présentée pour Mme C...D..., demeurant ... et Mme F... A..., demeurant..., par Me B... ; Mme D... et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200547 du 21 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à la condamnation de la commune de Corneilhan à leur payer la somme de 27 385,70 euros en réparation des désordres subis par l'immeuble leur appartenant et à ce qu'il soit enjoint à la commune de réaliser les travaux de réfection du chemin communal jouxtant leur propriété, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et a mis à leur charge les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés ;

2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance ;

3°) de mettre les dépens, comprenant les frais d'huissier, à la charge de la commune ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

...............................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2015 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- et les conclusions de Mme Hogedez, rapporteure publique ;

1. Considérant que Mme D...et Mme A...ont acquis, le 22 novembre 2006, une maison d'habitation située 2 place Vieille à Corneilhan construite en 1973 sur un terrain en forte pente ; qu'elles relèvent appel du jugement du 21 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de Corneilhan à leur payer la somme de 27 385,70 euros à raison des désordres affectant leur immeuble et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à cette collectivité de réaliser des travaux de réfection du chemin communal jouxtant leur propriété, au mauvais état duquel elles imputent lesdits désordres ;

Sur les conclusions tendant à ce que la commune procède à des travaux :

2. Considérant que Mme D...et Mme A...ont adressé, le 6 juin 2011, un courrier au maire de la commune de Corneilhan par lequel elles le mettaient en demeure de procéder dans un délai de quinze jours à la réfection du chemin qui jouxte leur propriété ; qu'il n'a pas été répondu à ce courrier ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux en cause ont été entrepris par la commune à la fin de l'année 2014 ; que les conclusions des appelantes tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à des travaux en vue de remédier aux désordres sont donc devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2321-1 du code général des collectivités territoriales : " Sont obligatoires pour la commune les dépenses mises à sa charge par la loi. " ; qu'aux termes de l'article L. 2321-2 du même code : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : / (...) 20° Les dépenses d'entretien des voies communales (...) " ; que l'obligation d'entretien des voies communales prévue par ces dispositions ne s'étend pas aux travaux d'amélioration de la voie mais porte, notamment, sur la remise en état des voies publiques dégradées à la suite, entre autres, d'intempéries ou d'accidents naturels ; que les dépenses visant notamment à maintenir ou rétablir l'imperméabilité des chaussées, sans modification substantielle des tracés ou profils et de la portance de la chaussée entrent au nombre des dépenses d'entretien des voies communales ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état de la voie qui jouxte, à l'ouest, la propriété des appelantes est dégradé ; qu'il est constant qu'il s'agit d'une voie communale ; que ce constat résulte tant des photographies prises par un huissier qui ont été versées aux débats par les appelantes que des mentions du rapport rédigé par l'expert désigné par le juge des référés, indiquant que la mauvaise qualité de l'enrobé du chemin communal ne favorise pas l'écoulement des eaux vers le regard pluvial existant ou faisant état d'une dégradation importante de la chaussée dans l'impasse, mentions corroborées par celles de l'expertise géotechnique réalisée par le CEBTP à la demande de l'expert, qui fait référence aux fissures de cet enrobé ; qu'il résulte également de l'instruction que cette situation est connue de la commune de longue date, les pièces du dossier faisant notamment apparaître un courrier adressé par les appelantes au maire de Corneilhan le 16 octobre 2008, par lequel elles faisaient état du défaut d'entretien du chemin situé à l'arrière de leur propriété qu'elles mettaient en lien avec les infiltrations qu'elles subissent ;

5. Considérant qu'il est constant que, malgré les demandes réitérées de Mme D... et de Mme A...en ce sens, il n'a pas été remédié avant la fin de l'année 2014 au défaut d'imperméabilisation résultant de l'état dégradé de la chaussée de l'impasse qui borde leur propriété ; qu'en s'abstenant d'assurer les travaux d'entretien de la voie de nature à mettre fin à ce défaut d'imperméabilité, la commune de Corneilhan a méconnu l'obligation qui s'impose à elle en application des dispositions susmentionnées ; que cette abstention est fautive ;

En ce qui concerne l'existence d'un lien de causalité entre la faute et les désordres :

6. Considérant que l'expert a relevé que les fissurations relevées sur la terrasse et " les murs de l'agrandissement de la maison bordant le talus " étaient la conséquence d'une instabilité de celui-ci ; que s'il a cru devoir ajouter qu' " on ne peut impliquer la mairie dans une quelconque responsabilité sur la stabilité ou l'instabilité du talus ", il a également indiqué qu'il était certain qu'une réfection de l'enrobé de la ruelle limiterait les infiltrations de surface, que rendre étanche le chemin serait une précaution sage qui éviterait, ou au moins limiterait toute pénétration d'eau intempestive qui tendrait à accentuer l'instabilité des talus, et que la commune, en remédiant à l'état de surface du chemin latéral, limiterait les infiltrations et les apports d'eau sur la zone nord-est du bâtiment ; qu'au vu de ces différentes mentions, la remarque finale de l'expert peut seulement être comprise comme tendant à indiquer que la commune ne pouvait être tenue pour responsable de la configuration des lieux ; qu'il ressort en revanche de ses constatations que les infiltrations de surface, rendues possibles par le mauvais état et le défaut d'entretien de la chaussée, contribuent à l'instabilité du talus ; que ce point est corroboré par le rapport rédigé à la demande de l'expert par le CEBTP, qui indique notamment : " les causes de cette instabilité peuvent être multiples et conjuguées : augmentation du poids en tête de talus (...) augmentation de l'apport en eau (fuite de réseau, infiltration) ", et " Les mesures d'urgence à mettre en oeuvre sont de limiter l'approvisionnement en eaux de la zone. Compte tenu de l'état de surface du chemin (enrobé fissuré) il serait souhaitable de mettre en place un bicouche ou un enrobé neuf " ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'un lien de causalité entre le défaut d'entretien de la voie communale et les variations de stabilité du talus à l'origine des désordres dont se plaignent les appelantes doit être regardée comme établie ; que Mme D... et Mme A...sont donc fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que ce lien n'était pas établi ;

En ce qui concerne les préjudices :

7. Considérant qu'il ressort des écritures présentées par les appelantes avant la clôture de l'instruction que le préjudice dont elles demandent réparation à hauteur de 27 385,70 euros se décompose en trois sommes, de 14 385,70 euros au titre de la pose de micro-pieux, 8 000 euros au titre du " renforcement des fondations et fissures " se situant dans l'angle nord-ouest de la propriété au niveau de la porte de la cour jouxtant le chemin communal, et 5 000 euros au titre de la remise en état de leur cour et de leur mur de clôture ;

8. Considérant que les sommes correspondant au travaux afférents à la pose de micro-pieux et au " renforcement des fondations et fissures " ont vocation à remédier aux fragilités structurelles de l'immeuble et non à réparer les désordres liés au défaut fautif d'entretien de la voie publique ; qu'il ne saurait, par suite, être fait droit aux prétentions des appelantes sur ce point ; qu'en revanche celles-ci sont fondées à demander le versement des sommes nécessaires à la remise en état de leur cour et de leur mur de clôture ; qu'en l'absence de tout devis de nature à étayer le chiffrage de ce poste de préjudices, Mme D...et Mme A...ont été invitées à verser aux débats les éléments sur lesquelles elles se sont fondées pour arrêter ces montants ; que ces dernières n'ayant pas cru devoir déférer, avant la clôture de l'instruction, à cette invitation, il sera fait une appréciation raisonnable de la réparation de ce chef de préjudice en l'arrêtant à la somme de 3 000 euros ;

9. Considérant enfin que les appelantes ont demandé, au titre des dépens, que les frais d'huissier qu'elles ont exposés soient mis à la charge de la commune ; que ces frais ne sont pas compris dans les dépens mais pourraient être, dès lors qu'ils ont été utiles à la solution du litige, réparés au titre du préjudice découlant de la faute commise par la commune ; que toutefois, en l'absence de toute justification de ces frais malgré une invitation adressée aux appelantes en ce sens, il ne peut être fait droit à cette partie de leurs conclusions ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... et Mme A... sont, dans les limites exposées ci-dessus, fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

Sur les dépens :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable entre le 1er octobre 2011 et le 1er janvier 2014 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. /Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. " ;

12. Considérant que les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 9 660,01 euros, doivent être mis à la charge de la commune de Corneilhan, partie perdante ; que doivent être également mis à la charge de la commune les contributions à l'aide juridique acquittées, tant en première instance qu'en appel, par les appelantes, qui ont présenté des conclusions tendant à ce que la commune supporte la charge des dépens ;

Sur les conclusions relatives aux frais irrépétibles :

13. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Corneilhan, partie tenue aux dépens, la somme de 1 000 euros à verser à Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée par la loi du 29 décembre 2013 : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. Si, à l'issue du délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. " ;

15. Considérant que Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille en date du 17 septembre 2013 ; qu'elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; qu'alors même que l'avocate de Mme D... n'a pas demandé la condamnation de la commune à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de condamner la commune de Corneilhan à payer à Me B...la somme de 1 000 euros, le paiement de cette somme emportant renonciation de l'intéressée à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a également lieu de mettre à la charge de la commune de Corneilhan les frais exposés par Mme D..., non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;

16. Considérant enfin, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des écritures de la commune, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en toute hypothèse obstacle à ce que Mme D... et Mme A... qui n'ont, dans la présente instance, la qualité ni de partie tenue aux dépens ni de partie perdante, lui versent une quelconque somme au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D...et MmeA....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 juin 2013 est annulé en tant qu'il statue sur les autres conclusions des appelantes.

Article 3 : La commune de Corneilhan est condamnée à verser à Mme D...et à Mme A...une somme globale de 3 000 euros au titre de la réparation des désordres qui affectent leur propriété.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, taxés et liquidés par ordonnance du président du Tribunal à la somme de 9 660,01 euros, sont mis à la charge de la commune de Corneilhan. Sont également mises à la charge de la commune les contributions à l'aide juridique acquittées pour un montant de 35 euros, tant en première instance qu'en appel.

Article 5 : La commune de Corneilhan versera à Mme A..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La commune de Corneilhan versera à Me B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de cette somme emportant renonciation, de la part de cette dernière, à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 7 : La commune de Corneilhan paiera à Mme D...la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 17 septembre 2013 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille.

Article 8 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à Mme F... A..., à Me E...B...et à la commune de Corneilhan.

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N° 13MA03476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03476
Date de la décision : 09/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Voirie - Régime juridique de la voirie - Entretien de la voirie - Voies communales.

Voirie - Régime juridique de la voirie - Droits et obligations des riverains et usagers - Riverains.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : CARRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-09;13ma03476 ?
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