Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2012 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme B...A..., domiciliés " Le Moyne " à St-Etienne-sur-Chalaronne (01140) ;
M. et Mme A...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002054 du 12 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des cotisations sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la plus-value dégagée par la cession de la clientèle de Me B...A..., du matériel, du mobilier de bureau et de la documentation de la société civile professionnelle (SCP) " Pierre A... et Philippe A..." à la société d'exercice libéral unipersonnelle à responsabilité limitée (SELURL) " Cabinet d'avocats Pierre A..." ne peut pas être rattachée au résultat de la SCP au titre de son exercice 2005 car cette vente était parfaite le 24 décembre 2004 ; l'acte de vente ne comprend aucune clause qui conditionne la validité du transfert de propriété ou qui conditionne ce transfert ; c'est à tort que le Tribunal a considéré l'inscription au tableau de l'ordre national des avocats comme conditionnant la validité du transfert ; la SELURL s'est rétroactivement substituée à Me B...A..., devenu nouveau propriétaire à titre conditionnel, l'engagement étant pris par lui au nom et pour le compte de cette société en cours de formation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts ne trouvent pas à s'appliquer car la cession n'a pas porté sur une branche complète d'activité dès lors qu'elle ne comprend pas les créances clients et les dettes fournisseurs de la SCP, lesquelles ont directement été passées en produits et en charges ; aucune information relative à la cession de la clientèle n'a été adressée aux clients du cabinet contrairement à ce que prévoit l'acte de cession ; les contrats et prestations de la SCP, ainsi que les contrats de travail des salariés de la SCP, n'ont pas été modifiés pour modifier la dénomination sociale du nouveau bénéficiaire et employeur ;
- l'exonération prévue par l'article 238 quaterdecies du code général des impôts n'est pas applicable car la cession est intervenue en 2005 et est, dès lors, soumise aux conditions restrictives en matière de liens capitalistiques visées au 4° du I de cet article qui ne sont pas remplies en l'espèce ; la cession n'est intervenue que le 9 mars 2005, date de la délivrance de l'agrément du conseil de l'ordre des avocats, car elle était subordonnée à cet agrément conformément aux dispositions de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et de son décret d'application n° 93-492 du 25 mars 1993 ; à l'exception de la signature des statuts, les actes de formation de la SELURL ont tous été effectués en 2005 ; il s'agit d'une condition légale qui s'impose aux parties, même si le contrat de cession ne reprend pas cette disposition et détermine la validité de la cession ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 janvier 2013, présenté pour M. et Mme A... ; ils persistent dans leurs précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et soutiennent, en outre, que :
- le litige ne porte pas sur la question de savoir si la plus-value dégagée par la cession de clientèle était susceptible ou non de bénéficier de l'exonération instituée par l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, mais sur la période d'imposition ;
- la Cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 22 novembre 2012, a fait droit à la SELURL en la déchargeant des droits d'enregistrement mis à sa charge au titre de 2005, en considérant que la cession était parfaite dès 2004 en l'absence de condition suspensive dans l'acte de cession et qu'aucune disposition légale ne conditionne la validité d'un transfert de clientèle d'avocats à l'inscription du cessionnaire au tableau de l'ordre des avocats ; elle a jugé que l'immatriculation au registre du commerce et l'inscription de la société au tableau de l'ordre des avocats constituent des formalités nécessaires à la constitution de la société et à sa personnalité morale mais que cela n'a pas d'effet sur le transfert de clientèle opéré par acte de cession du 24 décembre 2004, sous la signature de son fondateur qui s'engage personnellement et au nom de la société en formation ;
- la société était en cours de formation en 2004 car les statuts de la société ont été signés le 13 décembre 2004 ; la société a ouvert un compte bancaire dès 2004, ainsi que cela est précisé dans l'article 6 de ses statuts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ;
Vu le décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
- et les observations de Me Devis, avocat de M. et Mme A...;
1. Considérant que, par acte du 24 décembre 2004, la société civile professionnelle Pierre et Philippe A...a cédé le mobilier de son cabinet d'avocats et la clientèle de M. B...A...à la société unipersonnelle d'exercice libérale Cabinet d'avocats A...pour un montant de 299 130 euros ; que, suite à la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SCP au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, l'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value, d'un montant de 292 953 euros, dont cette SCP a bénéficié sur le fondement de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts ; que, par un jugement n° 1002054 en date du 12 juin 2012, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. et Mme A...tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mises supplémentairement à leur charge au titre de l'année 2005, pour des montants respectifs de 33 852 euros et de 23 273 euros, ainsi que des pénalités y afférentes d'un montant de 2 437 euros et 1 675 euros ; que M. et Mme A...relèvent appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2004 : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale sont exonérées lorsque les conditions suivantes sont simultanément satisfaites: 1° Le cédant est soit : a) Une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu ; (...) 2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur une branche complète d'activité ; 3° La valeur des éléments de cette branche complète d'activité servant d'assiette aux droits d'enregistrement exigibles en application des articles 719, 720 ou 724 n'excède pas 300 000 euros ; (...) III. - Les dispositions des 1°, 2°, 3° du I (...) s'appliquent aux cessions intervenues entre le 16 juin 2004 et le 31 décembre 2005 " ; que, dans sa rédaction applicable à l'année 2005, a été ajouté le paragraphe suivant : " 4° Le cédant ne doit pas être dans l'une, au moins, des situations suivantes : a) Le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement cessionnaire ; b) Le cédant exerce en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement cessionnaire " ;
3. Considérant que l'administration fiscale soutient que M. et Mme A...ne peuvent prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 238 quaterdecies du code général des impôts aux motifs, d'une part, que la cession de la clientèle de la SCP " Pierre A...et Philippe A..." à la SELURL " Cabinet d'avocats Pierre A... " par acte du 24 décembre 2004 n'a été réalisée qu'en 2005, n'ayant pris effet qu'à la date de la délivrance de l'agrément de cette dernière par le conseil de l'ordre des avocats, le 9 mars 2005, et, d'autre part, que M. A...ne remplissait pas alors la condition prévue par les dispositions du 4° de ce même article applicables à compter du 1er janvier 2005 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 susvisée : " La société ne peut exercer la ou les professions constituant son objet social qu'après son agrément par l'autorité ou les autorités compétentes ou son inscription sur la liste ou les listes ou au tableau de l'ordre ou des ordres professionnels. En ce qui concerne les offices publics ou ministériels, la société doit être agréée ou titularisée dans l'office selon des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. L'immatriculation de la société ne peut intervenir qu'après l'agrément de celle-ci par l'autorité compétente ou son inscription sur la liste ou au tableau de l'ordre professionnel " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 93-942 du 25 mars 1993 portant application de la loi susmentionnée : " La société d'exercice libéral est constituée sous la condition suspensive de son inscription au barreau établi auprès du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est fixé le siège de la société et au tableau duquel est inscrit l'un au moins des associés exerçant au sein de la société " ;
5. Considérant que l'acte de cession du 24 décembre 2004, enregistré à la recette divisionnaire C...5ème, le 28 décembre 2004, ne prévoit aucune condition de validité de la vente tenant à l'inscription du cessionnaire au tableau de l'ordre juridique des avocats ; qu'il mentionne une " entrée en jouissance " au 30 décembre 2004 ; que si les dispositions précitées de l'article 3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et l'article 3 de son décret d'application du 25 mars 1993 subordonnent l'exercice de la profession d'avocat à une inscription au tableau de l'ordre des avocats, elles n'ont pas pour effet de conditionner la validité de la cession en cause à cette inscription ; que la circonstance que le cessionnaire n'a commencé à exercer son activité qu'en 2005 est sans incidence sur la date de validité de la cession ; que, dès lors, c'est à tort que, dans les circonstances de l'espèce, le jugement attaqué a considéré que la cession en cause n'était pas réalisée au 31 décembre 2004 au motif qu'elle était soumise à une condition suspensive qui s'est trouvée réalisée au plus tôt à la date de l'inscription de la société au tableau de l'ordre des avocats de Lyon, le 9 mars 2005 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la question de savoir si la cession a porté sur une branche complète d'activité, c'est à bon droit que les requérants soutiennent qu'ils ne sont pas imposables au titre de l'année 2005 sur la plus-value ainsi réalisée ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et MmeA... D...fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à être déchargés des impositions établies au titre de l'année 2005 sur la plus-value qu'ils ont réalisée lors de la cession du 24 décembre 2004 ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la l'Etat une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Lyon en date du 12 juin 2012 est annulé.
Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2005 au titre de la plus-value réalisée lors de la cession du 24 décembre 2004, ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2013, à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2013.
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N° 12LY01884