Vu, enregistrée le 14 mars 2013, la requête présentée pour la métropole Nice-Côte d'Azur, représentée par son président en exercice, demeurant ...cedex 3, par la Selarl d'avocats AdDen ; la métropole Nice-Côte d'Azur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104849 du 15 janvier 2013 du tribunal administratif de Nice qui l'a condamnée, à la demande de M. A...E..., à verser à ce dernier la somme de 127 972 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'il a subi résultant de l'effondrement d'un terrain survenu le 10 juillet 2005 à Villefranche-sur-Mer ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de M. E...en tant qu'elle est dirigée à son encontre et en tant qu'elle n'est pas établie, à titre subsidiaire, de limiter le quantum de la réparation du préjudice à la somme maximale de 10 000 euros ;
3°) de condamner M. E...à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.......................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales ;
Vu le décret du 17 octobre 2011 portant création de la métropole dénommée " Métropole Nice-Côte d'Azur " ;
Vu l'arrêté du 1er mars 2012 du préfet des Alpes-Maritimes constatant le transfert des routes classées dans le domaine public routier départemental à la métropole Nice-Côte d'Azur ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014 :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteur publique ;
- et les observations de Me C...de la SELARL AdDen pour la métropole Nice-Côte d'Azur et de Me B...de la SELARL Martin-Vincent pour M. E...;
1. Considérant que, dans la nuit du 9 au 10 juillet 2005, le ruissellement de fortes pluies a provoqué l'effondrement d'une partie du terrain accueillant le parking privatif de l'hôtel-restaurant Oasis exploité par les consorts D...et aménagé en remblai le long de la route nationale n°7 devenue la route départementale 6007 sur la moyenne corniche, sur le territoire de la commune de Villefranche-sur-Mer dans le quartier Saint-Michel ; que ce remblai s'est effondré sur les parcelles situées en contrebas du vallon et appartenant à M. E...; que, par jugement du 14 juin 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le département des Alpes-Maritimes sur la demande de M. E... tendant à la réalisation des travaux d'aménagement routier préconisés par l'expert désigné par le juge judiciaire, d'autre part, enjoint au département des Alpes-Maritimes d'effectuer, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement, les travaux portant sur le domaine public routier, à savoir la réalisation d'un avaloir et de bordures de taille suffisante ainsi que le contrôle et la réfection des canalisations d'eaux pluviales existantes ; que le département des Alpes-Maritimes a réalisé ces travaux en novembre 2011 ; que M. E...a demandé au tribunal de condamner la métropole Nice-Côte d'Azur et subsidiairement le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 182 988 euros en réparation du préjudice résultant de l'éboulement de terrain sur ses parcelles survenu dans la nuit du 9 au 10 juillet 2005 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a condamné la seule métropole Nice-Côte d'Azur à lui verser la somme de 127 972 euros en réparation de son préjudice constitué par le coût des travaux de déblaiement de son terrain recouvert par les éboulis et de réparation des murs de restanques en pierre, d'un puits et d'un cabanon ; qu'en appel, la métropole demande, à titre principal, de rejeter la demande de M. E... en tant qu'elle est dirigée à son encontre, à titre subsidiaire, de limiter le quantum de la réparation du préjudice à la somme maximale de 10 000 euros ; que M. E...conclut, par la voie de l'appel incident, à ce que cette condamnation de la métropole soit portée à la somme de 182 988 euros ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la métropole soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas diligenté de mesure d'instruction sur le fait de savoir si M. E...n'avait pas été déjà indemnisé de son préjudice par son assureur ; qu'en se prononçant ainsi, sans s'attacher à vérifier, en recourant au besoin à une telle mesure, si, comme le soutenait devant lui la métropole, tout ou partie de ces préjudices n'avaient été réparés par l'assureur du demandeur, le tribunal administratif a méconnu son office ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. E... ;
Sur la détermination de la personne publique responsable :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes du III de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 : " A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. (...) Ce transfert est constaté par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d'Etat mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l'année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. (...) En l'absence de décision constatant le transfert dans le délai précité, celui-ci intervient de plein droit au 1er janvier 2008. (...) Les transferts prévus par le présent III sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. (...) " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du III de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le transfert des compétences entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions (...) des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 1321-2 de ce code : " Lorsque la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion. Elle assure le renouvellement des biens mobiliers. Elle peut autoriser l'occupation des biens remis. Elle en perçoit les fruits et produits. Elle agit en justice au lieu et place du propriétaire. La collectivité bénéficiaire peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d'addition de constructions propres à assurer le maintien de l'affectation des biens. " ; qu'aux termes de l'article L. 5217-4 II de ce code, dans sa rédaction applicable : " 1. La métropole exerce de plein droit à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place du département, les compétences suivantes (...) b) Gestion des routes classées dans le domaine public routier départemental, ainsi que de leurs dépendances et accessoires. Ce transfert est constaté par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. Cette décision emporte le transfert à la métropole des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans le domaine public de la métropole... " ; que l'article L. 5217-6 de ce code dans sa rédaction applicable dispose : " ... Les biens et droits à caractère mobilier ou immobilier situés sur le territoire de la métropole et utilisés pour l'exercice des compétences transférées à titre obligatoire visées au I et au 1 des II et III de l'article L. 5217-4 sont mis de plein droit à disposition de la métropole par les communes membres, le département, la région et, le cas échéant, les établissements publics de coopération intercommunale dont le périmètre est réduit par application de l'article L. 5217-5 (...) Les biens et droits visés à l'alinéa précédent sont transférés dans le patrimoine de la métropole au plus tard un an après la date de la première réunion du conseil de la métropole (...) La métropole est substituée de plein droit, pour l'exercice des compétences transférées à titre obligatoire visées au I et au 1 des II et III de l'article L. 5217-4, aux communes membres, au département, à la région, à l'établissement public de coopération intercommunale supprimé en application de l'article L. 5217-5 et, le cas échéant, aux établissements publics de coopération intercommunale dont le périmètre est réduit par application du même article L. 5217-5, dans l'ensemble des droits et obligations attachés aux biens mis à disposition en application du premier alinéa et transférés à la métropole en application des deuxième à cinquième alinéas du présent article, ainsi que pour l'exercice de ces compétences sur le territoire métropolitain dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes... " ;
6. Considérant que, d'abord, par arrêté du 20 décembre 2005, le préfet des Alpes-Maritimes a constaté le transfert à compter du 1er janvier 2006 dans le réseau routier du département des Alpes-Maritimes, avec leurs dépendances et leurs accessoires, des sections de routes nationales désignées et notamment de la section de la route nationale n° 7 en litige ; que le département des Alpes-Maritimes a ainsi été substitué à l'Etat à compter du 1er janvier 2006 dans l'ensemble des droits et obligations liés aux routes qui lui ont été transférées à cette date en vertu de la loi ; qu'ensuite, la métropole Nice-Côte d'Azur a été créée par décret du 17 octobre 2011 prenant effet le 31 décembre suivant ; que, par arrêté du 1er mars 2012, le préfet des Alpes- Maritimes a constaté le transfert des routes classées dans le domaine public routier départemental à la métropole Nice-Côte d'Azur, qui s'est ainsi vue transférer notamment la propriété de la route départementale n° 6007, ancienne route nationale n° 7, située sur son territoire incluant notamment la commune de Villefranche-sur-Mer ; que ce transfert plénier de propriété doit être regardé comme incluant l'ensemble des droits et obligations liés aux routes qui lui ont été transférées à cette date, y compris les actions pendantes avant le 1er mars 2012, soit en l'espèce, l'action introduite en décembre 2011 par M. E...; que, dès lors, il y a lieu de mettre l'Etat et le département des Alpes-Maritimes hors de cause pour réparer le préjudice subi par M. E... ; que seule la responsabilité de la métropole peut être recherchée ;
Sur le lien de causalité entre l'ouvrage public et le sinistre :
7. Considérant que, même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement ; qu'il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 14 février 2007 de l'expert désigné par l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice que l'éboulement du haut du talus aménagé en parking réservé à l'hôtel-restaurant l'Oasis sur les parcelles de M. E...situées en dessous dans le ravin est dû à un défaut d'ouvrage adapté au ruissellement important d'eaux pluviales provenant du bord de la chaussée en raison d'abord, de l'insuffisance de capacité de l'avaloir existant au jour du sinistre, ensuite, du fait que les bordures cassées sous l'effet du tassement au droit de la zone d'effondrement sont impropres à leur destination et de la circonstance que les tranchées, qui jouent le rôle de drain, où sont enterrées les canalisations publiques d'évacuation des eaux pluviales, aggravent la concentration des eaux, par infiltration dans le sol, vers la zone d'effondrement litigieuse ; que ce défaut de conception et le mauvais fonctionnement de l'ouvrage public engage, même en l'absence de faute, la responsabilité de la métropole, venant aux droits du département des Alpes-Maritimes ; que, par suite, la responsabilité de la métropole est engagée dans la survenue des dommages de M. E..., tiers par rapport à l'ouvrage du réseau public d'évacuation des eaux pluviales ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le principe d'un droit à indemnisation :
9. Considérant que la seule circonstance que M. E...ne justifie pas par la production d'un simple devis et non d'une facture acquittée, de la réalité des dépenses des travaux à engager ne fait pas obstacle à l'indemnisation de ce préjudice dès lors qu'il est, comme en l'espèce, suffisamment certain ;
10. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. E...ait obtenu une indemnisation de son assureur ;
En ce qui concerne le quantum du préjudice indemnisable :
11. Considérant d'abord que l'évaluation des dommages matériels subis par M. E...doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que cette date est au plus tard celle du 14 février 2007, date à laquelle l'expert a déposé son rapport comportant l'analyse du sinistre et la description des travaux propres à faire cesser le dommage ; que, si M. E...fait valoir qu'il aurait été dans l'impossibilité absolue de financer ces travaux sur ses fonds propres en raison de leur coût dès le 14 février 2007, il ne justifie pas avoir fait les diligences requises pour se procurer, le cas échéant par un emprunt, les fonds nécessaires ou s'être heurté sur ce plan à des difficultés insurmontables ; que par suite, ses conclusions tendant à la majoration du coût des travaux, sur le fondement d'un devis daté de 2012 postérieur au dépôt du rapport de l'expert doivent être rejetées ;
12. Considérant ensuite que le dommage ayant affecté le bien de M. E...doit être évalué au coût de remise de ce bien dans son état initial, dans la limite de la valeur vénale de son terrain évaluée au moment du dommage ; que ce terrain d'une superficie de 1 000 m², inconstructible et en forte pente, est classé en zone bleue par le plan de prévention des risques naturels pour risques d'éboulement ; que M. E...ne conteste pas la valeur de 2 225 euros de son terrain avancée par la métropole Nice-Côte d'Azur, sur la base d'une annonce de vente d'un terrain d'une surface de 2 890 m², non constructible, situé aussi sur les hauteurs de Villefranche-sur-Mer ; que M. E...ne produit aucun document, tel un titre de propriété, attestant de la présence d'un cabanon de 15 m² et d'un puits, lesquels seraient enfouis sous les décombres ; que, dans ces conditions, la valeur vénale de son terrain au moment du sinistre en 2005 doit être fixée à la somme de 10 000 euros que la métropole accepte d'ailleurs de payer pour l'ensemble du préjudice ; que si M. E...demande au titre de l'ensemble de son préjudice la somme de 182 988 euros correspondant aux travaux de remise en état initial de son fonds, par un débroussaillage, puis la création d'un accès chantier pour l'enlèvement des éboulis et la réparation des murs de restanques en pierres, d'un puits et d'un cabanon, selon un devis du 17 juillet 2012 de l'entreprise Gaggioli qu'il produit, le coût de la remise en état du terrain sinistré est supérieur à sa valeur vénale ; qu'il suit de là qu'il y a lieu de fixer à 10 000 euros l'indemnité accordée au requérant ; que la métropole est ainsi fondée à soutenir que les premiers juges ont fait une évaluation excessive du préjudice subi par M. E...en lui allouant la somme de 127 720 euros au titre de la réparation du préjudice subi ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la métropole doit être condamnée à verser à M. E...la somme de 10 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi ; que les conclusions incidentes de M. E...doivent être rejetées ;
Sur les dépens :
14. Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de statuer sur la charge des frais d'une expertise ordonnée par la juridiction judiciaire ; qu'en tout état de cause, les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice le 23 février 2006 ne constituent pas des dépens de la présente instance ; que, par suite, les conclusions de M. E...tendant à obtenir leur remboursement doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la métropole, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à M. E...au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. E...à verser à la métropole la somme qu'elle demande au titre de ses frais d'instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 15 janvier 2013 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'Etat et le département des Alpes-Maritimes sont mis hors de cause.
Article 3 : La métropole Nice-Côte d'Azur est condamnée à verser à M. E...la somme de 10 000 euros.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Nice-Côte d'Azur, à M. A...E..., au département des Alpes-Maritimes et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
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N° 13MA010942