LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 4 mars 2013), que, radié disciplinairement du tableau par une décision du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Dijon du 4 avril 1995, confirmée par un arrêt du 5 octobre 1999, M. X... a sollicité sa réinscription auprès de cette instance ordinale, par requête du 19 juillet 2012, laquelle a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer cette décision alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 133-16, alinéa 1er, du code pénal, la réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus pour l'amnistie, et selon l'article 133-11 du même code « il est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales ¿ effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque » ; qu'en « laissant subsister » dans son arrêt la référence à la condamnation pénale effectuée dans ses conclusions par le conseil de l'ordre, et en « rappelant » elle-même « l'existence », la date et le contenu de cette condamnation, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public des textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant énoncé, à bon droit, que la réhabilitation légale dont M. X... bénéficiait sur le plan pénal ne faisait pas disparaître la réalité des faits commis, qui, ayant consisté pour l'intéressé à s'approprier, par divers moyens frauduleux, des fonds appartenant à la société d'avocats dont il faisait partie, étaient directement contraires à la probité, la cour d'appel, qui a retenu, par des motifs non critiqués, que l'avocat radié n'offrait pas, actuellement, les gages d'amendement pour remplir à nouveau la condition de moralité exigée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, a pu, par ces seuls motifs, et abstraction faite du rappel de la date et de la teneur de condamnations pénales réhabilitées, rejeter sa demande d'inscription au tableau ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR : confirmé la décision implicite de rejet de la demande de réinscription de Monsieur Eric X... prise par le Conseil de l'ordre des avocats au barreau de Dijon ;
AUX MOTIFS QUE : « l'Ordre expose que Eric X..., d'abord conseil juridique à partir de 1988 puis avocat, ayant exercé dans le cadre d'une SELARL entre 1992 et 1994, a fait l'objet de poursuites disciplinaires ayant abouti à une décision de radiation du conseil de discipline le 4 avril 1995, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Dijon du 5 octobre 1999 ayant retenu que « les faits reprochés mettaient en cause l'honnêteté de l'intéressé» et dénotaient de sa part « un état d'esprit incompatible avec l'exercice de la profession d'avocat dont la probité ne saurait être suspectée sans nuire gravement à l'autorité de la justice ». Il ajoute que parallèlement, Eric X... a fait l'objet de poursuites pénales des chefs d'abus de confiance, faux et usage de faux et abus de biens sociaux, commis au préjudice de sa société et de ses anciens associés, pour lesquels il a été condamné par un arrêt correctionnel du 24 mars 1999 à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis ; (...) qu'il n'est pas contesté que Eric X... a fait l'objet d'une radiation à titre de sanction disciplinaire, par l'effet de l'arrêt confirmatif du 5 octobre 1999 ; qu'il a parallèlement été condamné au pénal, le 24 mars 1999 par un arrêt l'ayant retenu dans les liens de la prévention pour la commission de divers délits entre décembre 1991 et septembre 1994, et ayant prononcé à son encontre une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis simple ainsi qu'à une peine complémentaire d'interdiction des droits civiques pour une durée de trois ans ; (...) ; si au plan pénal Eric X... a bénéficié d'une réhabilitation de plein droit depuis 2009, cette constatation ne fait pas disparaître la réalité des faits commis, dont on sait à la lecture des décisions pénales qu'ils étaient directement contraires à la probité, Eric X... s'étant approprié par divers moyens frauduleux des fonds appartenant à la société d'avocats dont il faisait partie ; que les mêmes faits ont par ailleurs été à l'origine directe de la sanction disciplinaire prononcée ; qu'il convient donc de déterminer si Eric X... justifie d'éléments suffisants établissant que nonobstant ses fautes passées, il s'est suffisamment amendé pour remplir à nouveau la condition de moralité exigée par l'article 11 susvisé ; qu'à cet égard, Eric X... ne communique pas d'autres pièces utiles que son inscription comme avocat à Saint-Domingue ; qu'en revanche, on sait par plusieurs ordonnances du président du tribunal administratif de Fort-de-France des 14 mai et 18 juin 2012 qu'il a tenté d'intervenir devant cette juridiction pour divers clients, sans y justifier de mandats réguliers et en laissant à l'origine planer un doute sur sa qualité d'avocat, ce qui a conduit le président à interroger le barreau de Dijon sur sa situation ; qu'ainsi, même abstraction faite, en raison de son ancienneté, de l'utilisation manifestement indue du titre d'avocat en 1998 par Eric X... alors qu'il se disait délégué régional de la Compagnie des conseils experts financiers, on ne peut considérer aujourd'hui que son amendement ne soit suffisamment démontré pour que les graves indélicatesses commises envers ses associés durant trois ans, entre 1991 et 1994 soient tenues pour la manifestation « d'erreurs de jeunesse » appartenant à un passé révolu ; que dans ces conditions, et faute pour lui de remplir actuellement la condition de moralité nécessaire, Eric X... ne peut prétendre à une inscription au tableau de l'ordre des avocats de Dijon ; que la décision implicite de rejet prise par l'Ordre sera ainsi confirmée » (arrêt p.2 § 10, p.4 § 1 et 6 à 10 et p.5 à 1) ;
ALORS QUE : selon l'article 133-16 alinéa 1 du code pénal, la réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus pour l'amnistie, et selon l'article 133-11 du même code « il est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales effacées par l'amnistie, d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit ou d'en laisser subsister la mention dans un document quelconque » ; qu'en « laissant subsister » dans son arrêt la référence à la condamnation pénale effectuée dans ses conclusions par le Conseil de l'ordre, et en «rappelant » elle-même « l'existence », la date et le contenu de cette condamnation, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public des textes susvisés.