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13/10/2015 | FRANCE | N°13MA03400

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2015, 13MA03400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 2 février 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Port-Vendres a décidé de ne pas renouveler le bail de location de l'immeuble dit " Le Loup de mer " conclu avec l'association départementale des pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales (ADPEP 66).

Par un jugement n° 1102823 du 21 juin 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette dé

libération du 2 février 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Orientales a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 2 février 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Port-Vendres a décidé de ne pas renouveler le bail de location de l'immeuble dit " Le Loup de mer " conclu avec l'association départementale des pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales (ADPEP 66).

Par un jugement n° 1102823 du 21 juin 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette délibération du 2 février 2011.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 14 août 2013 et le 9 septembre 2015, la commune de Port-Vendres, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 juin 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement ne comporte pas les signatures exigées par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative .

- le jugement est insuffisamment motivé .

- l'immeuble litigieux n'est pas affecté à un service public et n'a pas été spécialement aménagé pour l'exécution d'un tel service, aussi il appartient au domaine privé de la commune et non à son domaine public.

- dans cette mesure, aucune circonstance ne faisait obstacle à ce que le conseil municipal décide de ne pas renouveler le " bail " portant sur cet immeuble, conformément aux stipulations du contrat .

- subsidiairement, en admettant même que soit établie tant l'appartenance de l'immeuble litigieux au domaine public que son affectation à un service public, ces circonstances ne sauraient faire obstacle à ce qu'elle refuse le renouvellement du bail, sauf à méconnaître son droit à disposer librement de ses biens ainsi que le principe de libre administration des collectivités locales ; qu'en décider autrement, conduirait à une expropriation de fait en méconnaissance des règles régissant la domanialité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2013, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Port-Vendres ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, notamment son article 13 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Port-Vendres.

1. Considérant que la commune de Port-Vendres a conclu le 1er janvier 2006 un " bail " avec l'association départementale des pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales, d'une durée de six ans, ayant pour objet l'occupation d'une maison d'habitation, en vue de l'accueil de jeunes gens relevant de la protection judiciaire de la jeunesse dans un centre éducatif renforcé ; que le conseil municipal a décidé, par une délibération du 2 février 2011, de ne pas renouveler ce contrat ; qu'après un recours gracieux, le préfet des Pyrénées-Orientales a déféré cette décision au tribunal administratif de Montpellier ; que par un jugement du 21 juin 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette délibération ; que la commune de Port-Vendres relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que sont apposées, sur la minute du jugement attaqué, les signatures manuscrites du président de la formation de jugement, du magistrat rapporteur ainsi que de la greffière ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de signature de la minute manque en fait ;

3. Considérant, en second lieu, que, pour répondre au moyen invoqué en défense par la commune de Port-Vendres et tiré de ce que ces locaux n'appartenaient pas au domaine public, le tribunal a relevé que l'immeuble litigieux, propriété de la commune avait été affecté au service public de la protection judiciaire de la jeunesse par une convention du 16 décembre 2014 pour y accueillir un centre éducatif renforcé et avait fait l'objet de travaux en vue d'être spécialement affecté à cet effet et qu'ainsi, alors même que le service public qui s'y exerçait relevait d'une autre personne publique que celle qui en était propriétaire, cet immeuble devait être regardé comme appartenant au domaine public de la commune ; que si la commune requérante fait grief au jugement attaqué de ne pas avoir précisé en quoi les travaux réalisés auraient constitué un aménagement spécial de l'immeuble, en statuant comme il l'a fait et eu égard à l'argumentation qui lui était soumise, le tribunal a suffisamment motivé son jugement ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance au domaine public d'un bien était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; qu'en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entrainer le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1 ;

5. Considérant que si l'association départementale des pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales, gestionnaire du centre éducatif renforcé de Port-Vendres, a le caractère d'une association de droit privé, elle participe au service public de la protection judiciaire de la jeunesse, lequel relève de la compétence de l'Etat ; que l'immeuble litigieux a été affecté à ce service public par la convention du 1er janvier 2006, dont la signature a été autorisée par délibération du conseil municipal de la commune du 16 décembre 2004 ; que, par ailleurs, il a fait l'objet d'aménagements spéciaux à cette fin en lien direct avec les besoins exprimés par l'association, notamment par la création d'un bureau pour le chef de service pouvant servir de salle de réunion, l'aménagement d'un coin veilleur de nuit dans les dortoirs, la réalisation d'un économat fermant à clé, et un système de fermeture à clé des dortoirs ; qu'ainsi, ces locaux doivent être regardés comme des dépendances du domaine public de la commune, nonobstant, d'une part, leur affectation à un service public relevant de l'Etat et d'autre part, le fait qu'ils aient été donnés en location sous le régime des baux à usage d'habitation de la loi n°89-642 du 6 juillet 1989 jusqu'au 31 décembre 2011 ; que, par suite, la commune de Port-Vendres n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'appartenance de ces locaux à son domaine privé autorisait son conseil municipal à ne pas renouveler le " bail " conformément aux stipulations du contrat ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que s'il appartient au propriétaire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l'affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d'activités de service public, de prendre en considération les diverses règles, telles que les principes de continuité et de bon fonctionnement du service public, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités ; qu'il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, à qui il revient d'apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s'assurer lors du refus de renouvellement d'une convention d'occupation du domaine public que cette décision a été prise compte tenu de l'ensemble de ces principes et de ces règles et que l'autorité administrative en a fait, en les combinant, une exacte application ;

7. Considérant qu'il ressort des termes de la délibération litigieuse du 2 février 2011 que la commune de Port-Vendres a décidé de ne pas renouveler la convention d'occupation domaniale dont était titulaire l'association départementale des pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales au motif allégué tenant à l'" augmentation des délits, vols et dégradations multiples qui ont pu être constatés sur l'ensemble de la ville et commis par des jeunes de la structure accueillante " ; que s'il résulte des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 29 mars 2011 par le directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse, que des incidents et délits ont pu être commis par certains des mineurs accueillis dans l'immeuble litigieux, d'ailleurs principalement à l'intérieur de l'établissement, le maintien de l'affectation de cet immeuble à la gestion d'un centre éducatif renforcé, qui vise à la réinsertion de ces mineurs, répond toutefois, en l'espèce, à un objectif d'intérêt général ; qu'en outre, le projet développé par l'établissement de Port-Vendres, basé sur des activités liées à la proximité de la mer, qui a nécessité le développement de nombreux partenariats locaux, rend plus difficile une relocalisation éventuelle du service à brefs délais dans de nouveaux locaux adaptés aux missions de l'établissement ; qu'enfin, la commune n'a jamais fait état, à aucun stade de la procédure, d'un quelconque projet d'intérêt général qui aurait, le cas échéant, justifié la nécessité pour elle de disposer à bref délai de cet immeuble ; que, dans ces conditions, la décision de la commune de Port-Vendres, qui porte atteinte au bon fonctionnement du service public de la protection judiciaire de la jeunesse dont l'Etat a la charge, ne répond pas à un motif d'intérêt général suffisant lié à l'impératif d'ordre public invoqué, de nature à justifier la décision de ne pas renouveler la convention d'occupation du domaine public conclue avec l'association départementale des pupilles de l'enseignement public des Pyrénées-Orientales ;

8. Considérant, en troisième lieu, que dans le cas où, comme en l'espèce, un immeuble appartenant au domaine public d'une commune est affecté par convention à un service public géré ou assumé par une autre personne publique, cette circonstance, si elle fait obstacle à ce que la commune en dispose librement tant qu'il reste affecté aux besoins de l'autre collectivité, est sans incidence sur la propriété du bien ; que, par suite, la commune de Port-Vendres n'est pas fondée à soutenir que le maintien de l'affectation de l'immeuble litigieux aux besoins du service public de la protection judiciaire de la jeunesse conduirait à une expropriation de fait intervenue en méconnaissance du principe d'inaliénabilité du domaine public ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que la commune de Port-Vendres ne peut, pour s'affranchir des règles rappelées au point 6, se prévaloir utilement de ce que le maintien de l'affection de l'immeuble litigieux au service de la protection judiciaire de la jeunesse méconnaîtrait tant le droit de disposer librement de ses biens que le principe de libre administration des collectivités locales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la commune de Port-Vendres n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération du 2 février 2011 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Port-Vendres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Port-Vendres et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03400
Date de la décision : 13/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative - Continuité du service public.

Domaine - Domaine public.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle normal.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BECQUE - DAHAN - PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-13;13ma03400 ?
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