LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 avril 2013), qu'à la suite d'un différend entre les sociétés Suez, aux droits de laquelle vient la société GDF Suez, et Soper toutes deux actionnaires, à concurrence de 56, 8 % pour la première et 43, 2 % pour la seconde, de la société La Compagnie du vent (la société LCV), un projet d'accord de partenariat avec les sociétés Areva et Vinci n'a pu être adopté par celles-ci lors de l'assemblée générale de la société LCV du 1er juillet 2011 ; que, par ordonnance du 13 juillet 2011, le président du tribunal de commerce a, après avoir admis l'abus de minorité commis par la société Soper, désigné la société X..., société d'administrateurs judiciaires, en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter celle-ci et de voter en son nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social de la société LCV « sans porter atteinte à ses intérêts légitimes » d'actionnaire minoritaire ; qu'après l'exécution de la mission, le président du tribunal de grande instance, par ordonnance du 13 février 2012, a fait droit à la requête de la société Soper tendant à la désignation d'un huissier de justice aux fins d'obtenir la communication de tous les documents échangés entre les sociétés X... et LCV ; que cette ordonnance a été rétractée le 10 avril 2012 ;
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du 10 avril 2012 et de confirmer celle du 13 février 2012 alors, selon le moyen :
1°/ qu'une mesure d'instruction in futurum n'est pas légalement admissible si elle porte atteinte au secret professionnel réglementant la profession d'administrateur judiciaire, auquel ce dernier est astreint de manière indivisible, dans le cadre de tous les mandats et missions qui lui sont judiciairement confiés, y compris en tant que mandataire ad hoc ; qu'en affirmant cependant, pour accueillir la demande de mesure d'instruction in futurum de la société Soper, que la société X... ne pouvait opposer le secret professionnel à la société Soper tiré de son statut de « mandataire judiciaire », en réalité administrateur judiciaire, pour dénier toute obligation de lui rendre des comptes dès lors que la mission confiée ne relevait pas de l'administration d'une société ou d'une procédure collective, limitant ainsi le secret professionnel à certaines missions de l'administrateur judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, R. 814-3 et L. 811-11 du code de commerce ;
2°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'une demande de mesure d'instruction ne peut être accueillie lorsque la prétention ultérieure au fond est manifestement vouée à l'échec ; qu'en affirmant que la société Soper disposait d'un motif légitime pour obtenir la mesure d'instruction sollicitée car elle avait été tenue dans l'ignorance des conditions et circonstances ayant amené la société X... à exprimer un vote positif à une délibération à laquelle la société Soper était opposée, sans rechercher si une faute génératrice de responsabilité du mandataire ad hoc était exclue dès lors que la société X... s'était contentée, après avoir été suffisamment informée de la situation, d'accomplir son mandat judiciaire en votant favorablement au projet de résolution auquel s'opposait la société Soper, dont le comportement avait été jugé constitutif d'un abus de minorité tant par la juridiction de première instance que par la cour d'appel de Montpellier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la mise en cause envisagée de la responsabilité de la société X... était également manifestement vouée à l'échec en raison de l'absence de préjudice subi par la société Soper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que, lorsqu'un administrateur judiciaire est désigné en qualité de mandataire ad hoc pour représenter un associé minoritaire et voter en son nom, il ne peut opposer à ce dernier le secret professionnel tiré de son statut d'administrateur judiciaire pour refuser de lui rendre compte de l'exécution de ce mandat ; qu'ayant relevé que la société X... avait été judiciairement chargée de représenter la société Soper et de voter en son nom « sans porter atteinte à ses intérêts légitimes » dans le cadre d'un abus de minorité, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait lui dissimuler les circonstances et conditions dans lesquelles elle s'était acquittée de sa mission et refuser de lui communiquer tous les documents l'intéressant ;
Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a, par une décision motivée, retenu que la société Soper justifiait de l'existence d'un motif légitime à obtenir la mesure demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la SCP X..., ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant sur demande de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 13 février 2012 par le président du tribunal de grande instance de Marseille, d'avoir confirmé cette décision désignant un huissier de justice aux fins d'obtenir communication de tous les documents échangés entre la société X..., administrateur judiciaire, nommée mandataire ad hoc de la société Soper, et les sociétés GDF Suez et LCV du 13 juillet 2011 au 23 janvier 2012 ;
AUX MOTIFS QUE la désignation d'un mandataire ad hoc, création prétorienne, procède nécessairement d'une décision de justice mais la société X... ne saurait opposer le secret professionnel à la société Soper tiré de son statut de mandataire judiciaire en réalité administrateur judiciaire pour dénier toute obligation à lui rendre des comptes ; que la mission confiée à la société X..., d'une part, ne relève pas de l'administration d'une société ou d'une procédure collective et, d'autre part, la société X... a été chargée par l'ordonnance du 13 juillet 2011 de représenter la société Soper et voter en son nom « sans porter atteinte à ses intérêts légitimes » ; que la société Soper soutient dès lors à bon droit que la société X... ne peut raisonnablement lui dissimuler les circonstances et conditions dans lesquelles elle s'est acquittée de sa mission et lui refuser la communication de tous documents l'intéressant ; que l'article 145 du code de procédure civile organise un mode autonome d'administration de la preuve ; qu'il n'exige pas que le fondement et les limites d'une action future, par hypothèse incertaine, soient d'ores et déjà établis s'agissant d'une mesure préparatoire à un procès éventuel ; que le demandeur n'est tenu que de justifier d'un motif légitime, autrement dit du caractère plausible du litige opposant les parties et de la nécessité de réunir préalablement les éléments de fait qui le sous-tendent ; qu'en l'espèce, la société X... n'a pas recueilli les observations de la société Soper avant de participer au vote contesté du 22 juillet 2011, fait acquis même si les parties s'imputent mutuellement l'origine de cette omission ; que la société Soper n'a pu ainsi lui remettre aucun document qu'elle considérait utile sinon nécessaire à la défense de ses intérêts et elle-même n'a pu prendre connaissance des pièces sur lesquelles la société X... allait exprimer son vote ; qu'elle rappelle très utilement à ce titre que l'ordonnance du 13 juillet 2011 a prescrit au mandataire de se faire remettre par GDF Suez, l'actionnaire majoritaire en opposition avec la société Soper, tout contrat, courrier, procès-verbal, courriel et plus généralement tout document qu'il jugera utile à sa compréhension du projet ; que la société X... n'a pas informé non plus la société Soper de l'assemblée du 22 juillet 2011 dont la date a d'ailleurs été avancée, la société Soper considérant qu'il s'agit d'un comportement déloyal ; que la société Soper a été maintenue dans l'ignorance totale des conditions et circonstances ayant amené la société X... à exprimer un vote positif à une délibération à laquelle cette dernière savait qu'elle était fermement opposée ; qu'elle dispose ainsi d'un motif légitime à obtenir la communication des documents échangés entre la société X... et les sociétés GDF Suez et la Compagnie du vent ;
1°) ALORS QU'une mesure d'instruction in futurum n'est pas légalement admissible si elle porte atteinte au secret professionnel réglementant la profession d'administrateur judiciaire, auquel ce dernier est astreint de manière indivisible, dans le cadre de tous les mandats et missions qui lui sont judiciairement confiés, y compris en tant que mandataire ad hoc ; qu'en affirmant cependant, pour accueillir la demande de mesure d'instruction in futurum de la société Soper, que la société X..., ès qualités de mandataire ad hoc, ne pouvait opposer le secret professionnel à la société Soper tiré de son statut de « mandataire judiciaire », en réalité administrateur judiciaire, pour dénier toute obligation de lui rendre des comptes dès lors que la mission confiée ne relevait pas de l'administration d'une société ou d'une procédure collective, limitant ainsi le secret professionnel à certaines missions de l'administrateur judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, R. 814-3 et L. 811-11 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'une demande de mesure d'instruction ne peut être accueillie lorsque la prétention ultérieure au fond est manifestement vouée à l'échec ; qu'en affirmant que la société Soper disposait d'un motif légitime pour obtenir la mesure d'instruction sollicitée car elle avait été tenue dans l'ignorance des conditions et circonstances ayant amené la société X... à exprimer un vote positif à une délibération à laquelle la société Soper était opposée, sans rechercher si une faute génératrice de responsabilité du mandataire ad hoc était exclue dès lors que la société X... s'était contentée, après avoir été suffisamment informée de la situation, d'accomplir son mandat judiciaire en votant favorablement au projet de résolution auquel s'opposait la société Soper, dont le comportement avait été jugé constitutif d'un abus de minorité tant par la juridiction de première instance que par la cour d'appel de Montpellier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl. p. 13, § 7 à 11 ; p. 14, § 1 à 3), si la mise en cause envisagée de la responsabilité de la société X... était également manifestement vouée à l'échec en raison de l'absence de préjudice subi par la société Soper, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.