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16/12/2014 | FRANCE | N°12MA00338

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 décembre 2014, 12MA00338


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2012, présentée pour la SARLB..., dont le siège est situé Plage du Bestouan à Cassis (13260), prise en la personne de sa gérante, par Me A... ;

La SARL B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902534 du 21 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande qui tendait à la condamnation de la commune de Cassis à lui payer la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite du non-renouvellement d'un bail commercial ;

2°) de faire droit à sa demand

e de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cassis le verse...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2012, présentée pour la SARLB..., dont le siège est situé Plage du Bestouan à Cassis (13260), prise en la personne de sa gérante, par Me A... ;

La SARL B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902534 du 21 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande qui tendait à la condamnation de la commune de Cassis à lui payer la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite du non-renouvellement d'un bail commercial ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cassis le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2014 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de MeA..., pour la SARLB..., et de MeC..., pour la commune de Cassis ;

1. Considérant que la commune de Cassis a acheté le 31 janvier 1959 la parcelle cadastrée F 899, jouxtant la plage du Bestouan, sur laquelle était exploité l'établissement de restauration " Chez Blanche ", l'exploitation du commerce étant poursuivie, en dernier lieu au moyen d'un bail signé le 25 août 1970 ; que, le 24 janvier 1976, M.B..., au droit duquel vient la SARLB..., a acquis le fonds de commerce " Chez Blanche ", la commune lui consentant, le 12 novembre 1976, un bail, intitulé " bail commercial ", prenant effet au 29 septembre 1976, d'une durée de neuf ans ; que, le 27 janvier 1986, la SARL B...a bénéficié d'un " nouveau bail de concession d'un emplacement pour la vente au public sur un terrain communal jouxtant la plage du Bestouan ", avec effet au 29 septembre 1985, d'une durée de neuf ans, tacitement renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans en 1994 ; que, par délibération du 19 décembre 2002, le conseil municipal de Cassis a décidé de mettre fin à ce bail à compter du 28 septembre 2003 " ; que, par jugement du 21 novembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SARL B...tendant à la condamnation de la commune de Cassis à lui payer la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite du non-renouvellement du contrat ; que la SARL B...relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que le mémoire introductif d'instance présenté par la SARL B...critique le jugement attaqué, en soutenant notamment que c'est à tort que les premiers juges on estimé que la demande de première instance était fondée sur un manquement de la commune à son obligation de conseil ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cassis, tirée de l'irrecevabilité de la requête à défaut de moyens d'appel, ne peut être accueillie ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que la SARL B...reprend brièvement en appel le moyen tiré de ce que la responsabilité contractuelle de la commune serait engagée au regard de l'existence d'une servitude non aedificandi et d'un bail conclu en contradiction avec celle-ci, le reproche se rapportant à la période courant de la date d'effet du bail initial, soit le 29 septembre 1976, portant sur une parcelle appartenant au domaine privé communal, jusqu'au mois d'octobre 1996, l'installation exploitée ayant ensuite été transférée sur le domaine public ; qu'il y a lieu de rejeter les conclusions de la SARL B...pour cette période, qui sont fondées sur la seule responsabilité contractuelle, en accueillant l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée en défense, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le jugement n'étant d'ailleurs pas critiqué sur ce point ; qu'il va de même en tant que les conclusions sont fondées sur le moyen, dès lors qu'il a le même fondement contractuel, tiré de ce que la commune a aussi commis un manquement à son obligation d'indemnisation des charges supportées par le cocontractant dans le cadre de la contrainte dans laquelle il s'est trouvé de détruire son installation et de la reconstruire en raison du non-respect de la servitude non aedificandi, résultant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 28 février 1992 et de l'ordonnance du juge de l'exécution en date du 4 juillet 1996 ;

Sur les conclusions indemnitaires relatives à la période courant du mois d'octobre 1996 au 28 septembre 2003 :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

4. Considérant, en premier lieu, que la SARL B...ne saurait fonder ses prétentions sur l'enrichissement sans cause de la commune de Cassis dès lors qu'elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles la collectivité aurait consenti des conventions à de nouveaux exploitants après la rupture des relations contractuelles ; qu'en tout état de cause, si le contrat de bail a pris fin le 28 septembre 2003, comme il a été dit au point 1, la commune fait valoir sans être contestée que le bâtiment, édifié par la société, a été détruit par plusieurs coups de vent, dit " labé ", pendant la période d'octobre à décembre 2003 ; que, par suite, l'installation n'a eu aucune utilité pour la commune et les dépenses engagées par la société n'ont entraîné aucun enrichissement de la collectivité ;

5. Considérant, toutefois et en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL B..., comme l'exploitant précédent, était initialement titulaire d'un bail commercial sur le domaine privé communal, ensuite renouvelé ; qu'en accord avec la collectivité, la société a transféré à partir du mois d'octobre 1996 l'exploitation de son établissement sur une parcelle relevant du domaine public communal sur la plage du Bestouan, pour avoir été acquise en 1959 en même temps que la parcelle n° F 899 et ensuite affectée à l'usage direct du public, le maire de Cassis lui ayant en particulier délivré un permis de construire le 28 février 1997 en vue de l'édification d'une construction de 80 m2, partiellement sur l'emprise de cette dernière parcelle ; que la seule circonstance que les baux des 24 janvier 1976 et 27 janvier 1986 comportent une mention relative à une autorisation accessoire d'occuper le domaine public maritime, qui relève de l'Etat, pour y placer des cabines de bain n'est pas de nature à établir que ces baux auraient également porté sur l'occupation du domaine public communal ; que, si la demande du permis de construire précédemment mentionnée précise que le bâtiment sera pour partie construit sur le domaine public communal et pour partie sur le domaine public maritime, ce qui révèle la connaissance par la société du statut juridique des terrains occupés, la commune n'a jamais modifié le bail du 27 janvier 1986 et l'a seulement dénoncé avec effet au 28 septembre 2003, ainsi qu'il a déjà été dit ; que, dans ces conditions et du fait du comportement de la commune, la SARL B...a pu légitimement croire être titulaire d'un bail commercial, auquel il ne peut être mis fin sans indemnité d'éviction, jusqu'à cette date, alors qu'elle ne pouvait légalement prétendre qu'à une autorisation temporaire d'occupation du domaine public à caractère précaire et révocable sans indemnité ; qu'ainsi, la commune de Cassis a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, contrairement à ce que soutient cette dernière, la SARL B...n'a pour sa part commis aucune faute susceptible d'exonérer, en tout ou en partie, la responsabilité de la commune ;

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

6. Considérant, en premier lieu, que la SARLB..., qui ne pouvait être légalement titulaire d'un bail commercial sur le domaine public, n'est pas en droit de réclamer une indemnité correspondant à la valeur de son fonds de commerce, valorisé au 31 décembre 2002 à la somme de 25 916 euros selon les documents comptables produits ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL B...sollicite l'indemnisation des frais engagés pour la réinstallation de son fonds de commerce, en soutenant qu'elle n'aurait jamais réalisé autant d'investissements si elle ne s'était pas crue liée à la commune par un bail commercial ; qu'il résulte de l'instruction que la valeur nette comptable des immobilisations de la société au 31 décembre 2002 est de 32 114,36 euros pour les " installations, agencements et constructions " et de 91,20 euros pour les " installations et agencement divers ", ces installations ayant nécessairement été laissées sur les lieux à la fin du bail ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de retenir les postes " matériel et outillage ", pour 4 084,50 euros, " matériel de transport " pour 330,31 euros, " matériel de bureau et informatique " pour 2 401,82 euros et " mobilier ", au demeurant totalement amorti, qui ont pu être récupérés par la société ; que, dès lors que la SARL B...a continué à exercer son activité une partie de l'année 2003, il sera fait une juste appréciation de chef de préjudice par l'allocation d'une somme de 30 000 euros :

8. Considérant, en troisième lieu, que si la SARL B...réclame l'indemnisation d'une " perte de revenu et d'exploitation ", elle n'a jamais, compte tenu notamment des amortissements différés à la suite des déficits annuels, déclaré aucun bénéfice aux services fiscaux au cours des exercices 1998 à 2002 pour lesquels elle produit des justificatifs ; que, dès lors, la matérialité du préjudice n'est pas établie ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la société se prévaut d'un préjudice moral qui résulterait de ce qu'elle " n'a plus aucun actif, ni plus aucune activité du fait des carences de la commune de Cassis " ; que, toutefois, outre que l'impossibilité de reprendre une activité n'est pas établie dans l'instance, le préjudice invoqué n'est pas constitutif d'un préjudice indemnisable pour une personne morale ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en tant que les conclusions concernaient la période courant du mois d'octobre 1996 au 28 septembre 2003 ; que, par suite, il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, le jugement et de condamner la commune de Cassis à payer la somme de 30 000 euros à la SARLB... ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Cassis, partie perdante, le versement à la SARL B...de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle aux conclusions présentées par la commune au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions indemnitaires relatives à la période courant du 29 septembre 1976 au mois d'octobre 1996 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 21 novembre 2011 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions relatives à la période courant du mois d'octobre 1996 au 28 septembre 2003. La commune de Cassis est condamnée à payer à la SARL B...la somme de 30 000 (trente mille) euros.

Article 3 : La commune de Cassis versera à la SARL B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B...et à la commune de Cassis.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00338
Date de la décision : 16/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : REBUFAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-16;12ma00338 ?
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