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09/12/2015 | FRANCE | N°13BX02978

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 09 décembre 2015, 13BX02978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner le département de Mayotte à lui verser une somme de 535 620,08 euros en paiement de prestations effectuées et non prises en compte dans le décompte général du marché de travaux portant sur la construction d'un nouveau terminal à conteneurs sur le port de Longoni, de porter le décompte général de 79 078 305,54 euros à la somme de 102 924 270,91 euros, et en conséquence, le solde restant dû au titre de ce marché à la somme

de 23 845 965,37, assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt légal augme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner le département de Mayotte à lui verser une somme de 535 620,08 euros en paiement de prestations effectuées et non prises en compte dans le décompte général du marché de travaux portant sur la construction d'un nouveau terminal à conteneurs sur le port de Longoni, de porter le décompte général de 79 078 305,54 euros à la somme de 102 924 270,91 euros, et en conséquence, le solde restant dû au titre de ce marché à la somme de 23 845 965,37, assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt légal augmenté de deux points en application de l'article 3.2.5 du cahier des clauses administratives particulières à compter du 17 septembre 2009, ainsi que la capitalisation des intérêts à compter du 17 septembre 2010.

Par un jugement n° 1000205 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Mayotte a condamné le département de Mayotte à verser à la société Colas une somme de 535 620,08 euros en paiement de prestations effectuées et non prises en compte dans le décompte général du marché de travaux, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception du mémoire en réclamation du 17 septembre 2009, et capitalisés à compter du 17 septembre 2010 et a rejeté le surplus de la requête de la société Colas.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2013, et un mémoire enregistré le 17 décembre 2014, la société Colas, représentée par le Cabinet Uggc Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2013 du tribunal administratif de Mayotte en tant qu'il a rejeté le surplus de sa requête ;

2°) d'arrêter le décompte général à la somme de 102 924 270,91 euros, et en conséquence, le solde restant dû au titre de ce marché à la somme de 23 845 965,37 euros assortie des intérêts moratoires au taux d'intérêt légal augmenté de deux points en application de l'article 3.2.5 du cahier des clauses administratives particulières à compter du 17 septembre 2009, ainsi que la capitalisation des intérêts à compter du 17 septembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge du département de Mayotte la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 90-277 du 28 mars 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Colas, et de MeA...,

représentant le département de Mayotte.

Une note en délibéré présentée pour le département de Mayotte, a été enregistrée le 30 octobre 2015.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché notifié le 29 mars 2004, la collectivité départementale de Mayotte a confié la construction du terminal à conteneurs du port de Longoni au groupement solidaire constitué par les sociétés Colas, SMEC et GTOI, pour un montant de 43 072 758,50 euros.

Des études complémentaires sur la consistance du sous-sol ont conduit à la modification du marché par un avenant n° 2 conclu le 4 septembre 2006 et portant le montant du marché à 55 981 900,50 euros.

La réception de l'ensemble des travaux a été prononcée le 24 avril 2009 avec effet au 12 mars 2009.

2. Le projet de décompte final établi par le groupement le 5 juin 2009 s'élevait à 103 003 505,66 euros, y compris la révision des prix ; le décompte général notifié en retour par le maître de l'ouvrage a été abaissé à 79 078 305,54 euros.

Par mémoire du 17 septembre 2009, le groupement a contesté le décompte général et a demandé le paiement de 15 104 801,55 euros avant révision, ainsi que la décharge des pénalités de retard qui lui ont été infligées pour un montant de 399 096,98 euros.

Le silence gardé pendant plus de trois mois par le maître d'ouvrage a fait naître le 17 décembre 2009 une décision implicite de rejet de cette réclamation.

3. La société Colas demande à la cour d'annuler le jugement du 18 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a condamné le département de Mayotte à lui verser une somme de 535 620,08 euros en paiement de prestations effectuées et non prises en compte dans le décompte général du marché .

4. Par la voie de l'appel incident, le département de Mayotte conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à payer à la société Colas la somme de 535 620,08 euros.

Sur la régularité du jugement :

5. La communication aux parties du sens de ses conclusions par le rapporteur public, prévue par le point 3 de l'article R. 711-3 du code de justice administrative a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique et de préparer les observations orales qu'elles entendraient le cas échéant présenter après ces conclusions. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent, à peine d'irrégularité du jugement, être mis en mesure de connaître, avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter. Si, compte tenu des objectifs mentionnés au point 6 de l'article R. 711-3, il appartient au rapporteur public de préciser les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité.

6. En l'espèce le rapporteur public du tribunal administratif de Mamoudzou a répondu à la demande de la société Colas de connaître le sens de ses conclusions en lui retournant sa demande, annotée de la mention " satisfaction partielle ", ce qui ne permettait pas à cette dernière de connaître l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer à la formation de jugement.

7. Le jugement du tribunal administratif de Mamoudzou est ainsi intervenu au terme d'une procédure irrégulière, et doit par suite être annulé.

8. Il y a lieu en conséquence pour la cour d'évoquer et de statuer sur l'ensemble des conclusions présentées par la société Colas et le département de Mayotte.

Sur la forme du décompte général :

9. Si l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales prévoit que " le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) ", l'absence d'un tel ordre de service n'a d'effet que sur le caractère définitif du décompte et n'est pas de nature à rendre inopposable à la société requérante le décompte général en litige ou à le faire regarder comme inexistant.

Sur les prix appliqués :

10. De nombreux travaux à la charge de la société Colas sont rémunérés par le marché selon des prix unitaires figurant dans le bordereau des prix unitaires annexé au marché et à qui l'article 3-11 du cahier des clauses administratives générales confère une valeur contractuelle.

11. Dans le cadre de l'avenant n° 2 conclu pour tenir compte de l'évolution des conditions de réalisation du marché, de nouveaux prix unitaires, également annexés au marché, ont été arrêtés.

12. La société Colas conteste d'une part l'application des prix nouveaux 301a et 1001a au lieu des prix unitaires 349b et 1001 rémunérant respectivement les travaux de rechargement du talus de dragage et la réalisation de la couche de fondation du terre-plein, et d'autre part la non application des prix nouveaux 503i et 419e rémunérant respectivement les travaux de réalisation des chapiteaux de tête de pieu et de recépage des pieux, pour tenir compte de conditions de réalisation de ces travaux différentes de celles fixées par les prix unitaires initialement prévus.

13. La société Colas soutient en premier lieu que les précisions apportées par le libellé du prix unitaire sur les modalités de réalisation des travaux relèvent des sous détails du prix, qui seraient dépourvus de valeur contractuelle en l'absence d'être expressément inclus par le marché dans les pièces à valeur contractuelle.

14. L'article 10.33 du cahier des clauses administratives générales définit le sous-détail d'un prix unitaire comme donnant le contenu du prix en indiquant les déboursés ou frais directs, les frais généraux, impôts et taxes, et la marge pour risques et bénéfices. Conformément à l'article 3.11, si elles sont mentionnées comme pièces contractuelles, les décompositions de prix forfaitaires et les sous-détails de prix unitaires font partie des pièces constitutives du marché.

La description par le prix unitaire des modalités d'exécution des travaux qu'il rémunère ne relève donc pas du sous détail de prix unitaire, et ainsi sa valeur contractuelle ne dépend pas d'une mention expresse du marché, mais de la présence de cette description dans le bordereau des prix unitaires.

En l'espèce, tant le cahier des clauses administratives particulières que l'avenant n°2 ont expressément prévu que le bordereau des prix unitaires faisait partie des pièces constitutives du marché. Dès lors qu'elle figure dans ce bordereau, les modalités de réalisation des travaux qui y sont décrites ont une valeur contractuelle et leur respect s'impose à l'entreprise.

Le moyen tiré de l'absence de valeur contractuelle des conditions de réalisation des prestations rémunérées par un prix unitaire doit par suite être écarté.

15. La société Colas soutient en deuxième lieu que le recours à des prix unitaires nouveaux serait contraire à l'article 14 du cahier des clauses administratives générales Travaux, dès lors que les travaux concernés, qui n'ont pas fait l'objet d'un ordre de service, ne constitueraient pas des travaux nouveaux ou modificatifs.

La modification dans les conditions d'exécution d'une prestation ne saurait être regardée comme donnant naissance à des travaux nouveaux ou modificatifs, nécessitant un ordre de service, mais comme la réalisation de travaux déjà décidés par un ordre de service, pour lesquels le marché n'a pas prévu de prix correspondant aux conditions effectives de réalisation.

L'application des prix nouveaux résulte ainsi de la constatation par le maître de l'ouvrage des conditions réelles de réalisation d'une prestation ; il appartient alors à l'entreprise d'établir que la réalisation de la prestation est intervenue dans des conditions équivalentes à celles décrites par l'ancien prix, sans que cette obligation ne constitue un renversement illicite de la charge de la preuve.

Le moyen tiré de l'extension excessive de l'article 14 du cahier des clauses administratives générales doit par suite être écarté.

16. La société Colas soutient en troisième lieu que le recours à des prix nouveaux en l'absence de modification de l'objet des prestations serait contraire au caractère définitif du prix du marché.

Il ressort toutefois des pièces du marché que l'émission d'un prix nouveau correspond à une modification dans les conditions de réalisation de la prestation, qui, sans constituer une nouvelle prestation qui nécessiterait un ordre de service, rend inapplicable le prix unitaire initial, correspondant à des modalités d'exécution différentes.

Ces prix nouveaux rémunèrent des prestations prévues au marché mais selon des modalités que le marché initial n'avait pas prévu.

Le moyen tiré du caractère définitif du prix du marché doit par suite être écarté.

17. La société Colas soutient en quatrième lieu que l'évolution dans les conditions de réalisation de la prestation relève des aléas inhérents aux travaux, que l'entreprise doit supporter ou dont elle peut profiter. Toutefois dès lors que les modalités de réalisation de la prestation font partie intégrante du prix unitaire et ont ainsi une valeur contractuelle, leur modification ne saurait être regardée comme un aléa du chantier, lequel ne concerne que les difficultés rencontrées par l'entreprise dans la mise en oeuvre du procédé effectivement retenu.

Le moyen tiré du caractère forfaitaire du prix unitaire doit par suite être écarté.

En ce qui concerne l'application du prix 301 :

18. Le prix n° 301 a été appliqué par le maître d'oeuvre à la place du prix 349b prévu initialement pour la réalisation du rechargement du talus de dragage, afin de tenir compte des modifications d'une part de la pente de ce talus dans un secteur bien déterminé, d'autre part des conditions de pose du matériau de remblai, réalisée par la société Colas non par dépose à la benne preneuse, comme initialement prévu par le prix 349b, mais par poussée, procédé plus rapide et moins onéreux. Cette modification dans les conditions d'exécution de la prestation de rechargement ne saurait être regardée comme ayant donné naissance à une prestation nouvelle qui aurait exigé un ordre de service

Si la société Colas fait valoir avoir néanmoins utilisé une benne preneuse, il ne ressort pas de l'instruction que cette utilisation aurait concerné les mêmes matériaux ou le même secteur que celui visé par le prix n°301a.

Le moyen tiré de l'illégalité du refus du maître d'ouvrage d'appliquer le prix 349b doit par suite être écarté.

En ce qui concerne l'application du prix 1001a :

19. Le prix provisoire 1001a a été appliqué par le maître d'ouvrage à la place du prix n° 1001 rémunérant la réalisation d'une couche de fondation, pour tenir compte du recours à des produits de dragage présents sur place, à la place du matériau de carrière, apporté par camions depuis la carrière de Koungou, prévu par le prix n° 1001.

La description du prix 1001 fixant l'origine et les caractéristiques des matériaux, la société Colas n'est pas fondée à soutenir que l'article 21 du cahier des clauses administratives générales lui aurait permis de disposer du libre choix des matériaux, et que par suite la modification de l'origine et de la nature du matériau utilisé aurait été sans influence sur le prix applicable.

20. Si le nouveau matériau a fait l'objet d'essais que le maître d'ouvrage a regardé comme concluants, ces essais, intervenus dans le cadre de l'article 24 du cahier des clauses administratives générales, ne constituent pas l'autorisation prévue par l'article 21 du cahier des clauses administratives générales : par suite le moyen tiré de l'absence d'indication à cette occasion du nouveau prix doit être écarté.

En ce qui concerne la non application du prix 503i :

21. Le prix nouveau 503i a été convenu entre les parties à la suite de l'avenant n° 2 pour rémunérer le coulage des chapiteaux de têtes de pieux sous le niveau de la mer, en cas d'insuffisance du marnage. Compte tenu de l'augmentation ultérieure de la hauteur d'implantation de ces chapiteaux, leur réalisation ne nécessitait plus de recourir à des travaux sous-marins, autrement que pour des raisons d'organisation du chantier propres à la société Colas.

Si la société requérante soutient que le prix 503i aurait été applicable du seul fait d'interventions subaquatiques effectives pour la réalisation de certains chapiteaux, il n'est pas établi par les pièces du dossier que ces interventions auraient été rendues nécessaires par l'insuffisance du marnage. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'organiser un expertise sur ce point, le moyen tiré de la réalisation effective en subaquatique d'un certain nombre de chapiteaux doit être écarté.

En ce qui concerne la non-application du prix 419e :

22. A la suite de l'avenant n° 2, deux prix 419d et 419e ont été ajoutés au bordereau des prix unitaires pour rémunérer le recépage des pieux, respectivement hors de l'eau et sous l'eau.

Si la société Colas soutient que le recépage des pieux de la file A s'est effectué sous le niveau de la mer, justifiant ainsi l'application du prix 419e, le maître d'ouvrage établit que ces pieux émergeaient régulièrement, et que leur recépage pouvait donc se faire hors d'eau.

La société Colas n'établit pas que l'insuffisance du marnage ou de la durée de l'étale de basse mer auraient constitué des impératifs techniques qu'elle n'aurait pu pallier par des mesures d'organisation de son chantier. La nécessité d'interventions subaquatiques pour respecter les délais relève de la seule responsabilité de la société.

Le moyen tiré de la réalisation effective d'opérations de découpe sous-marine des pieux doit par suite être écarté.

Sur les quantités retenues pour le règlement du marché :

En ce qui concerne le nombre d'entures de pieux réalisées :

23. La société Colas conteste le chiffre de 262 entures retenu par le décompte général sur la base de la longueur théorique des tubes à assembler, et réclame la prise en compte des 292 entures retracées par les fiches de battage.

24. Aux termes des stipulations de l'article 3.16.2.2 du cahier des clauses techniques particulières, les entures dues à une mauvaise appréciation par l'entreprise restent à sa charge. Le prix 418, qui rémunère la réalisation à l'unité d'une enture, précise dans son intitulé qu'il ne s'applique pas dans le cas d'une mésestimation par l'entreprise de la longueur du pieu à mettre en oeuvre pour obtenir la portance requise en raison d'une insuffisance de la reconnaissance géotechnique préalable réalisée par l'entreprise, et que la réalisation de chaque enture doit être justifiée. Ce prix exige seulement la justification de la réalité de l'enture effectuée, et ne peut être écarté que dans le cas d'une mésestimation par l'entreprise de la longueur du pieu à mettre en oeuvre.

25. La société Colas justifie l'augmentation du nombre d'entures par l'enfoncement imprévisible des pieux dans le sol, rendant nécessaire le recours à des chutes de tube pour procéder à leur allongement au fur et à mesure du fonçage.

Les entures nécessitées par l'enfoncement imprévisible du pieu révèlent l'insuffisance de la reconnaissance géotechnique à la charge de l'entreprise.

Ainsi la société requérante n'est pas fondée à demander le règlement de trente entures supplémentaires pour un montant de 44 220 euros.

En ce qui concerne les entures de jupes :

26. La société Colas a présenté au maître de l'ouvrage une demande de rémunération de 192 unités au titre du prix 418b et de 297 unités au titre du prix 418c , correspondant à la réalisation de renforts de pied de tubes, que les difficultés du fonçage auraient rendu nécessaires. Le maître de l'ouvrage n'en a accepté respectivement que 105 et 157.

Il ressort des pièces du dossier que la déformation des pieds de tube résulte des efforts excessifs imposés par le battage dans un substrat dont l'entreprise, qui avait en charge la reconnaissance géotechnique des sols, avait sous-estimé la dureté et l'hétérogénéité. Ainsi, les adaptations rendues nécessaires par l'insuffisance de la reconnaissance géotechnique à la charge de l'entreprise doivent être regardées comme des dépenses résultant de l'exécution des travaux et laissés à la charge de la société Colas.

Par suite la société Colas n'est pas fondée à demander le paiement des soudures et des tubes métalliques utilisés pour la réalisation des entures de jupes.

En ce qui concerne les linéaires de pieux battus :

27. L'avenant n°2 a créé un prix nouveau 422 regroupant les opérations de fonçage, battage, vidage et ancrage des pieux.

28. En l'absence de définition par les pièces du marché des modalités de détermination du linéaire de pieux battus, le maître d'ouvrage a retenu les mètres linéaires battus du début du battage jusqu'à la cote de recépage, pour 2450,02 mètres linéaires. La société requérante les a établi sur la base des fiches de battage des pieux, et demande le paiement de la longueur ainsi établie contradictoirement avec le maître d'oeuvre, soit un total de 2482,86 mètres.

29. Il ressort des pièces du dossier que les fiches de battage étaient affectées d'erreur ponctuelles à l'égard desquelles des réserves avaient été émises par le maître d'oeuvre. Par suite, et eu égard à la faiblesse de l'écart entre les résultats obtenus par chaque méthode, la méthode de décompte du département n'apparaît pas d'une précision inférieure à celle résultant de l'exploitation des fiches de battage.

30. Dans ces conditions, la société Colas n'est pas fondée à demander l'application du prix 422 aux quantités supplémentaires qu'elle invoque.

Sur le paiement des sondages pressiométriques :

31. Si la société Colas demande le paiement de sondages pressiométriques par application du prix 132, le département fait valoir sans être contredit que ces prestations ont été payés par application du prix 354. Dans ces conditions, les conclusions à fin de paiement de sondages pressiométriques doivent être rejetées.

Sur les pénalités de retard :

Sur la régularité en la forme des pénalités de retard :

32. La circonstance que le décompte général contesté n'ait pas été signé par la personne responsable du marché en méconnaissance de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales travaux ne rend pas les pénalités de retard inopposables, et ne permet pas à la société Colas de prétendre pour ce motif à la décharge de ces pénalités.

33. Il résulte des dispositions de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux en cause qu'en cas de retard dans l'exécution des travaux, il est appliqué, une pénalité journalière de 1/3000ème du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée, encourue du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre.

Sauf stipulation contractuelle contraire, les pénalités de retard sont ainsi dues de plein droit dès constatation par le maître d'oeuvre du dépassement des délais d'exécution, sans qu'une mise en demeure préalable de l'entreprise retardataire soit nécessaire.

En l'espèce, l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché relatif aux pénalités de retard ne prévoit de mise en demeure préalable que pour un nombre limité de prestations dans le champ desquelles n'entrent pas les pénalités en litige ; par suite, la société Colas n'est pas fondée à soutenir que les pénalités de retard infligées par le département de Mayotte seraient irrégulières, faute de mise en demeure préalable ;

Sur le décompte des jours de grève :

34. Par courrier du 16 mai 2007, le maître d'oeuvre a accédé à la demande de la société Colas de fixer à dix jours la prolongation du délai d'exécution du marché au titre des mouvements sociaux antérieurs.

La demande de prolongation de délai au titre des mouvements sociaux survenus entre le 29 octobre et le 5 novembre 2008, et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été formulée préalablement auprès du maître d'oeuvre, n'établit pas que ces mouvements auraient entraîné une interruption du chantier supplémentaire.

La société Colas n'est par suite pas fondé à demander une prolongation supplémentaire des délais d'exécution du marché litigieux au titre des perturbations causées par les mouvements sociaux.

S'agissant de la mise à disposition d'un caisson hyperbare :

35. Aucune disposition du marché ne met cette prestation à la charge du maître de l'ouvrage, l'article 10.11 du cahier des clauses administratives générales travaux prévoyant que, " sauf stipulation différente du cahier des clauses administratives particulières, les prix sont réputés avoir été établis en considérant qu'aucune prestation n'est à fournir par le maître de l'ouvrage ".

Le groupement ayant indiqué dans son offre que le prix ne comprenait pas la mise à disposition d'un caisson hyperbare, le maître d'ouvrage, qui a seulement accepté de payer le coût de cette mise à disposition, ne saurait dans ces conditions être responsable de la mise à disposition tardive de ce caisson, ni du retard avec lequel celui de l'administration est entré en service.

Dans ces conditions, le groupement n'est pas fondé à soutenir que le retard résultant de la mise à disposition tardive d'un caisson hyperbare devrait être déduit du montant des pénalités mises à sa charge.

S'agissant des retards dans l'acheminement de certains matériels :

36. L'article du cahier des clauses administratives particulières met à la charge de l'entreprise le transport et la mise à disposition de tous les matériels nécessaires à l'exécution de ses prestations.

La société Colas ne saurait par suite être exonérée des pénalités de retard mis à sa charge à ce titre qu'en établissant l'existence de la force majeure.

L'avarie du navire chargé de livrer un vibrofonceur, à l'origine d'un retard de vingt huit jours dans l'exécution du chantier, et la suppression des lignes maritimes régulières à destination de Mayotte, à l'origine d'un retard de vingt cinq jours de retard dans l'acheminement de matériels de soudure constituent des défaillances des fournisseurs de la société Colas et ne sauraient ainsi être regardées comme des évènements de force majeure de nature à exonérer la société Colas de l'exécution de ses obligations contractuelles.

Le moyen tiré de l'existence d'un cas de force majeure doit par suite être écarté.

S'agissant des retards causés par l'augmentation de la longueur des pieux à battre :

37. Il résulte de l'instruction que la modification par le maître d'ouvrage des critères de battage résulte des difficultés rencontrées pour leur fonçage, lesquelles résultent d'une méconnaissance des caractéristiques réelles du sous-sol que, malgré l'intervention de l'avenant n°2, la société Colas, à qui incombait les études géotechniques préalables, n'avait pas été en mesure de lever entièrement.

L'augmentation des délais de battage, qui trouve son origine dans l'augmentation de la longueur des pieux à battre, nécessaire pour parvenir à des couches du sous-sol suffisamment résistantes, ne peut dans ces conditions être regardée comme présentant pour la société Colas un caractère d'imprévisibilité justifiant l'augmentation du délai d'exécution du marché.

S'agissant des intempéries :

38. Le maître d'ouvrage a retenu trente et un jour et demi d'intempéries au-delà des quarante jours prévus au marché, qui ont donné lieu à une prolongation à due concurrence du délai d'exécution du marché.

L'article 19.22 alinéa 1er du cahier des clauses administratives générales prévoit que la durée pendant laquelle les délais d'exécution des travaux sont prolongés est égale au nombre de journées réellement constaté au cours desquelles le travail a été arrêté, sans qu'il y ait lieu sur ce point de distinguer selon qu'il s'agit de jours calendaires ou de jours ouvrables.

Par suite, le moyen tiré de l'article 5.2 du cahier des clauses administratives générales selon lequel le délai s'entendrait en jours calendaires doit être écarté.

39. Les conclusions de la société Colas tendant à la décharge des pénalités de retard qui lui ont été appliquées doivent par suite être rejetées.

Sur les surcoûts exposés par la société Colas :

S'agissant de la prolongation de l'immobilisation des moyens du chantier :

40. La prolongation de l'immobilisation des moyens du chantier a donné lieu à l'établissement d'un prix nouveau 101b rémunérant l'allongement du chantier d'une durée de onze mois et demi.

Si la société Colas réclame à être indemnisée d'une durée supplémentaire de cinq mois, il ressort de l'instruction d'une part que son incapacité à parvenir à une évaluation suffisamment précise de la consistance du substrat et les retards pris par les chantiers béton sont pour l'essentiel à l'origine de ces retards, et d'autre part que le maintien des installations de chantier nécessaire à la réalisation des travaux résultant des changements imposés par le maître d'oeuvre , n'aurait pas été rémunéré par le paiement des prestations supplémentaires .

Le retard de la réalisation de l'atelier de palplanche résulte de la modification du phasage des travaux par l'entreprise : ses conséquences sur l'immobilisation du vibrofonceur ne sauraient par suite donner lieu à indemnisation par le maître d'ouvrage.

41. Les retards dus aux mouvements sociaux, à la mise en place tardive du caisson hyperbare, ou à la remise tardive du rapport du planning d'exécution, n'étant pas imputables au maître d'ouvrage, doivent également être écartés.

42. Par suite la société Colas n'est pas fondée à demander l'indemnisation de la prolongation de l'immobilisation de ses installations de chantier et de ses équipes d'encadrement.

S'agissant de l'augmentation des moyens mis en oeuvre :

43. L'augmentation des moyens mis en oeuvre a été décidée par la société Colas, confrontée à un allongement des délais d'exécution résultant de son incapacité à définir à temps les caractéristiques du sous-sol.

La location d'un atelier nautique de battage, le maintien du vibrofonçeur et d'un marteau supplémentaire ont été rendus nécessaires par le retard pris par le chantier béton, qui est à l'origine du retard dans la réalisation des éléments préfabriqués du quai, à la charge de l'entreprise.

Ces circonstances ne sauraient par suite engager la responsabilité du maître d'ouvrage.

S'agissant de la perte de rendement :

44. La perte de rendement résulte de la modification des critères de battage entrainée par les incertitudes sur la consistance du sous-sol, qu'il appartenait à l'entreprise de déterminer, et ne saurait par suite ouvrir droit à rémunération de la part du maître d'ouvrage.

45. Il résulte de tout ce qui précède que la société Colas n'est pas fondée à demander que le solde du marché lui restant dû soit porté à 23 845 935,37 euros. Les conclusions tendant au bénéfice de la clause de révision de prix prévue par l'article 3.3 du cahier des clauses administratives particulières et à l'attribution d'intérêts de retard au taux légal majoré de deux points et assortis de leur capitalisation doivent par suite être également écartées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

46. Le département de Mayotte n'étant pas dans la présente instance la partie qui succombe, les conclusions de la société Colas tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Colas à verser au département de Mayotte la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1000205 du tribunal administratif de Mayotte du 18 juin 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de la Société Colas devant le tribunal administratif de Mayotte est rejetée.

Article 3 : La société Colas versera au département de Mayotte la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13BX02978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02978
Date de la décision : 09/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET UGGC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-12-09;13bx02978 ?
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