Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2012, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Klinger ;
M. B... demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Nancy n° 0700494 du 11 septembre 2012 en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme de 19 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en réparation de ses préjudices ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 360 303 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;
4°) de condamner l'ONIAM aux dépens ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- son droit à indemnisation a été définitivement tranché par un arrêt de la Cour du 1er juin 2005 ;
- l'expert désigné par le tribunal n'a pas fixé la nature et l'étendue de son préjudice, ce qui n'a pas permis aux premiers juges de l'indemniser de la totalité de ses préjudices ;
- ses pertes de salaires doivent être fixées à 119 610 euros pour la période de 2002 à 2006 ;
- ses pertes de revenus doivent être évaluées à 187 694 euros jusqu'à l'âge de son départ à la retraite, le 1er janvier 2014, dès lors qu'il est l'impossibilité de reprendre ses fonctions ;
- son déficit fonctionnel temporaire doit être fixé à 28 000 euros ;
- les souffrances endurées auraient dû être indemnisées à hauteur de 25 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par le cabinet d'avocats Vatier et Associés, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la décision de première instance sera confirmée en tant qu'elle a reconnu que le requérant est guéri de son infection par le virus de l'hépatite C (VHC) depuis le 1er janvier 2007 ;
- il n'est pas établi que la perte de revenu alléguée est en lien avec sa seule pathologie hépatique ;
- la perte de revenus futurs n'est pas justifiée ;
- le requérant n'apporte pas la preuve que son infection par le VHC, pour laquelle il a été classé en invalidité de catégorie 1 comme étant " capable d'exercer une activité rémunérée ", l'a empêché de travailler ;
- le tribunal a fait une évaluation suffisante du déficit fonctionnel temporaire de 25 % subi par M. B...pendant les 18 mois de son traitement ;
- les souffrances endurées par l'intéressé, évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7 sur l'ensemble de la période, ont fait l'objet d'une évaluation suffisante ;
- les expertises réalisées n'étant pas critiquées par le requérant, l'expertise sollicitée est inutile ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mai 2013, présenté pour la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France, par MeA... ; la caisse demande à la cour, par la voie d'un appel incident :
- de réformer le jugement du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a limité le montant qui lui a été accordé à la somme de 16 262,70 euros ;
- de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 75 073,83 euros, avec intérêts de droit à compter du 7 février 2008 pour les prestations versées antérieurement à cette date, et à chaque échéance annuelle pour les arrérages échus postérieurement ;
- de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la mise en invalidité de M. B...est en lien avec sa contamination ;
- l'intéressé, qui est titulaire d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie, qui lui a été accordée dès lors qu'il est dans l'incapacité d'exercer une profession quelconque, a subi un préjudice professionnel qui doit être indemnisé ;
- c'est à tort que le tribunal a limité les incidences professionnelles de son affection au 31 décembre 2006 ;
- la créance de la caisse s'élève à 54 468 euros au titre des arrérages échus et à 26 605,85 euros au titre du capital représentatif des arrérages à échoir ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens, et, conclut, en outre, au rejet de la demande de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France ;
Il soutient que :
- à titre principal, les tiers payeurs ne peuvent exercer de recours subrogatoire contre l'ONIAM en l'absence de couverture d'assurance de l'Etablissement français du sang au moment des faits ;
- à titre subsidiaire, compte-tenu de la guérison de M.B..., aucun préjudice professionnel n'est imputable à sa contamination ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2013, présenté pour la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les dispositions de l'article 72 de la loi de finances pour 2013 s'appliquent uniquement aux dossiers dont l'action contentieuse a été initiée postérieurement au 1er juin 2010 et ne peuvent donc être utilement invoquées dans la présente instance ;
Vu l'intervention, enregistrée le 3 avril 2014, présentée pour la société Allianz Iard, par Me Hascoet, qui conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête de M. B... et des conclusions de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France ;
Elle soutient que :
- elle est recevable à intervenir, dès lors qu'en cas de condamnation de l'ONIAM ce dernier sera amené à solliciter sa garantie en sa qualité d'ancien assureur du centre de transfusion sanguine de Nancy, aux droits desquels est venu l'Etablissement français du sang, puis l'ONIAM, et elle est donc susceptible d'être lésée par la décision à intervenir ;
- le jugement devra être confirmé en tant qu'il a limité la créance de la caisse régionale d'assurance maladie aux prestations servies avant la guérison de M.B... ;
- la perte de revenu de M.B..., avant sa consolidation, a été entièrement compensée par les prestations qui lui ont été servies ;
- pour les années postérieures, l'intéressé n'établit pas la réalité de l'incidence de sa contamination sur son activité professionnelle ;
- les sommes qui lui ont été allouées en première instance sont conformes à la jurisprudence ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2014, présenté pour la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, à la Cour de porter la somme qui lui est due par l'ONIAM à 102 319,02 euros ;
Elle soutient que :
- la pension servie à M. B...représentant seulement 50 % de ses salaires antérieurs, il a donc nécessairement subi une perte de rémunération ;
- la pension versée à l'intéressé s'élève à 16 056,71 euros par an, sa créance doit donc être revalorisée et portée à 71 811,27 euros au titre des arrérages échus au 31 janvier 2014, et à 30 507,75 euros au titre du capital représentatif de la pension de 1ère catégorie jusqu'à la date de substitution d'une pension de retraite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifiée ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2014 :
- le rapport de Mme Bonifacj, président,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Benelbazpour la compagnie d'assurances Allianz ;
1. Considérant que M.B..., né en 1953, a subi le 28 juillet 1982 une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Nancy, afin de procéder au remplacement de sa valve aortique par une prothèse ; que, par un premier jugement rendu le 10 juin 2008, le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etablissement français du sang (EFS) à verser à M. B...une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnité lui étant due en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C, intervenue à l'occasion des transfusions sanguines effectuées lors de cette intervention ; que, par le même jugement, l'EFS a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une somme de 58 641,30 euros, correspondant aux frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge pour le compte de M.B..., au titre de la période comprise entre le 18 janvier 2002 et le 1er juin 2005, ainsi que la somme de 6 886,66 euros pour les frais futurs ; que, par une décision du 7 janvier 2010, la Cour de céans a ramené à 15 000 euros la provision accordée à M. B...; que, par un second jugement en date du 30 juin 2010, le Tribunal administratif de Nancy a ordonné un complément d'expertise aux fins de déterminer la nature et l'étendue des préjudices subis par le requérant ; que par un arrêt du 22 septembre 2011, la Cour a réformé ce jugement en mettant hors de cause l'EFS et a renvoyé l'affaire devant les premiers juges pour la mise en cause de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que M. B...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Nancy du 11 septembre 2012 par lequel l'ONIAM a été condamné à lui verser la somme de 19 500 euros et demande à la Cour de porter cette somme à 360 303 euros ; que, par la voie d'un appel incident, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France demande à la Cour de porter la somme qui lui a été accordée par ce même jugement, de 16 262,70 euros à 102 319,02 euros au titre de la pension d'invalidité accordée à M.B... ;
Sur l'intervention :
2. Considérant que la société Allianz Iard, assureur de l'Etablissement français du sang, justifie d'un droit auquel l'arrêt à rendre est susceptible de préjudicier ; que, par suite, son intervention au soutien des conclusions de l'ONIAM est recevable ;
Sur l'évaluation des préjudices :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports des expertises ordonnées par les premiers juges, que si l'hépatite C dont a été victime M. B...a été diagnostiquée le 16 février 2002, l'intéressé n'a pas été soigné pour cette affection avant le 1er janvier 2004, date à laquelle il a bénéficié d'un traitement par interféron jusqu'en juin 2006 ; qu'à la suite de ce traitement, le taux des transaminases et le bilan hépatique de l'intéressé sont devenus normaux et son état est regardé comme consolidé depuis le 1er janvier 2007 ; que si le second expert désigné par le tribunal indique que M. B...a dû interrompre toute activité professionnelle à partir du 15 mars 2002 et que l'intéressé, placé en invalidité à compter du 18 janvier 2005, ne pourra pas reprendre son activité, l'état du dossier ne permet toutefois pas à la Cour de déterminer, compte tenu notamment de la pathologie cardiaque dont il souffre par ailleurs, dans quelle mesure l'arrêt de toute activité professionnelle postérieurement au 1er janvier 2007 est ou non en lien, en tout ou partie, avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête d'ordonner une expertise médicale complémentaire sur ce point ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société Allianz Iard est admise.
Article 2 : Il est ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer quelle est la part des troubles présentés par M. B...après la consolidation de son état, le 1er janvier 2007, qui demeurent.directement imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C. L'expert précisera notamment, compte tenu des autres pathologies présentées par l'intéressé, dans quelle mesure sa mise en invalidité est en lien ou non avec sa contamination
Article 3 : L'expert sera désigné par la présidente de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant la présidente de la Cour. Il déposera son rapport dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, à l'Etablissement français du sang et à la société Allianz Iard.
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N° 12NC01822