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05/11/2014 | FRANCE | N°13-14077

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 novembre 2014, 13-14077


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Doux Père Dodu et la société Doux, qui font partie de l'unité économique et sociale Doux, appliquent la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles du 10 juillet 1996 ; que par application de ce texte, et jusqu'au 31 décembre 1999, les salariés soumis au travail continu effectuaient journellement 7 heures 30 de travail effectif et bénéficiaient d'une pause intégralement rémunérée de 30 minutes par jour ; que le 23 déce

mbre 1999, a été conclu au sein de l'unité économique et sociale Doux Ga...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Doux Père Dodu et la société Doux, qui font partie de l'unité économique et sociale Doux, appliquent la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles du 10 juillet 1996 ; que par application de ce texte, et jusqu'au 31 décembre 1999, les salariés soumis au travail continu effectuaient journellement 7 heures 30 de travail effectif et bénéficiaient d'une pause intégralement rémunérée de 30 minutes par jour ; que le 23 décembre 1999, a été conclu au sein de l'unité économique et sociale Doux Galina, dans le cadre de l'application de la loi dite Aubry I du 13 juin 1998, un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail ; qu'en application de cet accord, les salariés étaient rémunérés sur une base de 35 heures pour 32 heures et 30 minutes de travail effectif et 2 heures et 30 minutes de pause ; que cet accord a été dénoncé le 2 avril 2003, et qu'aucun accord de substitution n'ayant été conclu à l'expiration du délai prévu par l'article L. 2261-10 du code du travail, à compter du 5 juillet 2004, les salariés ont continué à être rémunérés sur une base de 35 heures, mais pour 35 heures de travail effectif ; que faisant valoir qu'en l'absence de conclusion de tout accord de substitution, l'employeur ne pouvait unilatéralement mettre un terme à la rémunération du temps de pause journalier, qu'ils analysaient en un avantage individuel acquis incorporé au contrat de travail, vingt-quatre salariés de la société Doux Père Dodu et seize salariés de la société Doux ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de leur employeur au paiement d'un rappel de salaire et au rétablissement de la rémunération des temps de pause ; que le syndicat CFDT agroalimentaire du pays de Cornouaille est intervenu à l'instance ;
Sur le second moyen :
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation s'étendra, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, au chef de dispositif relatif aux dommages-intérêts alloués au syndicat, dans la dépendance du premier chef de dispositif ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté qu'il n'avait présenté en appel aucun moyen au soutien de son intervention, le syndicat est irrecevable à demander une cassation par voie de conséquence ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 2261-10 et L. 2261-13 du code du travail ;
Attendu qu'est un avantage individuel acquis au sens du second de ces textes, un avantage qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement des temps de pause, l'arrêt retient que le maintien de la rémunération de ces temps au profit des seuls salariés qui faisaient partie des effectifs au jour de la dénonciation de l'accord du 23 décembre 1999, serait incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les deux entreprises concernées, puisqu'il impliquerait que ces salariés, pour conserver dans leur globalité leurs avantages antérieurs à la dénonciation, comme l'exigerait le caractère indivisible de l'accord dénoncé, travaillent trente minutes de moins par jour que le temps de travail fixé par les employeurs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le maintien de la rémunération du temps de pause constituait pour chacun des salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation de l'accord du 23 décembre 1999, non suivie d'un accord de substitution, un avantage individuel acquis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les salariés de leurs demandes en paiement des temps de pause, l'arrêt rendu le 16 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne les sociétés Doux Père Dodu et Doux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et les quarante autres demandeurs
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d' AVOIR débouté les salariés demandeurs de leurs demandes de rappels de salaires et congés payés afférents au paiement des temps pause au titre des avantages individuels acquis ;
AUX MOTIFS QUE les trois recours attaquant un seul et même jugement, il est de bonne administration de la justice de les juger par une seule décision ; que la jonction des instances sera donc prononcée par application de l'article 367 du code de procédure civile ; que le syndicat intervenant n'invoquant aucun moyen d'appel, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de cette partie ; que s'agissant de l'avantage dont le maintien est revendiqué, comme ayant été incorporé dans les contrats de travail, l'accord du 23 décembre 1999, régulièrement dénoncé, et dont les effets ont cessé le 5 juillet 2004, se borne à énoncer que « les temps de pause continueront à être indemnisés sur la base du taux normal et continueront à ne pas être assimilés à un temps de travail effectif » ; qu'il apparaît ainsi que cet avantage préexistant, imposé à l'employeur par la convention collective de branche, a donc été maintenu dans le cadre de cet accord collectif relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, selon un horaire collectif incorporant le temps de pause et atteignant la durée de présence continue dans l'entreprise, qui, selon l'article 5 de la convention collective, constitue le seuil de mise en oeuvre de l'obligation de rémunérer les temps de pause ; que l'avantage tiré par les salariés de ce dispositif était par conséquent indissociablement lié, pour la durée de l'exécution de l'accord du 23 décembre 1999, à l'organisation collective de la durée du travail mise en place par celuici ; que cet avantage impliquait qu'il était demandé aux salariés d'effectuer 32 heures trente de travail effectif par semaine pour deux heures trente de pause rémunérée ; qu'en l'absence d'accord de substitution, il était loisible aux deux employeurs, à l'expiration des effets de l'accord dénoncé, de réorganiser le temps de travail collectif selon des modalités plus en adéquation avec le contexte économique, et en particulier, en fixant le temps de travail effectif à 35 heures par semaine, suivant des horaires collectifs correspondant à 7 heures de travail effectif par jour interrompues par 30 minutes de pause, si bien que la présence quotidienne dans l'entreprise était ramenée à une durée de 7 heures 30, et que l'employeur n'était plus tenu, en vertu de l'article 5 de la convention collective, de rémunérer les temps de pause ; qu'étant observé que le niveau de rémunération est demeuré inchangé suite à la mise en oeuvre de la nouvelle organisation du travail, le maintien de la rémunération du temps de pause au profit des seuls salariés qui faisaient parti des effectifs au jour de la dénonciation de l'accord du décembre 1999, serait incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les deux entreprises concernées, puisqu'il impliquerait que ces salariés, pour conserver dans leur globalité leurs avantages antérieurs à la dénonciation, comme l'exigerait le caractère indivisible de l'accord dénoncé, travaillent trente minutes de moins par jour que le temps de travail fixé par les employeurs dans l'exercice légitime de leur pouvoir de direction ; qu'il s'en suit que l'avantage, dont les appelants prétendent qu'il doit leur être maintenu pour s'être incorporé au contrat de travail par l'effet de l'article L. 2661-14 du code du travail, en raison de son caractère individuel, a en réalité une nature collective qui exclut l'application de l'alinéa 2 du texte susvisé ; qu'aussi, le jugement sera réformé pour débouter les salariés appelants de la totalité de leurs demandes ; que les intimés demandent que soit ordonnée la restitution des sommes versées en vertu du jugement exécutoire par provision ; mais que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré si bien qu'il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette en totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ; que dans le cas d'espèce, l'équité commande de laisser à chacun des parties la charge de ses propres dépens.
1°/ ALORS QUE lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés à l'article L. 2261-10 du code du travail, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord ; que constitue un avantage individuel acquis, un avantage qui au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; que tant le niveau que la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé constituent à l'expiration des délais précités un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué qu'en application de l'accord du 23 décembre 1999 dénoncé le 2 avril 2003, les salariés étaient rémunérés sur une base de 35 heures pour 32 heures et 30 minutes de travail effectif ainsi que 2 heures et 30 minutes de pause, tandis que postérieurement au 5 juillet 2004, (soit à l'issue des délais précisés à l'article L. 2261-10 du code du travail), ils avaient été rémunérés, également sur une base de heures, mais pour 35 heures de travail effectif, ce dont il résultait qu'ils avaient été privés d'un élément de rémunération, soit la rémunération des temps de pause ; que toutefois, pour débouter les salariés de leurs demandes en paiement de rappels de salaires et congés payés afférents à compter du 5 juillet 2004 au titre des temps de pause, la cour d'appel a énoncé, d'une part, que l'employeur n'était plus tenu, en vertu de l'article 5 de la convention collective de 1996, de rémunérer les temps de pause, d'autre part, que le niveau de rémunération est demeuré inchangé suite à la mise en oeuvre de la nouvelle organisation du travail et que le maintien de la rémunération du temps de pause au profit des seuls salariés qui faisaient partie des effectifs au jour de la dénonciation de l'accord du 23 décembre 1999, serait incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les deux entreprises concernées, puisqu'il impliquerait que ces salariés, pour conserver dans leur globalité leurs avantages antérieurs à la dénonciation, comme l'exigerait le caractère indivisible de l'accord dénoncé, travaillent trente minutes de moins par jour que le temps de travail fixé par les employeurs dans l'exercice légitime de leur pouvoir de direction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 2261-10 et L. 2261-13 du Code du travail, ensemble les articles 1, 3, 6.2 et 6.3 de l'accord collectif du 23 décembre 1999.
2°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, si l'alinéa 1er de article 5 de l'annexe 1 (ouvriers) de la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles du 10 juillet 1996, dispose que « lorsque dans une entreprise il existe du personnel ayant un horaire ininterrompu de huit heures au moins, ce personnel a droit à un arrêt payé de trente minutes pour le casse-croûte, arrêt qui se situera à l'intérieur de l'horaire ci-dessus, suivant les nécessités du service », l'alinéa 2 du même texte dispose que « si l'horaire est supérieur à sept heures mais inférieur à huit heures, le personnel a droit à un arrêt payé de vingt minutes » ; que dès lors, en énonçant qu'en fixant le temps de travail effectif à 35 heures par semaine, suivant des horaires collectifs correspondant à 7 heures de travail effectif par jour interrompues par 30 minutes de pause, la présence quotidienne dans l'entreprise était ramenée à une durée de 7 heures 30, et que l'employeur n'était plus tenu, en vertu de l'article 5 de la convention collective, de rémunérer les temps de pause, la cour d'appel a violé l'article 5 de la convention collective de 1996.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté le syndicat CFDT AGRO-ALIMENTAIRE DU PAYS DE CORNOUAILLE de sa demande de condamnation de l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice à l'intérêt collectif de la profession
AUX MOTIFS PROPRES QUE le syndicat intervenant n'invoquant aucun moyen d'appel, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de cette partie ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article L. 2131-1 du Code du travail précise que les syndicats professionnels sont dotés de la personnalité civile ; que l'article L. 2132-3 stipule que : « Les syndicats professionnels ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent » ; que l'article L. 2222-6 rappelle qu'une convention ou un accord prévoit les conditions dans lesquelles il peut être dénoncé, et notamment la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation ; qu'il apparaît en l'espèce que cette procédure a été respectée par les sociétés défenderesses ; que le demandeur ne rapporte pas la preuve du préjudice dont il demande réparation.
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation s'étendra, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du Code de procédure civile, au chef de dispositif relatif aux dommages et intérêts alloués au syndicat, dans la dépendance du premier chef de dispositif.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14077
Date de la décision : 05/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Dénonciation - Effets - Conclusion d'un nouvel accord - Défaut - Maintien des avantages individuels acquis - Domaine d'application - Rémunération du temps de pause

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Application - Application dans le temps - Avantage individuel acquis - Définition - Portée

Est un avantage individuel acquis, au sens de l'article L. 2261-13 du code du travail, un avantage qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel. Constitue un tel avantage le maintien de la rémunération du temps de pause dont avaient bénéficié les salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation de l'accord collectif qui n'avait pas été suivie d'un accord de substitution


Références :

articles L. 2261-10 et L. 2261-13 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 16 janvier 2013

Sur la définition de la notion d'avantage individuel acquis, dans le même sens que : Soc., 28 avril 2006, pourvoi n° 04-41863, Bull. 2006, V, n° 155 (cassation partielle)

arrêt cité. Sur la distinction entre avantage individuel acquis et avantage collectif, à rapprocher :Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 09-42807, Bull. 2011, V, n° 146 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 nov. 2014, pourvoi n°13-14077, Bull. civ. 2014, V, n° 258
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, V, n° 258

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Liffran
Rapporteur ?: Mme Aubert-Monpeyssen
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14077
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