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30/12/2013 | FRANCE | N°12VE01637

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 30 décembre 2013, 12VE01637


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2012, présentée pour la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND (Seine Saint Denis), représentée par son maire, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats ;

La COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1009532, 1009581, 1009835, 1009854, 1100431 du 23 février 2012 du 23 février 2012 du Tribunal administratif de Montreuil par lequel ce tribunal a, à la demande de l'association Renard et d'autres requérants, annulé l'arrêté en date du 16 juillet 2010 par lequel les préfets du Val-de-Marne et de la Seine-Saint

-Denis ont déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Noisy-le-Gr...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2012, présentée pour la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND (Seine Saint Denis), représentée par son maire, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats ;

La COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1009532, 1009581, 1009835, 1009854, 1100431 du 23 février 2012 du 23 février 2012 du Tribunal administratif de Montreuil par lequel ce tribunal a, à la demande de l'association Renard et d'autres requérants, annulé l'arrêté en date du 16 juillet 2010 par lequel les préfets du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis ont déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Noisy-le-Grand et de la région Ile-de-France l'acquisition de terrains boisés situés sur les territoires des communes de Noisy-le-Grand et de Villiers-sur-Marne ;

2° de rejeter les demandes présentées en première instance tendant à l'annulation dudit arrêté ;

3° de mettre à la charge des demandeurs de première instance le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la commune n'a pas été avertie régulièrement du jour de l'audience en application de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ;

- ce jugement est également entaché d'un défaut de motivation et d'une contradiction de motifs ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le projet ne présentait pas un caractère d'utilité publique alors que le Bois Saint Martin est exposé à des risques d'urbanisation ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'utilité publique de l'opération avait été prononcée à titre principal en vue de l'ouverture au public du Bois Saint-Martin ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'expropriation des terrains concernés n'était pas nécessaire au motif qu'il aurait été possible de conclure une convention d'ouverture au public et n'aurait pas permis d'assurer la sauvegarde du massif forestier ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND aurait disposé d'autres espaces verts lui permettant de réaliser les activités pédagogiques figurant dans son projet ;

- c'est enfin à tort que le tribunal a estimé que le coût de l'opération était excessif ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'urbanisme

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- les observations de Me Me A...de la Scp Lyon-Cean et Thiriez pour la commune de Noisy-le-Grand et les observations de Me L...de pour Mme M...E..., Mlles Alexandra, Stéphanie et Olivia E...et M.MC..., Clément et AdrienE... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération référencée CR 25-06 en date du 17 mars 2006, le Conseil Régional d'Ile-de-France a décidé de recourir, conjointement avec la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND (Seine-Saint-Denis), à une procédure d'expropriation afin de permettre l'acquisition, par ces deux collectivités, d'une surface boisée de 283 hectares dénommée " Bois Saint-Martin " situé sur les territoires des COMMUNES DE NOISY-LE-GRAND, du Plessis-Trévise (Val-de-Marne) et de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) ; que, par une délibération en date du 26 juin 2006, la commune de Villiers-sur-Marne a émis un avis favorable à ce projet sous réserve de son classement en zone " Natura 2000 " ; que, par une délibération en date du 24 juillet 2008, le conseil municipal de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND a approuvé le dossier relatif à la demande de déclaration d'utilité publique concernant l'acquisition de 278 hectares de parcelles boisées du " Bois Saint-Martin " en vue de son ouverture au public, en précisant que 211 hectares seraient acquis au profit de la Région Ile-de-France et que 67 hectares le seraient au profit de la commune ; que, par un arrêté en date du 29 mai 2009, les préfets de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ont prescrit l'ouverture d'enquêtes publiques conjointes de déclaration d'utilité publique et de cessibilité concernant l'acquisition de terrains boisés d'une superficie de 278 hectares situés sur les territoires des COMMUNES DE NOISY-LE-GRAND et de Villiers-sur-Marne, ledit arrêté précisant que ces terrains étaient nécessaires à la constitution de réserves foncières ; que les enquêtes publiques en question se sont déroulées au cours de la période du 17 juin 2009 au 17 juillet 2009, à la suite desquelles le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable en ce qui concerne la déclaration d'utilité publique de l'opération envisagée et favorable en ce qui concerne l'enquête parcellaire ; que, par un arrêté en date du 16 juillet 2010, les préfets de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ont prononcé la déclaration d'utilité publique, au profit de la Région Ile de France et de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND, du projet d'acquisition de terrains d'une superficie de 278 hectares dépendant du " Bois Saint-Martin " situés sur les territoires des COMMUNES DE NOISY-LE-GRAND et de Villiers-sur-Marne nécessaires pour la sauvegarde ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti et des espaces naturels ; que la COMMUNE de NOISY-LE-GRAND relève appel du jugement en date du 23 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, saisi par Mme I...et d'autres requérants ainsi que par la commune du Plessis-Trévise et par les associations Anca et Renard, a annulé cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour fonder, pour défaut d'utilité publique de l'opération envisagée, l'annulation de l'arrêté précité du 16 juillet 2010, le tribunal a justifié celle-ci par les circonstances que le projet avait été déclaré d'utilité publique pour permettre, à titre principal, à la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND, de réaliser un projet d'ouverture au public et la création d'activités pédagogiques et de loisirs, que le coût estimatif des travaux ne comprenait pas le coût des aménagements prévus pour l'ouverture au public et les travaux d'adaptation des bâtiments existants, qu'il existait une solution alternative consistant en la signature d'une convention permettant de ne pas recourir à l'expropriation, que l'atteinte au droit de propriété était excessive et que le projet représentait un coût excessif pour les expropriantes ; que le tribunal a cependant omis d'indiquer les raisons pour lesquelles, d'une part, l'ouverture au public du " Bois Saint-Martin " et la création d'activités pédagogiques et de loisirs ne permettaient pas de prononcer l'utilité publique de l'opération envisagée afin de constituer des réserves foncières, d'autre part, les raisons pour lesquelles l'absence de coût estimatif des travaux n'était pas conforme aux règles fixées par l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et enfin pour quelles raisons le projet pouvait représenter un coût excessif pour les collectivités concernées ; que, par suite, la COMMUNE de NOISY-LE-GRAND est fondée à soutenir que le jugement qu'elle critique est entaché d'une insuffisance de motivation et, en conséquence, à en demander l'annulation ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2010 présentées devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur la jonction :

4. Considérant que les demandes présentées pour Mme I...et les autres requérants associés à sa demande, Mme E...et les autres requérants associés à sa demande, la commune du Plessis-Trévise, l'association Anca et l'association Renard sont dirigées contre la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin d'y statuer par un même arrêt ;

Sur la recevabilité :

S'agissant de l'association Anca :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une habilitation en date du 8 octobre 2010, le conseil d'administration de l'association Anca a régulièrement habilité son président à agir en justice au nom de ladite association ; que, par suite, le recours présenté par celle-ci devant le tribunal administratif était recevable ;

S'agissant de l'association Renard :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été publié aux recueils des actes administratifs de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne datés du 20 juillet 2010 ; que, par une lettre en date du 17 septembre 2010, l'association Renard a demandé au ministre de l'environnement de prononcer le retrait de cet arrêté ; que le recours hiérarchique ainsi présenté a été implicitement rejeté par le ministre le 18 novembre 2010 ; que, par suite, la demande d'annulation présentée par l'association requérante le 17 janvier 2011 était recevable ;

S'agissant de la commune du Plessis-Trévise :

7. Considérant que la commune du Plessis-Trévise a émis un avis défavorable au projet de déclaration d'utilité publique à raison de son opposition au projet d'installation d'activités de loisirs susceptibles de porter atteinte à la préservation du " Bois Saint-Martin " et dont elle revendique l'inclusion dans son territoire ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir afin de demander l'annulation de l'arrêté du 16 juillet 2010 ;

S'agissant de la commune de Villiers-sur-Marne :

8. Considérant que la seule circonstance que la commune de Villiers-sur-Marne ait, par délibération en date du 26 juin 2006, émis un avis favorable à la déclaration d'utilité publique envisagée par la Région Ile-de-France, sous réserve, d'ailleurs, d'un classement du " Bois Saint-Martin " en zone " Natura 2000 ", et qu'une petite partie des parcelles à exproprier se situe sur son territoire n'est pas de nature, dès lors qu'elle n'est pas bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique prononcée par l'arrêté attaqué et qu'elle n'est aucunement associée à la mise au point et à la réalisation des projets de la Région d'Ile-de-France et de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND relatifs à la sauvegarde et à la mise en valeur du " Bois Saint-Martin ", à lui donner intérêt à intervenir au soutien de l'argumentation défendue par ces collectivités ; que, par suite, son intervention n'est pas recevable ;

S'agissant de l'intervention de l'agence des espaces verts de la Région Ile de France :

9. Considérant que l'arrêté attaqué du 16 juillet 2010 déclare d'utilité publique au profit de la Région Ile de France et de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND le projet d'acquisitions de terrains dépendant du " Bois Saint Martin " ; que l'Agence des Espaces Verts de la Région d'Ile de France ne démontre pas, en produisant une délibération du conseil général de la Seine Saint Denis en date du 6 mai 1997 lui déléguant le droit de préemption sur la zone déclarée " espace naturel sensible " correspondant au " Bois Saint Martin ", qu'elle aurait ainsi intérêt à intervenir au soutien de l'arrêté attaqué qui ne concerne en rien l'exercice du droit de préemption qui lui a été délégué par le département la Seine Saint Denis ; que, par suite, son intervention n'est pas recevable ;

Au fond :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l'article L. 110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4413-2 du code général des collectivités territoriales : " La région d'Ile-de-France définit la politique régionale en matière d'espaces verts, de forêts et de promenades (...) Une agence des espaces verts de la région d'Ile-de-France (...) est chargée de mettre en oeuvre la politique régionale en matière d'espaces verts, de forêts et de promenades et de coordonner en ce domaine les actions de la région avec celles l'Etat et de ses établissements publics (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si, en ce qui concerne la région d'Ile-de-France, cette collectivité est compétente pour définir une politique générale de préservation et de gestion des bois et forêts situés dans son ressort territorial, cette compétence s'exerce sous réserve de la compétence particulière attribuées aux départements de son ressort en matière de protection et d'ouverture au public des espaces boisés sensibles ; qu'en l'occurrence, il ressort des pièces du dossier, et n'est aucunement contesté par l'ensemble des parties, que le secteur dit " du Bois Saint-Martin ", classé en zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique et dont une grande partie est soumise aux prescriptions d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 29 septembre 2006 instituant la protection de ce biotope, est un milieu boisé sensible au sens de l'article L. 142-1 précité ; qu'en conséquence, il revenait, en application de ces mêmes dispositions, aux départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne de définir l'utilité publique de l'opération d'acquisition par voie d'expropriation du " Bois Saint-Martin " afin d'assurer sa protection et d'envisager une éventuelle ouverture au public et d'apprécier, pour les parcelles situées dans leur ressort respectif, s'il apparaissait nécessaire d'acquérir les parcelles concernées par voie d'expropriation et non par le biais du mécanisme de préemption, ; que, dès lors, l'arrêté attaqué du 16 juillet 2010 prononçant l'utilité publique de l'acquisition du "Bois Saint-Martin " afin de le préserver et de l'ouvrir au public, a, en indiquant d'ailleurs à tort que la Région Ile-de-France et la Ville de Noisy-le-Grand étaient les seules collectivités capables de " protéger la biodiversité incomparable de ce site ", méconnu les compétences respectives des départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne telles qu'elles résultent de l'article L.142-1 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne aurait été régulièrement habilitée pour solliciter, au nom des collectivités concernées par l'arrêté attaqué, que soit déclarée d'utilité publique l'opération de sauvegarde et d'ouverture au public du " Bois Saint-Martin " ; qu'en effet, la circonstance qu'elle ait signé une mission d'assistance pour la constitution du dossier de déclaration d'utilité publique ne vaut pas délégation régulière pour, d'une part, agir au nom de la région Ile de France et la COMMUNE de NOISY-LE-GRAND afin de solliciter des préfets compétents l'édiction d'un arrêté portant utilité publique d'une opération d'expropriation, et, d'autre part, pour présenter un dossier prévoyant l'expropriation de 278 hectares alors que, ainsi qu'il l'a été précisé plus haut, la région d'Ile-de-France avait décidé, par délibération du 17 mars 2006, de procéder à l'expropriation de 283 hectares ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme : " L'Etat, les collectivités locales ou leurs groupements y ayant vocation (...) sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets ( ...) de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code (...) ; II.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi :1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. La notice explicative comprend, s'il y a lieu, les indications mentionnées à l'article R. 122-15 du code de l'environnement " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que lorsque l'opération est déclarée d'utilité publique en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement, les personnes publiques expropriantes ne peuvent procéder à la constitution de réserves foncières que dans la mesure où l'acquisition des immeubles en cause apparaît nécessaire en dépit de l'absence de mise au point d'un projet d'aménagement ; que si l'arrêté attaqué indique, dans ses considérants, que " le projet répond pleinement aux objectifs d'une réserve foncière ", il ressort des pièces du dossier que la région d'Ile-de-France, qui a justifié sa demande de déclaration d'utilité publique par la nécessité de sauvegarder cet espace sensible et de l'ouvrir au public, était en mesure de réaliser immédiatement l'opération envisagée dès lors que les aménagements à effectuer se limitaient à la clôture du secteur boisé et à la réfection de voies déjà existantes ; qu'il ressort également de la lecture des mêmes pièces, dont les mentions figurant dans l'arrêté attaqué, que les règles d'urbanisme applicables à ce secteur ainsi que celles issues de l'arrêté de biotope interdisent tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ; qu'enfin, il ressort de la lecture du rapport du commissaire enquêteur que l'entretien et la préservation du " Bois Saint-Martin " est correctement assuré par les propriétaires privés ; qu'ainsi, aucune nécessité tirée tant de l'urgence à préserver ce secteur sensible que de l'impossibilité de réaliser immédiatement le projet d'aménagement envisagé ne justifiait la constitution de réserves foncières ; que, par suite, les demandeurs sont fondés à soutenir que c'est en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme et R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que l'opération déclarée d'utilité publique par l'arrêté du 16 juillet 2010 a autorisé le recours à l'expropriation pour la constitution de réserves foncières sur la base d'un dossier constitué en application du II de cet article R. 11-3 au lieu d'un dossier constitué conformément aux dispositions du I de ce même article ; que les requérantes sont d'autant plus fondées à soutenir l'irrégularité de la démarche ainsi suivie que la procédure utilisée implique que le dossier en question ne soit pas complété par une étude ou une notice d'impact alors que la production d'un tel document s'imposait particulièrement dans l'hypothèse d'une expropriation visant à aménager un espace boisé sensible pour l'ouvrir au public ;

13. Considérant, enfin, que si la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND fait valoir que l'expropriation de 67 hectares du " Bois Saint-Martin " autorisée à son profit par l'arrêté attaqué a pour but la réalisation d'activités pédagogiques, de découverte et de loisirs, cet objet, qui relève des actions destinées à favoriser le développement des loisirs au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, ne correspond pas à l'objectif de sauvegarde et de mise en valeur des espaces naturels mentionnée comme seul objectif justifiant l'expropriation des parcelles en cause par l'arrêté attaqué du 16 juillet 2010 ; que l'objet invoqué par la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND ne pouvait dès lors justifier la nécessité de l'acquisition par voie d'expropriation, par cette commune, de 67 hectares de parcelles boisées du secteur du " Bois Saint-Martin " ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mis à la charge des demandeurs, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement aux COMMUNES DE NOISY-LE-GRAND et de Villiers-sur-Marne ainsi qu'à la région d'Ile de France des sommes demandées par ces dernières au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Commune De NOISY-LE-GRAND le versement d'une somme de 3 000 euros à Mme R...F...et Mlles Cécile et Charlène E...prises ensemble, de 3 000 euros à MmesG..., J..., O...et Q...E...et M. P...E...pris ensemble, de 3 000 euros à Mme M...E..., Mlle K...E..., Mlle D...E..., Mlle N...E..., M. B...E..., , M. H...E...et M. C... E..., pris ensemble, de 2 000 euros à la commune du Plessis-Trévise, de 2 000 euros à l'association Anca et de 2 000 euros à l'association Renard ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1009532, 1009581, 1009835, 1009854, 1100431 du 23 février 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les interventions de la commune de Villiers-sur-Marne et de l'agence des espaces verts de la région Ile-de-France ne sont pas admises.

Article 3 : L'arrêté du 16 juillet 2010 des préfets de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne est annulé.

Article 4 : Il est mis à la charge de la COMMUNE DE NOISY-LE-GRAND le versement d'une somme de 2 000 euros à Mme R...F...et Mlles Cécile et Charlène E...prises ensemble, de 2 000 euros à MmesG..., J..., O...et Q...E...et M. P...E...pris ensemble, de 2 000 euros à Mme M...E..., Mlle K...E..., Mlle D...E..., Mlle N...E..., M. B...E..., M. H...E...et M. C... E..., pris ensemble, de 2 000 euros à la commune du Plessis-Trévise, de 2 000 euros à l'association Anca et de 2 000 euros à l'association Renard en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12VE01637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01637
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Absence.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : LE PETIT LEBON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-30;12ve01637 ?
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