Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Coriance a demandé l'annulation du contrat de délégation du service public d'exploitation du réseau de chauffage urbain passé entre la commune d'Evreux et la société Dalkia France le 29 juillet 2010.
Par un jugement n° 1003198 du 9 juillet 2013, le tribunal administratif de Rouen a annulé ce contrat avec un effet différé d'un an à compter de la notification du jugement à la commune d'Evreux.
Par un arrêt n° 13DA01724 du 30 septembre 2014, la cour a rejeté la requête de la société Dalkia France et de la société Thermevra tendant à obtenir le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés, le 6 septembre 2013 et le 8 décembre 2014, la commune d'Evreux, représentée par Me B...et par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la requête de la société Coriance ;
3°) de mettre à la charge de la société Coriance une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Domingo, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune d'Evreux et de Me D..., représentant la société Coriance.
Une note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2015, a été produite pour la commune d'Evreux.
Sur l'exception de non-lieu soulevée par la société Coriance :
1. Considérant que l'annulation, par le jugement du tribunal administratif de Rouen du 9 juillet 2013, du contrat de délégation du service public d'exploitation du réseau de chauffage urbain passé entre la commune d'Evreux et la société Dalkia France le 29 juillet 2010 ne rend pas sans objet les conclusions de la requête de la commune d'Evreux ; qu'il suit de là que l'exception de non-lieu à statuer opposée par la société Coriance doit être écartée ;
Sur la recevabilité de l'intervention de la société Thermevra :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct " ; que l'intervention de la société Thermevra a été présentée non par mémoire distinct mais dans le mémoire de la société Dalkia appelée à la cause par le greffe de la cour ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que le premier alinéa de l'article R. 711-3 du même code dispose que " (...) le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;
4. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; que par ailleurs, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; que la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ;
5. Considérant que le rapporteur public a mis en ligne le 21 juin 2013 à 16h30, de façon suffisamment précise, le sens synthétique des conclusions qu'il a prononcées à l'audience du 25 juin mettant ainsi les parties en mesure de les connaître avant l'audience ; que l'indication des moyens qu'il se propose de retenir pour justifier la solution qu'il propose à la formation de jugement n'est pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne quatre jours avant l'audience était trop imprécis et ne répondait pas aux exigences de l'article R. 711-3 du code précité ne peut être accueilli ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat de délégation de service public :
6 .Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat.(...) " et qu'aux termes de l'article R. 1411-1 dudit code : " L'autorité responsable de la personne publique délégante doit satisfaire à l'exigence de publicité prévue à l'article L. 1411-1 par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné. / Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication.(...) " ;
7. Considérant que l'avis d'appel à la concurrence publié par la commune d'Evreux les 15 décembre 2009, 16 décembre 2009 et 17 décembre 2009, respectivement au Journal Officiel de l'Union Européenne, à la revue Energie Plus et au Bulletin officiel des annonces de marchés publics, fixait la date limite de dépôt des candidatures au 15 mars 2010 soit dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que trois candidats ont retiré le dossier de consultation ; que le 1er mars 2010, la commune d'Evreux a informé ces derniers que les offres devaient prendre en compte l'existence d'un capital restant dû concernant des travaux de mise en sécurité d'une partie du réseau de chaleur pour un montant de 699 285,28 euros ; qu'à la suite de cette information, la collectivité publique a également publié le 10 mars 2010 un avis rectificatif et repoussé le délai de remise des candidatures au 2 avril 2010 ; que cet avis rectificatif n'a pas eu pour effet d'affecter les caractéristiques essentielles du contrat de délégation de service public de telle sorte qu'un nouveau délai d'un mois aurait dû être imparti pour le dépôt des candidatures ; qu'il n'est pas non plus établi que cette rectification aurait dissuadé d'autres candidats de se manifester auprès de la commune d'Evreux laquelle, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, n'a pas manqué aux obligations de publicité, ni méconnu le principe d'égalité entre les candidats ;
8. Considérant, en second lieu, que la personne responsable de la passation d'un contrat de délégation de service public peut apporter, au cours de la consultation engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, des adaptations à l'objet du contrat qu'elle envisage de conclure au terme de la négociation lorsque ces adaptations sont d'une portée limitée, justifiées par l'intérêt du service et qu'elles ne présentent pas, entre les entreprises concurrentes, un caractère discriminatoire ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si le projet de contrat signé avec la société Dalkia France prévoyait l'instauration dans neuf hypothèses d'un plafonnement des pénalités à concurrence de 10 % du montant de la redevance que l'article 68.11 du projet soumis à négociation ne mentionnait pas, cette modification, qui concerne une clause dont l'application est par nature hypothétique et au demeurant facultative pour le délégant et qui n'a pas pour effet de porter atteinte à l'objet même du contrat ou de limiter de manière substantielle les engagements financiers du délégataire, ne peut être regardée comme excédant les facultés de négociation dont peuvent se prévaloir les parties dans le cadre d'une procédure de délégation de service public ; que la révision des tarifs instituée par l'article 64 du contrat précité lorsque le cumul des besoins en chaleur des abonnés au réseau augmente de plus de 5 % ou diminue de plus de 10 % ne peut être davantage regardée comme une modification substantielle de l'économie du contrat, cette clause étant en outre courante dans les contrats de cette nature ainsi que le démontre la proposition de révision que la société Coriance avait elle-même formulée à l'occasion des négociations ; que si l'article 70 du contrat signé avec la société Dalkia France prévoyait également qu'en cas de déchéance du délégataire, le délégant lui rembourserait le montant correspondant à la seule valeur non amortie des investissements réalisés par le délégataire au titre des biens de retour, cet ajout, qui ne méconnaissait pas les principes définis en matière d'indemnisation des biens de retour même en cas de résiliation du contrat et qui fait partie de la marge de négociation qui doit être laissée aux parties, ne constitue pas une irrégularité de nature à porter atteinte à la substance du contrat de délégation de service public ; qu'enfin, le taux de pénalité de cinq pour mille du montant prévisionnel des travaux prévu par l'article 68.1 du contrat en cas de retard dans la mise en oeuvre du service public était conforme à ce qui était prévu dans le projet de contrat soumis à négociation, le taux de 5 % mentionné dans ce document relevant d'une simple erreur matérielle ainsi que la commune d'Evreux l'avait indiqué aux candidats notamment à la société Coriance dans une correspondance du 12 mai 2010 ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a estimé que les adaptations précitées excédaient la portée limitée des modifications admises dans le cadre d'une négociation d'une délégation de service public et que le principe d'égalité entre les candidats aurait été méconnu ;
10. Mais considérant qu'il résulte des documents de consultation notamment du règlement de consultation et de l'article 17 du projet de contrat que les sources d'énergie envisagées pour assurer le service public du réseau de chaleur de la commune d'Evreux étaient constituées jusqu'au 31 octobre 2012 par le gaz, le fioul lourd et la chaleur provenant de l'exploitation de la centrale de cogénération et, à partir du 1er novembre 2012, par le gaz, le fioul lourd, la chaleur provenant du site ecoval et, enfin, celle provenant de la centrale de cogénération dont les installations devaient être remises par la commune au délégataire à l'expiration de la convention la liant à la société Cogestar, filiale de la société Dalkia France, qui assurait alors son exploitation ; que toutefois, l'article 15 du contrat conclu avec la société Dalkia France stipulait qu'à compter du 1er novembre 2012 et pour une période limitée au 31 décembre 2012, la société précitée s'engageait à exploiter et ensuite à racheter l'unité de cogénération pour un montant minimum de 1 200 000 euros HT alors que l'article 17 ne prévoyait plus, après cette date, de source de chaleur provenant de l'unité de cogénération mais de la biomasse provenant d'une chaufferie à construire ; que l'abandon de l'exploitation de l'usine de cogénération qui faisait partie intégrante des différentes sources de production de chaleur envisagées par la délégation de service public a ainsi modifié l'objet même du contrat ; que cette modification ne peut être regardée comme ayant une portée limitée dès lors que l'exploitation d'une usine de cogénération, dont la part dans la production de chaleur avait au demeurant été estimée par les deux autres candidats, à 21 % et 30 %, constituait un élément essentiel de la structure de la délégation de service public et que la perspective d'avoir à assumer l'exploitation d'une telle installation a pu dissuader d'autres candidatures ; qu'enfin, la commune d'Evreux, alors même qu'elle avait indiqué dans le dossier de consultation qu'elle souhaitait développer des sources d'énergie alternatives comme la biomasse, n'établit pas qu'elle avait informé les candidats de la faculté d'abandonner l'exploitation de l'usine précitée en proposant le rachat des installations dont il était initialement prévu, contrairement à ce qu'elle soutient, le maintien en service au-delà de la date du 31 octobre 2012 ; que, c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont estimé que les modifications affectant l'objet du contrat portaient atteinte à son économie de manière substantielle et excédaient ainsi les possibilités d'adaptation reconnues à la personne publique dans le cadre de la négociation d'une délégation de service public ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Evreux n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé le contrat de délégation de service public signé avec la société Dalkia France le 29 juillet 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d'Evreux et la société Dalkia doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Evreux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Coriance et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Thermevra n'est pas admise.
Article 2 : La requête de la commune d'Evreux et les conclusions de la société Dalkia tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La commune d'Evreux versera à la société Coriance une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Evreux, à la société Coriance, à la société Dalkia et à la société Thermevra.
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N°13DA01518