Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2012, présentée pour la SOCIETE GENERALE, dont le siège social est 29 boulevard Haussmann à Paris (75009), par
Mes Espasa-Mattei et Petard-Montredon, avocats ; la SOCIETE GENERALE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1102806 en date du 5 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations primitives de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2006 à 2010, à hauteur, respectivement, de 140 655 719 euros, 162 817 628 euros, 177 853 013 euros, 191 137 069 euros et 110 963 739 euros ;
2° de prononcer la restitution des taxes susmentionnées ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article 231 du code général des impôts violent le principe d'égalité devant l'impôt en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, en ce que les employeurs du secteur agricole ne sont, de fait, pas tous soumis à la taxe sur les salaires, ce qui crée une différence de traitement entre ces agriculteurs et les autres contribuables se trouvant dans une situation analogue ;
- ces dispositions méconnaissent les principes à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité eu égard à la complexité des règles régissant les assujettis redevables partiels ;
- pour les mêmes raisons, elles méconnaissent le principe selon lequel la loi doit être précise et accessible, tel qu'il a été consacré à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme, en l'absence de motif d'intérêt général justifiant la complexité du dispositif, et méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'inconventionnalité des dispositions de l'article 231 du code général des impôts, en ce qu'elles emportent une discrimination injustifiée au regard de la taxe sur les salaires, doit conduire à l'exonération de tous les contribuables ayant supporté cette taxe ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 231 du code général des impôts conforme à la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2014 :
- le rapport de M. Bergeret, président assesseur,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la SOCIETE GENERALE ;
1. Considérant que la SOCIETE GENERALE fait appel du jugement du 5 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande aux fins de restitution des cotisations de taxe sur les salaires acquittées au titre des années 2006 à 2010, à hauteur, respectivement, de 140 655 719 euros, 162 817 628 euros, 177 853 013 euros, 191 137 069 euros et 110 963 739 euros ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre au titre de l'année 2007 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) / 3 a. Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spécifiques pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment celles qui relèvent du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante se prévaut à l'encontre de l'article 231 du code général des impôts de la méconnaissance du principe à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la conformité d'une loi à la Constitution ou à des principes de valeur constitutionnelle ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;
5. Considérant, d'une part, que la SOCIETE GENERALE soutient que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts portent atteinte aux principes résultant des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention en ce qu'à défaut d'édiction des décrets d'application nécessaires, les professions agricoles bénéficient d'une exonération de fait de la taxe sur les salaires ; que, toutefois, d'une part, les dispositions du 3 de l'article 231 ne prévoient par elles-mêmes aucune exonération au profit des professions relevant du secteur agricole ; que, d'autre part, le caractère discriminatoire d'une disposition de nature législative ne saurait résulter de l'absence de prise des mesures règlementaires nécessaires à son application ; qu'il suit de là que le législateur ne peut être regardé comme ayant édicté une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, dès lors, la SOCIETE GENERALE ne saurait utilement faire valoir que la loi fiscale ne respecterait pas le principe d'égalité devant l'impôt découlant de ces stipulations conventionnelles et soutenir qu'elle devrait être exonérée en conséquence de toute taxe sur les salaires ;
6. Considérant, d'autre part, que si la SOCIETE GENERALE soutient également que l'article 231 du code général des impôts méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de sa complexité, les dispositions dudit article ne recèlent aucune complexité telle qu'elle serait contraire à l'objectif conventionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme dès lors, notamment, que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par un avis du 23 novembre 1998 n° 197839 Société d'exploitation de la clinique de Ker-Lena publié au Journal officiel de la République Française, clarifié et précisé les conditions de sa mise en oeuvre, s'agissant de la taxe sur les salaires due par les personnes partiellement soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, en indiquant que la taxe doit être calculée en opérant d'abord la répartition du montant total de chaque rémunération individuelle entre les tranches du barème progressif, puis en appliquant les taux d'imposition à la fraction correspondante des tranches résultant de l'application du rapport d'assujettissement ; que, par suite, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GENERALE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE GENERALE est rejetée.
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N° 12VE03249