Vu l'ordonnance n° 372825 en date du 18 novembre 2013, par laquelle, en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer la requête de M. B...A...à la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu la requête, enregistrée le 20 août 2012, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003222 en date du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité à 10 000 euros le montant de la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du retrait illégal des jours de repos compensateur qu'il avait accumulés ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 952, 80 euros, avec intérêts au taux légal, à compter de la demande indemnitaire, et capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- les dispositions de l'article 2.1.4 du règlement intérieur applicable aux personnels navigants du groupement d'hélicoptères en date du 19 août 1997 permettent d'indemniser le préjudice financier qu'il a subi du fait du retrait illégal des jours de repos compensateur non pris ;
- il a été maintenu en activité alors qu'il avait un droit à récupération de 658,54 jours de congés qui peuvent être considérés comme des heures supplémentaires effectuées avant le 6 décembre 1994 et qui doivent être indemnisées comme telles : le préjudice financier s'élève à la somme de 165 952,80 euros ;
- il a droit à être indemnisé de ces jours de repos compensateur non pris du fait de l'administration ;
- c'est à bon droit que le tribunal lui a accordé 10 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
- pendant tout le temps où il n'a pu bénéficier, de façon illégale, de ses repos compensateurs avant 1994, l'administration a économisé pratiquement une année de salaire d'un agent ;
- l'absence d'indemnisation du préjudice financier qu'il a subi constitue une inégalité de traitement par rapport à d'autres corps de fonctionnaires, tels les personnels actifs de la police nationale qui bénéficient d'une indemnisation des heures supplémentaires qui ne sont pas susceptibles de donner lieu à récupération ;
- il a droit au versement des intérêts dus depuis la demande indemnitaire déposée le 24 septembre 2009, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2013, présenté pour le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête et à l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A...la somme de 10 000 euros ;
il soutient que :
- l'intéressé ne saurait réclamer l'indemnisation d'un quelconque préjudice financier du fait de la suppression des repos compensateurs acquis avant le 6 décembre 1994 ;
- les préjudices moraux et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis et ne peuvent donner lieu à aucune indemnisation ;
- subsidiairement, la créance alléguée est en tout état de cause prescrite ;
- à titre infiniment subsidiaire, l'évaluation des préjudices est manifestement disproportionnée ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2014, présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu l'arrêté du 19 août 1997 portant règlement intérieur applicable aux personnels navigants du groupement d'hélicoptères ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2014 :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
1. Considérant que M. A...a exercé les fonctions de mécanicien sauveteur secouriste, affecté au groupement d'hélicoptères de la sécurité civile de Nîmes-Garons jusqu'au 18 janvier 2007, date de son admission à la retraite ; que par un courrier du 24 septembre 2009, il a demandé l'indemnisation des 647,49 jours de repos compensateurs accumulés antérieurement au 6 décembre 1994 illégalement annulés par l'arrêté du même jour du ministre de l'intérieur ; que, par lettre du 21 décembre 2009, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a répondu au requérant qu'" en l'absence de textes prévoyant une telle indemnité, une étude est en cours (...) afin de déterminer selon quelles modalités et sur quel fondement juridique il convient de procéder à cette indemnisation. " ; que M. A...a contesté la légalité de cette décision et demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'État à lui verser la somme de 175 952,80 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis, assortie des intérêts au taux légal ; qu'il relève appel du jugement n° 1003222 en date du 21 juin 2012 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a limité à 10 000 euros le montant de la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du retrait illégal des jours de repos compensateur qu'il avait accumulés ; que, par des conclusions incidentes, le ministre de l'intérieur demande l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé cette condamnation à l'encontre de l'Etat ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu l'indemnisation des jours de repos compensateurs non pris ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à en demander le paiement ;
3. Considérant que l'administration en annulant illégalement les jours de repos compensateur accumulés par M. A...au 6 décembre 1994 a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du requérant ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription ne court pas contre le créancier " qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance. " ; qu'il en résulte que le délai de prescription ne court pas à l'encontre d'une victime qui n'est pas en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de la personne publique ; que le requérant n'a eu connaissance du fait générateur des préjudices subis qu'au 12 décembre 2008, date de la décision par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a considéré que l'arrêté ministériel susmentionné du 6 décembre 1994 était illégal ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre doit être écartée ;
5. Considérant que si M. A...invoque un préjudice moral, qu'il évalue à 10 000 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 5 000 euros ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'Etat à verser à M. A...une indemnité d'un montant total supérieur à la somme de 5 000 euros;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
7. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la sommation de payer le principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que M. A...demande à ce que les sommes qui lui sont dues portent intérêt au taux légal à compter du 24 septembre 2009, date de sa demande indemnitaire ; que, toutefois, le requérant n'établit pas la date de réception de sa réclamation ; qu'elle doit être réputée avoir été reçue au plus tard le 21 décembre 2009, date de la lettre par laquelle le ministre de l'intérieur accuse réception de ladite réclamation ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer le point de départ des intérêts sur la somme susmentionnée de 5 000 euros au 21 décembre 2009 ;
8. Considérant, en second lieu, que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. A... dans sa requête d'appel enregistrée au greffe, le 20 août 2012 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 20 août 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A...une somme de 5 000 euros au titre des préjudices subis. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2009. Les intérêts, échus à compter du 20 août 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 juin 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2014 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 avril 2014.
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N° 12LY23625