Vu la requête sommaire, enregistrée le 31 mai 2013, et le mémoire ampliatif, enregistré le 11 juillet 2013, présentés pour les Hospices civils de Lyon, dont le siège social est 3, quai des Célestins à Lyon (69002) ;
Les Hospices civils de Lyon demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100773 du 26 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser une indemnité de 76 300 euros à Mme E... et une somme de 37 038,91 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en remboursement de ses débours ;
2°) de rejeter les demandes de Mme E... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que Mme E... n'avait pas donné son consentement éclairé à l'intervention pratiquée le 26 juillet 2007 et que le manquement au devoir d'information justifie la réparation intégrale de l'entier dommage invoqué, sans rechercher si ce manquement avait été à l'origine d'une perte de chance d'éviter ce risque médical ;
- les premiers juges ont considéré à tort qu'une faute avait été commise en l'absence d'indication opératoire par une équipe pluridisciplinaire alors qu'il résulte de l'expertise que la technique a été conforme aux recommandations du fabricant et aux règles de l'art, que la technique employée était adaptée en cas de dégénérescence discale et qu'une intervention chirurgicale n'a été envisagée qu'après une année de soins et en raison de leur échec, après plusieurs avis spécialisés ;
- les troubles dont Mme E... demande réparation ne trouvent pas leur origine dans les fautes reprochées à l'hôpital, alors qu'il ressort du rapport d'expertise que l'intervention s'est déroulée sans difficulté et sans réalisation d'un risque, l'expert affirmant que le dommage ne constitue pas un accident médical ; l'absence de disparition des douleurs ne relève pas d'une complication mais de la persistance des troubles que l'intervention visait à traiter et de ses conséquences psychologiques ;
- c'est à tort que les premiers juges ont évalué à 15 % le déficit fonctionnel en lien avec l'intervention litigieuse sans prendre en compte l'état antérieur de la patiente et qu'ils ont indemnisé Mme E... au titre de l'incidence professionnelle, alors que ce poste de préjudice n'est pas établi, qu'ils ont considéré qu'elle conservait une incapacité physique de 5 % imputable aux fautes retenues, alors que ce taux n'est pas imputable aux manquements relevés, comme l'ont indiqué les experts, et qu'ils ont retenu un taux de 10 % au titre des troubles psychiatriques imputables pour partie seulement à ces fautes ;
- le Tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices subis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2013, présenté pour Mme E... qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les Hospices civils de Lyon ont commis une faute dès lors qu'elle n'a pas reçu une information appropriée, au sens de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, et n'a donc pu donner un consentement libre et éclairé à l'intervention pratiquée et dès lors que ladite intervention n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux recommandations de la Haute autorité de santé ;
- l'évaluation opérée par les premiers juges est conforme aux conclusions du rapport d'expertise ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'une indemnité forfaitaire de 1 015 euros soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à bon droit que les premiers juges, après avoir constaté le défaut de consentement éclairé de Mme E... et l'absence d'indication posée par une équipe pluridisciplinaire, ont retenu l'entière responsabilité des Hospices civils de Lyon, qui ne contestent pas la créance de la caisse ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2013, présenté pour les Hospices civils de Lyon, qui maintiennent les conclusions de leur requête, par les mêmes moyens, et concluent, en outre, au rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
Ils soutiennent, en outre, que les frais d'hospitalisation pris en charge par la caisse ne trouvent pas leur origine dans une faute médicale, dès lors que l'intervention était légitime, et qu'elle n'apporte pas la preuve de l'imputabilité des indemnités journalières versées au fait reproché ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme E..., qui a été victime en octobre 2006, alors qu'elle était âgée de 21 ans, d'une chute sur le dos sur son lieu de travail, à l'origine de douleurs lombaires persistantes, a bénéficié par la suite d'un traitement symptomatique per os et de séances de kinésithérapie et subi une IRM lombaire ayant conduit au diagnostic de discopathie dégénérative L5S1 ; que lors d'une consultation à l'hôpital Pierre Wertheimer de Lyon, établissement dépendant des Hospices civils de Lyon, le diagnostic de discopathie L5-S1 avec hernie discale médiane a été posé et une arthrodèse L5-S1 par voie antérieure proposée à Mme E..., compte tenu de l'inefficacité des traitements médicamenteux ; que l'intéressée a subi dans cet établissement, le 26 juillet 2007, une intervention d'arthroplastie prothétique discale L5-S1, consistant en l'implantation d'une prothèse totale de disque inter-vertébral, dont les suites opératoires simples ont toutefois été marquées par la persistance, puis l'aggravation des douleurs lombaires ; que Mme E... a recherché la responsabilité des Hospices civils de Lyon au titre d'un défaut de consentement à ladite intervention du 26 juillet 2007 et d'une indication posée dans des conditions non-conformes aux bonnes pratiques médicales ; que les Hospices civils de Lyon font appel du jugement du 26 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser une indemnité de 76 300 euros à Mme E... et une somme de 37 038,91 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en remboursement de ses débours ;
2. Considérant qu'hors les cas d'urgence ou d'impossibilité de consentir, la réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti oblige l'établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute autre conséquence dommageable de l'intervention ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport d'expertise rédigé le 2 décembre 1989 par les experts désignés par la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Rhône-Alpes, mentionnant la lettre du 8 juin 2007 du chirurgien de l'hôpital Wertheimer adressée au médecin traitant de Mme E... et à cette dernière, que celle-ci a donné son consentement à une intervention d'arthrodèse lombo-sacrée mono-segmentaire L5-S1, avec mise en place d'une cage par voie antérieure rétro-péritonéale, et que l'hôpital Pierre Wertheimer de Lyon a pratiqué, ainsi qu'il a été dit au point 1, une intervention d'arthroplastie prothétique discale L5-S1, consistant en l'implantation d'une prothèse totale de disque inter-vertébral ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les Hospices civils de Lyon, la faute commise par les services de l'hôpital Pierre Wertheimer de Lyon, résultant de ce que, ainsi que l'ont constaté les premiers juges et qui n'est au demeurant pas sérieusement contesté, la patiente n'avait pas donné son consentement à l'intervention réalisée par le chirurgien mais à une intervention substantiellement différente, était de nature à engager la responsabilité entière de l'établissement public requérant, à raison tant du préjudice moral subi de ce fait par l'intéressée que, le cas échéant, de toute autre conséquence dommageable de l'intervention résultant des complications survenues ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise mentionné au point 3, que l'état actuel de Mme E..., peu différent de ce qu'il aurait pu être après évolution spontanée de la lombalgie, est marqué par des douleurs dont une part majoritaire est en rapport avec son état antérieur et dont l'autre part est en lien avec le mauvais résultat d'une intervention dont la réalisation a été conforme aux règles de l'art, et qui, si elle n'a eu aucun effet bénéfique et a donc été inutile, n'a entraîné aucune conséquence neurologique déficitaire identifiable, cette part des douleurs ne relevant pas d'une complication, mais de la persistance de troubles ; qu'il en résulte également, sur le plan psychiatrique, que les troubles dont souffre Mme E... trouvent en grande partie leur origine dans la conscience du caractère définitif des douleurs et pour une autre partie dans une déconvenue amoureuse ; qu'il en résulte encore qu'aucun préjudice professionnel ne peut être qualifié, eu égard à un état somatique de Mme E..., très peu différent de ce qu'il aurait pu être après évolution spontanée de la lombalgie, l'éventuelle difficulté au retour de l'intéressée à une activité professionnelle étant en relation avec son état antérieur, et non avec les manquements reprochés, alors que, sur le plan psychiatrique, la symptomatologie imputable n'est pas de nature à entraver le retour à un travail quel qu'il soit ; que, dès lors qu'il résulte ainsi des constatations des experts que l'état actuel de Mme E... provient pour partie de son état antérieur, qui n'a pas été amélioré par l'intervention litigieuse pratiquée dans les règles de l'art mais qui n'est à l'origine d'aucune complication, et pour partie de la conscience du caractère durable de ses troubles, et alors qu'eu égard à la nature de l'intervention chirurgicale à raison de laquelle Mme E... avait été hospitalisée, elle aurait nécessairement subi une période d'invalidité, un déficit fonctionnel lié à l'intervention et à ses effets d'enraidissement, ainsi qu'un préjudice esthétique résultant d'une cicatrice, équivalents à ceux résultant de l'intervention pratiquée, la faute commise par les Hospices civils de Lyon, à raison du défaut de consentement de la patiente à l'intervention chirurgicale d'arthroplastie pratiquée le 26 juillet 2007, est sans lien de causalité avec les préjudices subis par Mme E... au titre de l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances endurées, d'un préjudice esthétique, et au titre de l'incidence professionnelle ; qu'il ne peut être davantage établi l'existence d'un lien de causalité entre le non respect par l'équipe médicale de recommandations émises par la Haute autorité de santé, en avril 2007, relatives, d'une part, aux modalités de prise, par une équipe pluridisciplinaire et de manière concertée, de l'indication chirurgicale et, d'autre part, concernant la prothèse Prodisc, relatives à la nécessité d'un traitement médical, d'une indication posée par une équipe pluri-disciplinaire, après réalisation de clichés standards et d'une discographie en cas de doute après une IRM, et ces mêmes préjudices ; que le préjudice moral subi par Mme E... du fait de l'intervention pratiquée sans son consentement sera justement réparé par une indemnité de 3 000 euros ; qu'en l'absence de lien de causalité entre les fautes reprochées aux Hospices civils de Lyon et le dommage corporel dont Mme E...demande réparation, elle n'est pas fondée à solliciter la condamnation des Hospices civils de Lyon au versement d'une somme correspondant au montant des frais d'assistance lors des opérations d'expertise qu'elle a exposés ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre la faute commise par les Hospices civils de Lyon à raison du défaut de consentement de Mme E... à l'intervention pratiquée et l'état de santé de cette dernière et eu égard à la nature de l'intervention chirurgicale à raison de laquelle l'intéressée avait été hospitalisée, qui aurait nécessairement conduit à des périodes d'hospitalisation et des déficits fonctionnels dont il n'est pas allégué qu'ils auraient été d'une importance moindre que ceux subis par la requérante à la suite de l'intervention litigieuse, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône n'est pas fondée à demander le remboursement des frais d'hospitalisation, pour la période du 26 juillet au 2 août 2007, et des indemnités journalières, pour les périodes du 27 octobre 2007 au 31 décembre 2007 et du 1er octobre 2008 au 30 novembre 2008, qu'elle a exposés ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité de 76 300 euros mise à la charge des Hospices civils de Lyon par le jugement attaqué, au titre de l'indemnisation des préjudices subis par Mme E..., doit être ramenée au montant de 3 000 euros et que les Hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser une somme au titre des débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés, d'une part, par Mme E... et, d'autre part, par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, et non compris dans les dépens ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône n'est pas davantage fondée à demander la condamnation des Hospices civils de Lyon au versement d'une indemnité forfaitaire ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que, par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 26 mars 2013, les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à Mme E..., en réparation de son préjudice, est ramenée au montant de 3 000 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 26 mars 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 26 mars 2013 sont annulés.
Article 4 : Le surplus des conclusions des Hospices civils de Lyon et les conclusions des autres parties sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices civils de Lyon, à Mme A... E...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. Copie en sera adressée aux experts.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet et M.B..., présidents-assesseurs,
M. C...et MmeD..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2014.
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N° 13LY01407