LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Pau, 30 avril 2012 et 7 février 2013), que la société X..., qui a pour activité la fabrication de sièges, a fait l'objet en 2005, d'une restructuration avec la fermeture de son site de Chaumont entraînant la suppression de cent soixante-six emplois ; que le 22 janvier 2008, les titres de la société ont été cédés à la société Sofarec, filiale créée par la société GMS investissements, son actionnaire unique ; que le 4 mai 2009, la société X... a bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire et M. Y...a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et MM. Z...et A...en qualité d'administrateurs ; que le 19 avril 2010, la société X... a été placée en liquidation judiciaire, M. Y...étant désigné en qualité de liquidateur, et que ce dernier a procédé au licenciement économique de la totalité des salariés le 30 avril 2010, après avoir mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que Mme B...et un certain nombre d'autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale et la société Sofarec placée en liquidation judiciaire le 5 mars 2013, et M C...étant désigné en qualité de liquidateur ;
Sur la recevabilité du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2012, examinée d'office après avis donné aux parties :
Vu l'article 608 du code de procédure civile ;
Attendu que le jugement en dernier ressort qui ne tranche pas une partie du principal ou ne met pas fin à l'instance en statuant sur un incident ne peut, en dehors des cas spécifiés par la loi, être frappé de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond ;
Attendu que, dans un litige opposant Mme B...et un certain nombre d'autres salariés à la société Sofarec, la cour d'appel de Pau a, par un premier arrêt du 30 avril 2012, statué sur des exceptions de procédure ; qu'elle a statué sur le fond par un second arrêt du 7 février 2013 ; que le 5 avril 2013, la société Sofarec a formé un pourvoi contre l'arrêt du 7 février 2013 ;
Attendu que le présent pourvoi, dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2012, a été formé le 9 avril 2013 ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 7 février 2013 :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. C...ès qualités fait grief à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés Sofarec et Financière GMS à payer la somme de 3 000 euros à chacun des salariés, alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité délictuelle de la société mère ne peut être engagée à raison des actes de sa filiale que si elle s'est immiscée dans la gestion de sa filiale de manière à créer l'apparence trompeuse de son propre engagement ; que l'arrêt attaqué, qui ne relève aucune immixtion de la société Sofarec dans la gestion de la société X... de nature à permettre aux salariés de croire légitimement qu'elle était engagée aux côtés de sa filiale mais constate que les décisions prises par les dirigeants de la société X... l'ont été de manière autonome et indépendante, se borne à des critiques des orientations décidées par les propres dirigeants de la société X..., si bien qu'en retenant la responsabilité de l'actionnaire à raison de la gestion de la société par ses propres dirigeants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1842, 1165 et 1382 du code civil ;
2°/ que le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise extra judiciaire non contradictoire, si bien qu'en fondant sa décision sur les conclusions de l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise pour l'assister dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel méconnu le principe d'égalité des armes résultant de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en faisant peser sur l'actionnaire la charge de prouver « la pertinence et l'efficacité » de différents contrats passés par la société X... la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1842 du code civil ;
4°/ que la société Sofarec faisait valoir, dans ses écritures, qu'elle n'était pas partie au contrat portant sur la mission d'accompagnement par la société JCC créations, dont le principe et les conditions avaient été définitivement décidés dans le protocole de conciliation homologué par le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, de sorte qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée du fait de ce contrat, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que l'arrêt constate que l'offre du 29 novembre 2007 d'acquisition de la société X... par la société Financière GMS agissant au nom de la société GMSI prévoyait, notamment, la conclusion d'un contrat d'accompagnement avec une entité devant être créée à cet effet par Jean-Claude et Anne-Marie X... et que ce contrat de prestation de services a été effectivement conclu le 21 janvier 2008 entre la société Financière GMS et la société JCC Créations, si bien qu'en retenant que la décision de conclure ce contrat avait été prise par la société Sofarec pour en déduire qu'il constituait une légèreté blâmable de l'actionnaire, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'il résulte des articles 1289 et 1290 du code civil que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi dès lors que deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre ; que la société Sofarec faisait valoir, dans ses écritures, que le contrat de cession de marques, dont le principe avait été arrêté à la fin de l'année 2007, portait sur des marques qui n'étaient pas valorisées à l'actif de la société X..., que la cession avait donc permis à la société X... d'enregistrer un produit exceptionnel sans sortie corrélative d'actif et que la compensation n'avait pas d'incidence sur la situation de la société dont le passif exigible se trouvait diminué d'autant, si bien qu'en retenant que cette cession avait nécessairement participé à l'aggravation de la situation sans s'expliquer sur son incidence sur le passif de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Sofarec, directement ou par l'intermédiaire de la société Financière GMS, avait pris des décisions dommageables pour la société X..., qui avaient aggravé la situation économique difficile de celle-ci, ne répondaient à aucune utilité pour elle et n'étaient profitables qu'à son actionnaire unique, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que ces sociétés avaient par leur faute et légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois qui en est résulté ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2012 ;
REJETTE le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 7 février 2013 ;
Condamne M. C..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer aux salariés la somme globale de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. C..., ès qualités et la société Sofarec.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt avant dire droit du 30 avril 2012 d'AVOIR rejeté le moyen d'irrecevabilité des demandes des salariés en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture de leurs contrats de travail fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil à raison de fautes de gestion ;AUX MOTIFS QUE les salariés reprochent aux sociétés FINANCIERE GMS, SOFAREC et GMS PARTICIPATIONS leurs fautes de gestion par leur imprudence, négligence ou légèreté blâmable, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, qui leur ont causé un préjudice matériel et moral distinct de la rupture de leur contrat de travail ; que la société SOFAREC soutient que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel et ne relève pas de la juridiction prud'homale en l'absence de tout lien contractuel entre la société SOFAREC et les appelants ; qu'en application des articles 1382 et 1383 du Code civil, en vertu desquels chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, les salariés de la société X... sont en droit d'agir, sur le terrain délictuel, contre la société SOFAREC qui, à partir de l'année 2008, a acquis 100 % des parts et droits de vote de la société X..., même si la qualité d'employeur ne lui était pas reconnue, pour les fautes invoquées déjà en première instance, de sorte qu'elles ne peuvent être dites nouvelles en cause d'appel ; ALORS QU'il résulte de l'article 564 du Code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ; qu'en première instance, les salariés avaient demandé la condamnation in solidum des sociétés FINANCIERE GMS, SOFAREC et GMS PARTICIPATIONS à leur payer à chacun la somme de 115 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal et légèreté blâmable ayant entraîné la perte de leur emploi, sur le fondement des articles L. 1222-1 du Code du travail et 1134 et 1315 du Code civil ; qu'en cause d'appel, les salariés ont réitéré cette demande et y ont ajouté une demande nouvelle d'indemnités en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture des contrats de travail, au titre duquel ils ont sollicité des dommages et intérêts d'un montant de 37 500 ¿ par appelant ; qu'il en résulte que cette demande, qui ne dérivait pas du contrat de travail, ne tendait pas aux mêmes fins que celles formulées en première instance, si bien qu'en la déclarant recevable, la Cour d'appel a violé l'article 564 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt du 7 février 2013 attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes formées à l'encontre des sociétés FINANCIERE GMS, SOFAREC et GMS PARTICIPATIONS sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ;AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 63 du Code de procédure civile, les demandes incidentes sont : la demande reconventionnelle, la demande additionnelle et l'intervention ; aux termes de l'article 66 du même Code, constitue une intervention, la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane du tiers, l'intervention est volontaire ; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie. Enfin, aux termes de l'article du même Code, un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt, afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utiles pour faire valoir sa défense. En l'espèce, la SAS SOFAREC, la SAS FINANCIERE GMS et la S. A. R. L. GMS PARTICIPATIONS ont été mises en cause par les salariés le 7 janvier 2011 devant le Conseil de prud'hommes, dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance, aux fins de condamnation, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil pour comportement déloyal et légèreté blâmable ayant entraîné la perte de leur emploi. Il s'agit donc d'une intervention forcée de tiers pour les rendre partie au procès engagé entre les parties originaires par les salariés qui, invoquant leur responsabilité délictuelle dans la perte de leur emploi, étaient en droit d'agir à leur encontre devant la juridiction prud'homale dans un différend élevé à l'occasion de la rupture de leur contrat de travail ; 1°/ ALORS QUE l'arrêt avant dire droit du 30 avril 2012 avait statué sur la recevabilité en cause d'appel des demandes formulées par les salariés contre la société SOFAREC sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ; que, selon l'article du Code de procédure civile, le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; qu'en statuant de nouveau sur la recevabilité de la demande des appelants sur laquelle elle avait statué dans sa précédente décision, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à son précédent arrêt, violant ainsi les articles 480 et 481 du Code de procédure civile ; 2°/ ALORS QU'il résulte de l'article 564 du Code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions ; qu'en première instance, les salariés avaient demandé la condamnation in solidum des sociétés FINANCIERE GMS, SOFAREC et GMS PARTICIPATIONS à leur payer à chacun la somme de 115 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal et légèreté blâmable ayant entraîné la perte de leur emploi, sur le fondement des articles L. 1222-1 du Code du travail et 1134 et 1315 du Code civil ; qu'en cause d'appel, les salariés ont réitéré cette demande et y ont ajouté une demande nouvelle d'indemnités en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture des contrats de travail, au titre duquel ils ont sollicité des dommages et intérêts d'un montant de 37 500 ¿ par appelant ; qu'il en résulte que cette demande, qui ne dérivait pas du contrat de travail, ne tendait pas aux mêmes fins que celle formulée en première instance, si bien qu'en la déclarant recevable, la Cour d'appel a violé l'article 564 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE les salariés demandaient, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, la réparation d'un préjudice matériel et moral distinct de celui de la rupture, si bien qu'en retenant que les salariés, qui agissaient sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil pour comportement déloyal et légèreté blâmable ayant entraîné la perte de leur emploi étaient en droit d'agir à l'encontre des sociétés SOFAREC, FINANCIERE GMS et GMS PARTICIPATIONS devant la juridiction prud'homale en invoquant leur responsabilité délictuelle dans la perte de leur emploi, a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société SOFAREC in solidum avec la société FINANCIERE GMS à payer la somme de 3 000 € chacun à 379 salariés à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance ;AUX MOTIFS QUE malgré l'absence de reconnaissance de la qualité de co-employeur, la responsabilité délictuelle de la société mère est engagée lorsqu'il est établi qu'elle n'a pas mobilisé ses possibilités de redressement, en ne fournissant pas à la société employeur les moyens qui lui auraient permis de réaliser et de mettre en oeuvre des mesures de redressement, et que ce défaut de mise à disposition des possibilité de redressement relève d'une abstention fautive ou d'une légèreté blâmable, de nature à compromettre la bonne exécution par sa filiale de ses obligations ; ALORS QU'une société mère n'est pas tenue de fournir à sa filiale les moyens financiers nécessaires pour lui permettre de remplir ses obligations, si bien qu'en statuant ainsi tout en constatant que la société SOFAREC avait exécuté son engagement de mettre à la disposition de la société X... une somme totale minimale de 8 millions d'euros, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum les sociétés SOFAREC et FINANCIERE GMS à payer à 379 salariés la somme de 3. 000 ¿ chacun à titre de dommages intérêts en réparation d'une perte de chance ;AUX MOTIFS qu'il ressort du rapport d'expertise de l'expert-comptable (le cabinet EXPLICITE) au comité d'entreprise, que si au début de l'année 2008 le repreneur, la SARL GMSI, a progressivement injecté 9 millions d'euros dans l'entreprise, cela n'a pas suffi à redresser la situation, rendant nécessaire l'établissement d'un PSE, alors que " l'actionnaire (n'envisageait) aucune mesure complémentaire significative et (n'envisageait) pas d'injecter à court terme des capitaux " (page 51). L'expert a conclu son rapport en ces termes :
" il appartient à l'actionnaire :- de présenter un projet industriel de redressement de l'entreprise allant au-delà de réductions massives d'effectifs et du prolongement de mesures peu efficaces jusqu'à présent.- de proposer un plan de financement correspondant à ce projet industriel et de s'engager à participer de manière significative à ce financement. Sur la base d'un tel projet, il me semble que les pouvoirs publics devraient alors s'engager. Plus que jamais la balle se trouve dans le camp de l'actionnaire ".
Or, il convient de rappeler que l'acquisition de la société X... par la société SOFAREC s'est faite notamment car il y a eu des abandons de créances consentis par plusieurs créanciers, dont le conseil général des Landes à hauteur de 500 000 € et le conseil régional d'Aquitaine également à hauteur de 500 000 €, ramenant, après tous les abandons de créances, la situation nette négative de la société de la somme de 6 062 000 € à la somme de 2 059 000 €, ainsi que cela ressort du protocole de conciliation du 21 décembre 2007. Dans son rapport au comité d'entreprise lors de la réunion du 2 juillet 2009, l'expert-comptable de ce comité a stigmatisé le défaut d'adaptation de l'entreprise X... à la situation du marché et aux difficultés rencontrées, en relevant qu'au fur et à mesure où le chiffre d'affaires baissait les dirigeants successifs réduisaient le personnel dans les mêmes proportions que celles de la baisse du chiffre d'affaires, et que malgré tout le résultat n'a pas cessé de se dégrader. Certes, l'expert souligne que ce défaut d'adaptation est constaté depuis l'année 2004. Mais, le comportement de l'entreprise n'a pas été modifié à partir de la reprise de la société X... par la société SOFAREC, alors que l'objet de cette reprise était précisément le redressement de X.... Or, l'entreprise était confrontée à une trésorerie gravement défaillante, et il s'agissait là d'une préoccupation majeure pour permettre à l'entreprise de continuer son activité, de payer les salaires à leur terme et éviter, ou en tout cas retarder le plus longtemps possible la situation susceptible de conduire à la liquidation judiciaire, ainsi que cela ressort des nombreuses et longues discussions tout au long des réunions du comité d'entreprise. Mais, en dépit de la grave défaillance de la trésorerie, des sommes jugées " considérables " par l'expert du comité d'entreprise, ont été investies dans des " frais de direction générale " dont l'opportunité, l'utilité et l'efficacité ne sont pas démontrées. Le rapport d'expertise a ainsi identifié dans ces " frais de direction générale " : IAC (analyse de la valeur) pour 425 000 € ; financière GMS (commercial et marketing) pour 760 000 € ; VINCIA (amélioration continue) pour 248 000 € ; VALIOT (mandataire ad hoc) pour 171 000 € ; ADG Évolution (conseil industriel) pour 148 000 € ; AXEL BOSS (ERP et supply chain) pour 132 000 €. L'expert-comptable s'est ainsi interrogé (procès-verbal du comité d'entreprise du 2 juillet 2009) sur l'utilité d'un investissement de 425 000 € dans une " analyse de la valeur " pour une société qui a des processus de production relativement simples, alors que tout le monde identifiait les faiblesses de l'entreprise, et alors qu'une telle somme aurait permis la rémunération de 7 cadres opérationnels pendant une année, présents sur le terrain, et que cette somme correspond à 400 jours de consultants à 1000 € par jour, ce qui lui paraissait être beaucoup de travail pour une entreprise de cette taille simplement pour améliorer les " banquettes et les dos amovibles ", soit pour une amélioration technique extrêmement réduite. L'expert a conclu ces diverses interrogations en faisant valoir qu'il s'agissait d'un jugement critique porté sur une situation qui s'était dégradée au fil de l'année alors que dans le même temps l'équipe de direction s'était préoccupée d'audits et d'analyses pour des sommes considérables pendant qu'il y avait un problème urgent de productivité et de commande et que l'aspect commercial n'avait pas fait l'objet d'une attention particulière.
La société FINANCIÈRE GMS fait valoir que l'intervention de IAC était prévue au business plan, consistant en la mise en place d'une équipe de réduction des coûts dédiée, pilotée dans le cadre de processus efficace devant conduire à une économie annuelle hors main-d'oeuvre comprise entre 4 et 6 millions d'euros ; que ADG est une société de management de transition ; que l'on ne peut reprocher aux dirigeants de X... d'avoir mis en place des mesures pour renforcer les équipes ; que VINCIA est spécialisée dans l'amélioration des process industriels, les objectifs poursuivis étaient des changements d'organisation, une réduction et une fiabilisation des délais de livraison, une amélioration des conditions de travail et une réduction des stocks ; que ALMA, VALTECH et COROMANDEL sont des consultants qui ont été choisis par Monsieur E...sans information du conseil de surveillance. La seule justification de l'intervention de IAC (Inter Action Consultants) est une note technique (n° 749-080 107- pièce 32 la société FINANCIÈRE GMS), datée de janvier 2008, intitulée " relancer durablement la compétitivité de X... " qui comprend 30 pages, dont plusieurs (9) sont des reproductions de photographies de produits X... (canapés), et dont les autres pages sont des données chiffrées ou des mentions littérales qui n'occupent que quelques lignes sur une même page (et paraissent être une impression papier d'un power-point). Aucun élément n'est cependant produit de nature à permettre de justifier la pertinence et l'efficacité d'une telle " note ", étant en outre souligné que la reprise de la société X... par la société SOFAREC est intervenue le 16 janvier 2008, et que c'est ce même mois de janvier 2008 que ladite note a été établie pour la somme de 425 000 € payée par la société X..., correspondant par conséquent, à une intervention de quelques jours seulement, ce qui paraît manifestement être une dépense disproportionnée du fait du délai qui y a été consacré et injustifiée du fait de l'absence de démonstration de son utilité même, à un moment où la société X... avait un besoin urgent et important de trésorerie, ce qui constitue, au moins, une légèreté blâmable de l'actionnaire de nature à compromettre la bonne exécution par sa filiale de ses obligations. Or, la mise en place de cette intervention est une décision de SAS FINANCIERE GMS, société de conseil et de gestion qui agissait au nom et pour le compte de la SARL GMSI et qui était aux commandes des opérations d'acquisition de X... par SOFAREC dont elle était le président. La seule justification de l'intervention de VINCIA est un document de 20 pages (pièce 31 de la société FINANCIÈRE GMS), intitulé " Capavenir : rapport initial ", daté du 19 mars 2008, qui comporte des données chiffrées et des graphiques, dont chacun occupe une page entière, et des mentions littérales qui n'occupent que quelques lignes sur une même page (et paraissent être une impression papier d'un power-point). Aucun élément n'est cependant produit de nature à permettre de justifier la pertinence et l'efficacité d'une telle intervention qui a été facturée et payée par la société X... pour la somme de 248 000 € et qui aurait donc été réalisée en deux mois, ce qui paraît manifestement être une dépense disproportionnée du fait du délai qui y a été consacré et injustifiée du fait de l'absence de démonstration de son utilité même, à un moment où la société X... avait un besoin urgent et important de trésorerie, ce qui constitue, au moins, une légèreté blâmable de l'actionnaire de nature à compromettre la bonne exécution par sa filiale de ses obligations. Sur la somme de 760 000 € (commercial et marketing), la société FINANCIÈRE GMS fait valoir qu'en réalité il y a 360 000 € au titre d'une mission commerciale qui a permis à la société de retrouver les bases d'un modèle économique viable, et 400 000 € au titre du contrat de prestation de services avec la société JCC Créations. Aucun élément relatif à la mission commerciale de 360 000 € n'est produit. À la lecture des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 2 juillet 2009, il apparaît que cette somme correspondrait à la mise à disposition par GMSI à la société X..., dans le cadre du management de Messieurs F...et G.... Monsieur Jean Luc F...était directeur général de la SAS FINANCIÈRE GMS, ainsi que directeur général de la SAS SOFAREC et président du directoire de la SA X... à compter du 6 février 2009, et Monsieur G...intervenait au sein de la société X... en qualité de consultant, c'est en tout cas à ce titre qu'il apparaît comme participant aux réunions du comité d'entreprise. Or, si cette mise à disposition de la société X... de personnes et de dirigeants, mis à disposition par la SARL GMSI n'est pas suffisante pour permettre de retenir la qualité de co-employeurs de ces diverses sociétés, en revanche, il s'agit d'un élément important qui démontre le rôle joué par lesdites sociétés dans les actes et interventions rémunérés par la société X... dont l'intérêt pour celle-ci n'est pas démontré, et sont même, au contraire, de nature à caractériser une utilisation disproportionnée de fonds investis dans des sociétés de conseils ou des personnes choisies par l'actionnaire et en relation d'intérêts avec lui, et rendus ainsi indisponibles pour le redressement de la société et le financement de mesures d'adaptation ou/ et de formation, comme pour le financement du FSE que le défaut de redressement a rendu nécessaire. Quant au contrat de prestation de services avec la société JCC CRÉATIONS, il a été conclu le 21 janvier 2008 entre d'une part, la société FINANCIÈRE GMS, et d'autre part, la société JCC CRÉATIONS représentée par Monsieur Jean-Claude X.... La mission de la société JCC CRÉATIONS était une mission d'accompagnement de la direction générale de X... dans les domaines de la création des produits, en matière de marketing et dans les relations avec les clients « grands comptes », exercée par Monsieur Jean-Claude X..., à mi-temps, soit environ 15 jours de travail mensuels, pour une durée déterminée commençant à courir à la date de la signature du contrat et expirant de plein droit le 31 décembre 2008, en contrepartie d'une rémunération forfaitaire d'un montant de 400 000 € hors-taxes versée en quatre échéances. Là encore, aucun élément n'est produit de nature à permettre de justifier la pertinence et l'efficacité d'une telle intervention, dont la décision prise entre la société SOFAREC et les anciens associés X... ne peut qu'être mise en perspective avec la cession de leurs titres pour la somme symbolique de 1 euro, et qui paraît manifestement être une dépense disproportionnée et injustifiée du fait de l'absence de démonstration de son utilité même, à un moment où la société X... avait un besoin urgent et important de trésorerie, ce qui constitue, au moins, une légèreté blâmable de l'actionnaire de nature à compromettre la bonne exécution par sa filiale de ses obligations. Le 31 décembre 2008 a été conclu entre d'une part, la société X..., représentée par le président du directoire, et d'autre part, la société SOFAREC, représentée par la société FINANCIÈRE GMS, elle-même représentée par Monsieur Philippe H..., un contrat de cession des marques (au nombre de 11) de la société X... pour un prix total hors taxes de 250 000 €, soit 299 000 € TTC. Sur cette cession des marques de la société X..., dans leur rapport au Tribunal de Commerce, les administrateurs judiciaires ont indiqué (page 20) : « il est à noter la curieuse cession (...) d'un certain nombre de marques à l'actionnaire unique pour un prix de 299 K €. Cette cession n'a pas amélioré la trésorerie pour autant, le règlement ayant été fait par compensation avec les créances en compte courant ». Ainsi, la société SOFAREC, actionnaire unique de la société X..., a transféré à son profit les marques appartenant à X... sans aucun apport direct en trésorerie de l'entreprise, participant ainsi nécessairement à l'aggravation de la situation qui a justifié quelques mois plus tard l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, de sorte que, ainsi qu'il a été dit précédemment, non seulement l'actionnaire unique n'a pas apporté le soutien financier nécessaire à l'entreprise pour redresser sa situation, mais encore il l'a dépossédée de ses marques sans intérêt immédiat à un moment où le défaut de trésorerie était un besoin grave et urgent, compromettant, notamment, le financement du FSE. Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que ces différents actes et interventions, réalisés à l'initiative et au profit soit de l'actionnaire unique, la société SOFAREC, soit de la société FINANCIÈRE GMS qui intervenait au nom et pour le compte de l'actionnaire unique de SOFAREC, sans démonstration de l'intérêt pour la société X... qui les a financés ou en a supporté seule les conséquences, sont des négligences ou des légèretés blâmables qui ont privé l'employeur de moyens de financement du FSE et donc au détriment des salariés qui ont été privés de mesures susceptibles de favoriser leur reclassement ou leur reconversion, leur causant ainsi, par cette perte de chance, un préjudice distinct de celui éprouvé par l'ensemble des créanciers de la procédure collective, et qui doit être réparé. 1°/ ALORS QUE la responsabilité délictuelle de la société mère ne peut être engagée à raison des actes de sa filiale que si elle s'est immiscée dans la gestion de sa filiale de manière à créer l'apparence trompeuse de son propre engagement ; que l'arrêt attaqué, qui ne relève aucune immixtion de la société SOFAREC dans la gestion de la société X... de nature à permettre aux salariés de croire légitimement qu'elle était engagée aux côtés de sa filiale mais constate que les décisions prises par les dirigeants de la société X... l'ont été de manière autonome et indépendante, se borne à des critiques des orientations décidées par les propres dirigeants de la société X..., si bien qu'en retenant la responsabilité de l'actionnaire à raison de la gestion de la société par ses propres dirigeants, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1842, 1165 et 1382 du code civil ; 2°/ ALORS QUE le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise extra judiciaire non contradictoire, si bien qu'en fondant sa décision sur les conclusions de l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise pour l'assister dans le cadre du PSE, la Cour d'appel méconnu le principe d'égalité des armes résultant de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 3°/ ALORS QU'en faisant peser sur l'actionnaire la charge de prouver " la pertinence et l'efficacité " de différents contrats passés par la société X..., la Cour d'appel a violé les articles 1315 et 1842 du code civil ; 4°/ ALORS QUE la société SOFAREC faisait valoir, dans ses écritures (page 29), qu'elle n'était pas partie au contrat portant sur la mission d'accompagnement par la société JCC CRÉATIONS, dont le principe et les conditions avaient été définitivement décidés dans le protocole de conciliation homologué par le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, de sorte qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée du fait de ce contrat, si bien qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°/ ALORS QUE l'arrêt constate que l'offre du 29 novembre 2007 d'acquisition de la société X... par la société FINANCIERE GMS agissant au nom de la société GMSI prévoyait, notamment, la conclusion d'un contrat d'accompagnement avec une entité devant être créée à cet effet par Jean-Claude et Anne-Marie X... et que ce contrat de prestation de services a été effectivement conclu le 21 janvier 2008 entre la société FINANCIERE GMS et la société JCC CREATIONS arrêt page 68, 5), si bien qu'en retenant que la décision de conclure ce contrat avait été prise par la société SOFAREC pour en déduire qu'il constituait une légèreté blâmable de l'actionnaire (arrêt pages 91-92), la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°/ ALORS QU'il résulte des articles 1289 et 1290 du code civil que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi dès lors que deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre ; que la société SOFAREC faisait valoir, dans ses écritures, que le contrat de cession de marques, dont le principe avait été arrêté à la fin de l'année 2007, portait sur des marques qui n'étaient pas valorisées à l'actif de la société X..., que la cession avait donc permis à la société X... d'enregistrer un produit exceptionnel sans sortie corrélative d'actif et que la compensation n'avait pas d'incidence sur la situation de la société dont le passif exigible se trouvait diminué d'autant, si bien qu'en retenant que cette cession avait nécessairement participé à l'aggravation de la situation sans s'expliquer sur son incidence sur le passif de la société, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités.