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21/10/2014 | FRANCE | N°13LY02970

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 octobre 2014, 13LY02970


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour la commune de La Motte-Ternant, représentée par son maire ;

La commune de La Motte-Ternant demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201633 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande préalable, par laquelle le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois a refusé de lui verser la

somme de 29 137,68 euros correspondant au montant du déficit de la gestion ...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour la commune de La Motte-Ternant, représentée par son maire ;

La commune de La Motte-Ternant demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201633 du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande préalable, par laquelle le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois a refusé de lui verser la somme de 29 137,68 euros correspondant au montant du déficit de la gestion de son service " eau " avant son transfert audit syndicat et, d'autre part, à la condamnation de ce syndicat à lui verser ladite somme ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois à lui verser la somme de 29 137,68 euros ;

3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sa requête, qui faisait suite à une demande préalable et qui comportait des conclusions à fin de condamnation du syndicat à lui verser une somme d'argent, ne pouvait être analysée que comme un recours de plein contentieux ; elle ne comportait aucune conclusion à fin d'injonction ;

- son recours de plein contentieux était recevable conformément aux dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ;

- le transfert de compétence implique la reprise tant du passif que de l'actif liés à l'exercice de la compétence conformément à l'article L. 5211-18 du code général des collectivités territoriales ;

- les actifs financiers constituent des biens meubles en application de l'article 516 du code civil et sont mis à la disposition du syndicat intercommunal conformément à l'article L. 1231-1 du code général des collectivités territoriales, ce qui implique le transfert du résultat budgétaire du service ;

- le service public de la distribution d'eau est un service public industriel et commercial (SPIC) soumis au principe de l'équilibre financier qui implique un financement par la redevance acquittée par les usagers ; le résultat budgétaire du SPIC doit être transféré à l'établissement public qui bénéficie du transfert de compétence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 14 janvier 2014 au syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance du 14 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 28 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2014, présenté pour le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Motte-Ternant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la demande de première instance, régulièrement requalifiée en recours pour excès de pouvoir, était irrecevable comme tardive en application de la théorie de la connaissance acquise ; cette théorie peut être étendue au recours de plein contentieux, le requérant ne pouvant plus dès lors se prévaloir des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ;

- la demande de la commune n'a aucun fondement juridique ; le résultat budgétaire de l'exécution d'un service ne peut-être qualifié de biens meubles ou de droits et obligations attachés à un bien ou un équipement affecté au service public au sens des dispositions des articles L. 5211-18 et L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales ;

- le résultat déficitaire du budget d'un SPIC, qui est soumis au principe de l'équilibre financier, est illégal ; la commune qui n'a pas décidé d'augmenter les redevances perçues ne peut lui faire supporter le déficit cumulé ;

- la commune requérante qui compte moins de 3 000 habitants pouvait prendre en charge le déficit de son budget annexe dans son budget principal conformément aux articles L. 2224-1 et L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales ;

- en l'absence de texte, le transfert de résultat budgétaire ne peut être admis que s'il existe des délibérations concordantes des deux personnes publiques et ne peut par principe lui être imposé ; un tel transfert ne constitue pas le corollaire du transfert de compétence ;

- le budget annexe " eau " de la commune était soumis au principe de l'équilibre financier ;

Vu l'ordonnance du 6 mars 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2014, présenté pour la commune de La Motte-Ternant qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- son recours est un recours de plein contentieux dès lors qu'elle a seulement entendu obtenir la condamnation du syndicat intercommunal à lui verser la somme due à la suite du transfert intervenu ;

- la théorie de la connaissance acquise ne peut lui être opposée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant Me B..., représentant la commune de La Motte-Ternant ;

1. Considérant que la commune de La Motte-Ternant a été autorisée à adhérer au syndicat d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois (SIAEPA) par un arrêté du 31 août 2005 du sous-préfet de Montbard ; que par une délibération du 19 mai 2006, le syndicat intercommunal a décidé de procéder aux opérations de transfert réglementaire pour que l'adhésion de la commune de La Motte-Ternant soit effective au 1er janvier 2007 ; que par une délibération du 30 mars 2007, le conseil municipal de la commune a procédé aux constatations préalables à l'établissement du procès-verbal de transfert de la compétence " eau " au syndicat, comportant notamment la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, ainsi que le solde du compte administratif 2006 du budget annexe " eau " d'un montant de 29 137,68 euros ; que cette délibération précisait qu'à l'issue de la clôture des comptes de l'exercice 2006 dudit budget, ces derniers seront réintégrés dans le budget principal de la commune avant transfert au SIAEPA de l'ensemble des éléments actif et passif y compris les résultats de fonctionnement et d'investissement pour le résultat cumulé à la clôture de l'exercice 2006 ; que, par un courrier du 23 décembre 2011, la commune de La Motte-Ternant a demandé au syndicat intercommunal de prendre en charge le déficit du compte administratif communal d'un montant de 29 137,68 euros ; que la collectivité relève appel du jugement du 17 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande préalable et par laquelle le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois a refusé de lui verser la somme de 29 137,68 euros correspondant au montant du déficit de la gestion de son service " eau " avant transfert audit syndicat et, d'autre part, à la condamnation de ce syndicat à lui verser la somme de 29 137,68 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-3 du code de justice administrative : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ; "

3. Considérant que dans sa requête introductive d'instance, enregistrée le 24 juillet 2012 auprès du greffe du tribunal administratif de Dijon, la commune de La Motte-Ternant a expressément demandé, d'une part, l'annulation de la décision par laquelle le SIAEPA a implicitement refusé de prendre en charge le déficit du compte administratif relatif à la gestion du service eau et, d'autre part, la condamnation dudit syndicat à lui verser la somme correspondante de 29 137,68 euros ; que cette décision implicite de rejet à la suite du courrier présenté par la commune n'a eu pour seul effet que de lier le contentieux ; qu'ainsi, en formulant les conclusions sus-analysées, la commune a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux ; que si elle avait saisi précédemment le Tribunal d'une requête identique rejetée par ordonnance, la connaissance de la décision qu'implique ce recours est, par elle-même, sans incidence sur l'application des dispositions précitées dont il résulte qu'aucun délai ne court en l'absence de décision explicite de rejet ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi ; que son jugement en date du 17 septembre 2013 doit, dès lors, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de La Motte-Ternant devant le Tribunal ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5211-18 du code général des collectivités territoriales : " I.-Sans préjudice des dispositions de l'article L. 5215-40, le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale peut être ultérieurement étendu, par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés, par adjonction de communes nouvelles (...) / II.-Le transfert des compétences entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5.(...). " ; qu'aux termes de l'article L. 1321-1 du même code : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence. Cette mise à disposition est constatée par un procès-verbal établi contradictoirement entre les représentants de la collectivité antérieurement compétente et de la collectivité bénéficiaire. Le procès-verbal précise la consistance, la situation juridique, l'état des biens et l'évaluation de la remise en état de ceux-ci. Pour l'établissement de ce procès-verbal, les parties peuvent recourir aux conseils d'experts dont la rémunération est supportée pour moitié par la collectivité bénéficiaire du transfert et pour moitié par la collectivité antérieurement compétente. A défaut d'accord, les parties peuvent recourir à l'arbitrage du président de la chambre régionale des comptes compétente. Cet arbitrage est rendu dans les deux mois. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 1321-2 dudit code : " Lorsque la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion. Elle assure le renouvellement des biens mobiliers. Elle peut autoriser l'occupation des biens remis. Elle en perçoit les fruits et produits. Elle agit en justice au lieu et place du propriétaire. La collectivité bénéficiaire peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d'addition de constructions propres à assurer le maintien de l'affectation des biens (...). " ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées, que le transfert d'une compétence emporte de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles affectés au service à la personne publique qui s'en trouve investie, dès l'entrée en vigueur de la décision qui prononce ce transfert ; que les relations entre les collectivités ou établissements publics concernés par ce transfert résultent de l'établissement d'un procès-verbal de mise à disposition ; que, toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas au résultat budgétaire du service transféré dont la prise en charge ne peut résulter que de la volonté des collectivités concernées ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que si par une délibération du 30 mars 2007, en préalable à l'établissement du procès-verbal de transfert, la commune requérante a prévu de procéder au transfert du solde déficitaire du compte administratif 2006 de son budget annexe " eau ", il n'est pas contesté que cette prise en charge n'a pas fait l'objet d'une délibération concordante du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois ; qu'ainsi, si le résultat budgétaire d'un budget annexe communal d'un service public industriel et commercial, soit excédentaire, soit déficitaire, peut être transféré en tout ou partie à la collectivité attributaire, ce transfert n'a pas donné lieu à un accord entre les deux collectivités ; que, par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle détiendrait une créance à l'encontre du SIAEPA correspondant à la prise en charge du déficit du compte administratif communal relatif à la gestion du service " eau " d'un montant de 29 137,68 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Motte-Ternant n'est pas fondée à demander la condamnation du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois à lui verser la somme de 29 137,68 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de La Motte-Ternant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de La Motte-Ternant une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la commune de La Motte-Ternant devant le tribunal administratif et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La commune de La Motte-Ternant versera au syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Motte-Ternant et au syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable et d'assainissement de Semur-en-Auxois.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2014.

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N° 13LY02970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02970
Date de la décision : 21/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-05-01-03 Collectivités territoriales. Coopération. Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales. Syndicats de communes.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP DU PARC CURTIL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-21;13ly02970 ?
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