LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 461 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 17 mars 1993, les époux X... ont vendu un immeuble leur appartenant en indivision à la SCI du Manoir, laquelle a, par acte du 31 mars 1994, cédé ses parts à la société Ferim ; que par arrêt du 12 juin 1997, la cour d'appel de Paris a, sur le fondement de l'action paulienne, déclaré ces actes inopposables à la Banque Dumesnil Leblé, créancière de M. X..., puis dit que le bien cédé « retournera dans le patrimoine de Laurent X..., débiteur, avec tous ses frais et que toutes garanties prises consécutivement à ces ventes et sous acquisition seront non avenues » ; que la SCI du Manoir a présenté une requête en rectification d'erreur matérielle pour demander à la cour d'appel de supprimer cette mention du dispositif de son arrêt ;
Attendu que pour rejeter la requête, l'arrêt retient que la disposition litigieuse est claire et précise même si elle erronée au regard de la propriété de l'immeuble et des effets de l'inopposabilité paulienne, et que le juge ne peut, sous prétexte de déterminer le sens d'une précédente décision apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent elles erronées ;
Qu'en statuant ainsi sans rechercher s'il n'existait pas une contradiction, appelant une interprétation, entre la disposition de l'arrêt déclarant les actes litigieux inopposables à la banque, et celle ordonnant la réintégration du bien vendu dans le patrimoine du débiteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la SCI du Manoir.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande visant à obtenir l'interprétation de l'arrêt du 12 juin 1997 en vue de faire constater, par voie d'interprétation, que les biens ayant fait l'objet de l'action paulienne ne devait faire retour dans le patrimoine de Monsieur Laurent X... qu'à l'égard du créancier, à savoir la banque DUMESNIL LEBLE, et la SCI DU CHEMIN DU BUISSON DU PIQUE, son cessionnaire ayant obtenu la déclaration d'inopposabilité ;
AUX MOTIFS QUE « il résulte des écritures procédurales et des pièces versées aux débats :- que le bien immobilier sis à Bruis sous Forges, ..., a été acquis en indivision par les époux X... ; il ne pouvait donc pas être réintégré dans le patrimoine de Laurent X... qui n'en était pas le propriétaire unique,- que la cour d'appel était saisie sur le fondement de la fraude paulienne ; sa reconnaissance implique l'inopposabilité des actes contestés à l'égard du seul créancier lésé, et dans les limites de sa créance, et non pas la nullité des actes attaqués ; en ordonnant la réintégration de l'immeuble cédé dans le patrimoine du débiteur de la banque, la cour d'appel a, d'une part, énoncé une disposition claire et précise, d'autre part, commis deux erreurs de droit ; les dispositions de l'article 462 du code de procédure civile autorisent seulement la réparation des erreurs et omissions matérielles ; le juge ne peut, sous prétexte de déterminer le sens d'une précédente décision apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent elles erronées » (arrêt p. 4) ;
ALORS QUE, premièrement, une décision de justice peut faire l'objet d'une interprétation lorsque deux éléments de son dispositif sont contradictoires ; qu'en l'espèce, dans un premier élément, le dispositif de l'arrêt du 12 juin 1997 déclare l'acte du 17 mars 1993 inopposable à la banque DUMENIL LEBLE ; que cette énonciation postule que si la banque DUMESNIL LEBLE est en droit de considérer que les transferts n'ont pas eu lieu, ces transferts demeurent à l'égard des tiers ; que, dans un second élément de son dispositif, l'arrêt du 12 juin 1997 énonce : « le bien retournera dans le patrimoine de Laurent X... et que toutes garanties prises consécutivement à ces vente et sous acquisition seront non avenues » ; qu'à raison de sa généralité, cette formule se comprend comme anéantissant, à l'égard de tous, les transferts et les effets des actes ; que les deux énonciations du dispositif sont contradictoires en ce que l'une confère à l'action des effets relatifs, cependant que l'autre lui attache des effets absolus ; qu'en refusant, dans ces conditions, d'user de ses pouvoirs d'interprétation, la Cour d'appel a violé l'article 461 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, faute pour les juges du fond de s'expliquer sur le point de savoir si l'existence d'une contradiction entre une première énonciation, cantonnant les effets de l'action à la seule banque DUMESNIL LEBLE et une seconde proposition, faisant produire à l'inopposabilité des effets absolus comportant le retour du bien dans le patrimoine de son propriétaire originaire, ne justifiait pas la mise en oeuvre des pouvoirs dévolus au juge qui a rendu la décision dans le cadre de l'interprétation, l'arrêt doit être censuré à tout le moins pour défaut de base légale au regard de l'article 461 du code de procédure civile.