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21/07/2014 | FRANCE | N°12MA04778

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 5, 21 juillet 2014, 12MA04778


Vu, sous le n° 12MA04778, la requête enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour la société par actions simplifiée AGL Services, prise en la personne de son président, M. C... D..., domicilié..., par MeB... ;

La société AGL Services demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807534 du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a rejette le surplus de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui payer la somme de 833 543 euros au titre de l'indemnisation de son bénéfice net esc

ompté sur le marché en cause si elle n'avait pas été écartée à tort ;

3°) d'assortir c...

Vu, sous le n° 12MA04778, la requête enregistrée le 14 décembre 2012, présentée pour la société par actions simplifiée AGL Services, prise en la personne de son président, M. C... D..., domicilié..., par MeB... ;

La société AGL Services demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807534 du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a rejette le surplus de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui payer la somme de 833 543 euros au titre de l'indemnisation de son bénéfice net escompté sur le marché en cause si elle n'avait pas été écartée à tort ;

3°) d'assortir cette indemnisation des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2008, date de réception de sa réclamation indemnitaire par la région, et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 15 octobre 2009 et à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure ;

4°) de condamner la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2014 :

- le rapport de M. Thiele, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société AGL Services ;

1. Considérant que, par un avis n° 2008-172, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a fait appel à la concurrence en vue de l'attribution d'un marché de location de longue durée de véhicules pour le parc automobile de la région ; que, le 2 juin 2008, la société AGL Services, titulaire du précédent marché de location, a présenté son offre ; que, par lettre du 27 juin 2008, MmeA..., chef du bureau des marchés de la région, a notifié à la société AGL Services le rejet de sa candidature, au motif que le prix proposé par la société AGL Services était supérieur de 80 000 euros environ à celui proposé par la société Croix Blanche, pour une offre technique jugée " pas meilleure " ; que la région a signé le marché avec la société Croix Blanche le 11 août 2008 ; que, par le jugement attaqué du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce contrat, au motif que la société Croix Blanche, dont le chiffre d'affaires en 2007 s'élevait à 357 905 euros et les bénéfices à 11 087 euros, n'avait pas à elle seule la capacité professionnelle, technique et financière pour répondre aux besoins exprimés par la région dans son appel d'offre ; qu'il a également condamné la région à payer à la société AGL Services la somme de 99 200 euros en indemnisation du préjudice subi par cette société ; que la société AGL Services demande l'annulation du jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions indemnitaires ; que, par la voie de l'appel incident, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur demande l'annulation du jugement ;

Sur les conclusions d'appel incident dirigées contre le jugement en tant ce que celui-ci annule le marché :

2. Considérant qu'ainsi que le soutient la société AGL Services, les conclusions présentées par la région et tendant à l'annulation du jugement en tant que celui-ci annule le marché public, soulèvent un litige distinct du litige soulevé par l'appel principal de la société AGL Services, qui tend seulement à la réformation du jugement en tant que celui-ci condamne la région à indemniser la société du préjudice résultant de son éviction irrégulière ; que ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont donc irrecevables ;

Sur les conclusions d'appel principal de la société AGL Services et d'appel incident de la région dirigées contre le jugement en tant qu'il statue sur le droit à indemnité de la société :

3. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

4. Considérant que le jugement attaqué est devenu définitif en tant qu'il annule le marché attribué à la société Croix-Blanche ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la région a méconnu les dispositions de l'article 45, III du code des marchés publics et celles de l'article 3-1 du règlement de la consultation en examinant l'offre de la société Croix-Blanche ; que, dès lors, seule l'offre de la société AGL pouvait être retenue par la commission d'appel d'offres ; que la société AGL avait donc des chances sérieuses d'emporter le marché ;

5. Considérant que, pour évaluer le manque à gagner subi par la société AGL, le tribunal administratif de Marseille a appliqué au montant minimum du marché, soit 3 200 000 euros, le taux de 3,1 %, dont le jugement indique qu'il s'agit du taux de marge nette dégagé par la société en 2006, alors qu'elle était déjà titulaire du marché de location de véhicules à la région ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. / Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou être conclu sans minimum ni maximum. (...) " ; que le manque à gagner de la société AGL Services ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur la valeur minimale du marché ; que, dès lors, le manque à gagner doit être calculé sur la base de ce montant, soit, en l'espèce, 3 200 000 euros et non sur le montant de 3 718 000 euros correspondant au total général du détail quantitatif estimatif fourni par la société en réponse à l'appel d'offres et ne revêtant qu'un caractère estimatif ;

7. Considérant que l'expert mandaté par la société AGL Services a, sur la base d'une perte de chiffre d'affaires de 3 718 000 euros et d'une estimation des charges d'exploitation, estimé que le montant du bénéfice net que la société aurait pu retirer de l'exécution du marché s'établissait à 833 542,99 euros ; que l'évaluation effectuée par l'expert est précise et rigoureuse et tient compte d'éléments précis tirés des données d'exploitation de la société AGL Services ; que l'expert intègre à juste titre dans le manque à gagner les plus-values résultant de la revente des véhicules loués, dès lors que ceux-ci viennent contribuer à l'enrichissement de la société et viennent corriger le niveau excessif des amortissements par rapport à la dépréciation réelle des véhicules ; qu'il y a lieu de retenir le taux de marge nette sur la perte de chiffre d'affaires résultant de l'évaluation de l'expert, soit 22,42 %, et de l'appliquer au montant de 3 200 000 euros correspondant au montant minimal du marché ; que le manque à gagner de la société AGL Services s'établit donc à 717 440 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AGL Services est seulement fondée à soutenir que son manque à gagner s'établit à 717 440 euros, et que c'est à tort que, dans cette mesure, le tribunal administratif de Marseille n'a fait droit à sa demande indemnitaire qu'à hauteur de 99 200 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

9. Considérant qu'en application de l'article 1153 du code civil, il y a lieu d'assortir la condamnation prononcée des intérêts aux taux légal à compter du 15 octobre 2008, date de réception de la réclamation indemnitaire de la société ; qu'en application de l'article 1154 du même code, il y a lieu de dire que ces intérêts seront capitalisés le 15 octobre 2009 et à chaque anniversaire de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société AGL Services, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 1 500 euros en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le montant de l'indemnité que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a été condamnée à payer à la société AGL Services est portée de 99 200 euros à 717 440 euros (sept cent dix-sept mille quatre cent quarante euros). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2008. Les intérêts seront capitalisés le 15 octobre 2009 et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 0807534 du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Marseille sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La région Provence-Alpes-Côte d'Azur versera à la société AGL Services une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société AGL Services est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée AGL Services, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la société Croix-Blanche Location.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 12MA04778
Date de la décision : 21/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08-04-01-02 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. VOIES DE RECOURS. APPEL. APPEL INCIDENT. - RECEVABILITÉ - CONDITION - APPEL INCIDENT NE SOULEVANT PAS UN LITIGE DISTINCT - ABSENCE - APPEL INCIDENT DIRIGÉ CONTRE LA DISPOSITION D'UN JUGEMENT ANNULANT UN CONTRAT ALORS QUE L'APPEL PRINCIPAL PORTE SUR LE MONTANT DE L'INDEMNITÉ À VERSER AU CANDIDAT ÉVINCÉ.

39-08-04-01-02 Les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, tendant à l'annulation du jugement en tant que celui-ci annule le marché public sur le fondement des principes dégagés par la jurisprudence Tropic Travaux Signalisation [RJ1] soulèvent un litige distinct du litige soulevé par l'appel principal, qui tend seulement à la réformation du jugement en tant que celui-ci condamne la collectivité publique à indemniser l'appelant du préjudice résultant de son éviction irrégulière. Ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont donc irrecevables[RJ2].


Références :

[RJ1]

CE, Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545,,

[RJ2]

Cpr., en matière d'excès de pouvoir, CE, 4 mars 1981, Mlle Dabert, n° 17669, Rec. CE p. 121.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : MAMELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-07-21;12ma04778 ?
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