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24/10/2014 | FRANCE | N°12MA04902

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2014, 12MA04902


Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 12MA04902, présentée pour l'association " Vélo'en-Têt ", dont le siège est 3 rue Anselme Mathieu à Perpignan (66000), par Me B...; l'association demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005058 du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2010-363 en date du 10 juin 2010 du maire de Perpignan portant réglementation de la circulation dans certaines voies de la ville

et création de doubles sens cyclables dans les " zones 30 " du centre v...

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 12MA04902, présentée pour l'association " Vélo'en-Têt ", dont le siège est 3 rue Anselme Mathieu à Perpignan (66000), par Me B...; l'association demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005058 du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2010-363 en date du 10 juin 2010 du maire de Perpignan portant réglementation de la circulation dans certaines voies de la ville et création de doubles sens cyclables dans les " zones 30 " du centre ville, ensemble la décision implicite de rejet par cette même autorité de la demande de retrait de cet arrêté formé le 20 juillet 2010, et à ce qu'il soit enjoint au maire de perpignan de prendre un nouvel arrêté de mise en application du double sens cyclable en " zone 30 " ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au maire de Perpignan de prendre un nouvel arrêté de mise en application du double sens cyclable en " zone 30 " dans le délai de trois mois ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de la route ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2008-754 du 30 juillet 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2014 :

- le rapport de M. Pocheron, président-assesseur,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la commune de Perpignan ;

1. Considérant que l'association " Vélo-en-Têt " relève appel du jugement en date du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté n° 2010-363 en date du 10 juin 2010 du maire de Perpignan portant réglementation de la circulation dans certaines voies de la ville et création de doubles sens cyclables dans les " zones 30 " du centre ville, ensemble la décision implicite de cette même autorité de rejet du recours gracieux formé le 20 juillet 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de la route : " Les règles relatives aux pouvoirs de police de la circulation routière dévolus au maire dans la commune (...) sont fixées par les articles L. 2213-1 à L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduits : " Art. L. 2213-1-Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. Les conditions dans lesquelles le maire exerce la police de la circulation sur les routes à grande circulation sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) " Art. L. 2213-4-Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-8 du même code : " Les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et règlements (...) aux maires de prescrire, dans la limite de leurs pouvoirs, des mesures plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la circulation routière l'exige. Pour ce qui les concerne (...) les maires peuvent également fonder leurs décisions sur l'intérêt de l'ordre public. " ; qu'aux termes de l'article R. 110-2 dudit code dans ses dispositions en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " Pour l'application du présent code, les termes ci-après ont le sens qui leur est donné dans le présent article (...) -zone 30 : section ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30 km / h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l'autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l'ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Le périmètre des zones 30 et leur aménagement sont fixés par arrêté pris par l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation après consultation des autorités gestionnaires de la voirie concernée (...) Les règles de circulation définies à l'article R. 110-2 sont rendues applicables par arrêté de l'autorité détentrice du pouvoir de police constatant l'aménagement cohérent des zones et la mise en place de la signalisation correspondante. " ;

Sur la recevabilité de l'appel :

3. Considérant que le jugement attaqué a été notifié le 26 octobre 2012 à l'association " Vélo-en-Têt " ; qu'ainsi, la requête ayant été enregistrée le 24 décembre 2012, avant l'expiration du délai d'appel, la fin de non recevoir opposée pour tardiveté de ladite requête doit être écartée ;

4. Considérant que la fin de non recevoir opposée par la commune pour absence de paiement de la contribution pour l'aide juridique par l'association " Vélo-en-Têt " doit être écartée, ladite association ayant produit le 3 janvier 2013 le timbre fiscal dématérialisé correspondant ;

5. Considérant qu'il ressort de l'article 2 de ses statuts, produits en première instance, que l'association " Vélo-en-Têt " a notamment pour objet de favoriser l'usage du vélo dans la ville de Perpignan, de s'assurer que les déplacements en vélo sont pris en compte dans les documents de déplacements urbains de manière à limiter la place de la voiture en ville, et de faire respecter par tous les moyens légaux l'application des lois et règlements édictés en faveur des modes de déplacements doux ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune de Perpignan pour défaut d'intérêt à agir contre l'arrêté litigieux, qui porte création de doubles sens cyclables dans les " zones 30 " du centre ville de Perpignan, ne peut être admise;

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Considérant que le tribunal, en estimant qu'au regard des dispositions des articles R. 110-2 et R. 411-4 du code de la route, et de l'article 13 du décret n° 2008-754 du 30 juillet 2008, le maire pouvait prendre des " dispositions différentes " du double sens cyclable de toutes les chaussées pour les cyclistes applicables dans les zones 30, et devait constater lors de la mise en application des règles de circulation spécifiques aux zones 30 l'aménagement cohérent desdites zones, notamment en matière de signalisation, et en précisant que ces mêmes dispositions ne faisaient pas obligation aux communes de réaliser les aménagements nécessaires afin de permettre le double sens cyclable à la totalité des voies de circulation des zones 30, a répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré de ce que le décret n° 2008-754 imposerait au maire, dans les zones 30, d'une part de rendre applicable le double sens cyclable, et, d'autre part, de réaliser les aménagements nécessaires à cette application ;

7. Considérant que les moyens tirés de l' " erreur de droit " et de l' " erreur d'appréciation " soulevés par l'association " Vélo-en-Têt " à l'encontre du jugement attaqué ne sont pas, en tout état de cause, de nature à entacher celui-ci d'irrégularité ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

8. Considérant qu'il résulte de l'article 11 des statuts de l'association " Vélo-en-Têt " que le conseil d'administration décide de l'exercice des actions en justice, este en justice, et désigne à cet effet pour le représenter son président ou l'un de ses membres, le représentant désigné signant seul tous les documents ; que, par délibération du 24 septembre 2010 produite au dossier, le conseil d'administration de l'association a décidé d'engager un recours contentieux devant le tribunal administratif contre l'arrêté litigieux et désigné son président pour engager ce recours ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance, régulièrement présentée et signée par le président de l'association " Vélo-en-Têt ", pour défaut de qualité pour agir, doit être écartée ;

Sur l'arrêté n° 2010-363 du maire de Perpignan en date du 10 juin 2010 et la décision implicite de rejet du recours gracieux du 20 juillet 2010 en tant qu'ils excluent le double sens cyclable dans la place Jean Peyra, la place Justin Bardou-Job, la rue du Quatre-Septembre, la rue de la République, et la rue Maréchal Foch :

9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de la route que le maire, titulaire du pouvoir de police de la circulation dans les voies situées à l'intérieur de l'agglomération, doit prévoir d'une part des chaussées à double sens pour les cyclistes dans les zones 30, sauf dispositions différentes qu'il peut prendre notamment lorsque la sécurité de la circulation sur la voie publique l'exige, et, d'autre part, un aménagement cohérent avec la limitation de vitesse applicable ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le trafic dans les cinq voies sus-énoncées est supérieur à 8 000 véhicules par jour et que leur largeur est supérieur à 4,5 m ; que, si le Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme (CERTU) estime qu'au-delà de ce seuil, le double sens cyclable est peu réaliste ou déconseillé lorsque la chaussée est d'une largeur inférieure à 4,5 mètres, il indique que si la chaussée est d'une largeur supérieure à 4,5 mètres le double sens cyclable est possible à la condition d'être aménagé en séparation ; que si la commune invoque l'existence de commerces, de parkings, de stationnements de surface, de lignes de bus, et du caractère " mini-giratoire " de la place Berdou-Job, elle n'expose ni ne démontre l'existence de motifs de sécurité justifiant de l'impossibilité alléguée de procéder sur les voies en cause à un aménagement de type piste permettant la mise en oeuvre du double sens cyclable ; que, par suite, l'association " Vélo-en-Têt " est fondée à soutenir qu'en excluant le double sens cyclable de ces cinq voies, le maire de Perpignan a fait une inexacte application des articles R. 100-2 et R. 411-4 du code de la route ;

Sur le surplus de l'arrêté n° 2010-363 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux :

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il résulte des dispositions précitées du code de la route que le maire, titulaire du pouvoir de police de la circulation dans les voies situées à l'intérieur de l'agglomération, doit prévoir des chaussées à double sens pour les cyclistes dans les zones 30, sauf dispositions différentes qu'il peut prendre notamment lorsque la sécurité de la circulation sur la voie publique l'exige, ainsi qu'un aménagement cohérent avec la limitation de vitesse applicable ; que, s'agissant de la rue des Augustins, de la rue de la Fusterie, de la rue de l'Argenterie, de la rue des Trois-Journées, de la rue de la Barre, de la rue d'Alsace-Lorraine, de la rue Petite-la-Réal et de la rue Grande-la-Réal, situées dans l'hyper-centre de Perpignan, le trafic automobile ne dépasse pas 5 000 véhicules par jour, ce qui permet, selon les recommandations du CERTU, de mettre en place le double sens cyclable ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que lesdites rues, dont la largeur varie de 2,5 à 3,10 mètres, sont particulièrement étroites, souvent bordées de commerces, de terrasses, ouvertes à la circulation automobile, des cyclistes et des piétons, et pour six d'entre elles, à la circulation d'un mini-bus d'une largeur de 2 mètres ; qu'en outre, il existe un manque de visibilité rue de la Petite-Réal et rue de La Barre, un virage dangereux est mentionné dans la rue des Trois-Journées, et les rues Grande-la-Réal et Petite-la-Réal présentent en partie une pente significative, sur lesquelles les cyclistes occupent une place plus large, en montée, que leur gabarit moyen d'un mètre ; que, par suite, en excluant, pour ces huit voies, et pour des raisons de sécurité de la circulation de leurs différents usagers, le double sens cyclable, le maire de Perpignan n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées des articles R. 100-2 et R. 411-4 du code de la route ;

12. Considérant qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier, et notamment par le document produit par la requérante correspondant au plan de déplacements urbains de la communauté d'agglomération Perpignan-Méditerranée dans sa version publiée et applicable à la date de l'arrêté litigieux, que ledit arrêté, qui met en oeuvre dans le centre ville le double sens cyclable en " zone 30 ", ou des pistes cyclables à sens unique lorsque seule cette solution est compatible avec les nécessités de la sécurité publique, dans le respect de la continuité et la cohérence des itinéraires cyclables, ferait obstacle audit plan de déplacements urbains et en conséquence serait incompatible avec celui-ci ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association "Vélo-en-Têt " est seulement fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner sur ce point les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté n° 2010-363 du maire de Perpignan en date du 10 juin 2000 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 20 juillet 2010, en tant qu'ils ont exclu la place Jean-Payra, la rue de la République, la place Bardou-Job, la rue du Quatre-Septembre et la rue du Maréchal Foch de la mise en place du double sens cyclable ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au maire de Perpignan de prendre, dans le délai de six mois à compter de sa notification, si les voies en cause sont toujours situées en zone 30, et sauf motif lié à la sécurité de la circulation dûment circonstancié, un arrêté de mise en place du double sens cyclable concernant la place Jean-Peyra, la rue de la République, la place Bardou-Job, la rue du Quatre-Septembre et la rue du Maréchal Foch ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Perpignan le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association " Vélo-en-Têt " et non compris dans les dépens ;

16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'association " Vélo-en-Têt ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Perpignan la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 octobre 2012, rejetant la demande de l'association " Vélo-en-Têt " dirigée contre l'arrêté n° 2010-263 du maire de Perpignan et la décision implicite de cette même autorité de rejet du recours gracieux formé le 20 juillet 2010, en tant qu'ils ont exclu la place Jean-Peyra, la place Justin-Bardou-Job, la rue du Quatre-Septembre, la rue de la République et la rue Maréchal Foch de la mise en place du double sens cyclable, ensemble ces deux décisions, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Perpignan, si les voies en cause sont toujours en zone 30, et sauf motif de sécurité de la circulation dûment circonstancié, de prendre, dans le délai de six mois à compter du présent arrêt, un arrêté de mise en place du double sens cyclable concernant la place Jean-Peyra, la place Julien Bardou-Job, la rue du Quatre-Septembre, la rue de la république, et la rue Maréchal Foch.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Perpignan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. La commune de Perpignan versera à l'association " Vélo-en-Têt " une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Vélo-en-Têt " et à la commune de Perpignan.

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N° 12MA04902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04902
Date de la décision : 24/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04-01-01 Police. Police générale. Circulation et stationnement. Réglementation de la circulation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SANTONI-

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-24;12ma04902 ?
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