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08/01/2013 | FRANCE | N°12LY01017

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2013, 12LY01017


Vu, enregistrée le 17 avril 2012, la décision n° 347284-348555 du 23 mars 2012, par laquelle le Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon, le jugement des conclusions de la requête présentée pour M. A...B..., domicilié..., tendant à l'annulation du jugement n° 0705439-0804473 du Tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2010, en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision implicite de la directrice territoriale de France Télécom Centre-Est refusant de procéder à son reclassement à la date de sa titularisation ;

Vu la requ

ête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 février 2011, présentée par...

Vu, enregistrée le 17 avril 2012, la décision n° 347284-348555 du 23 mars 2012, par laquelle le Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Lyon, le jugement des conclusions de la requête présentée pour M. A...B..., domicilié..., tendant à l'annulation du jugement n° 0705439-0804473 du Tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2010, en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision implicite de la directrice territoriale de France Télécom Centre-Est refusant de procéder à son reclassement à la date de sa titularisation ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 février 2011, présentée par M. A...B... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0705439 et 0804473 du 17 décembre 2010 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant :

- à l'annulation de la décision implicite par laquelle la directrice territoriale de France Télécom a refusé de procéder à son reclassement à la date de sa titularisation, en prenant en compte les deux années de service national civil actif qu'il a effectuées comme objecteur de conscience ;

- à ce qu'il soit enjoint à ladite directrice de prendre en compte ces années et de le reclasser en conséquence, avec intérêts capitalisés ;

2°) d'annuler la décision susvisée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de prendre en compte la période de deux ans en litige et de le reclasser en conséquence avec intérêts capitalisés ;

4°) de lui accorder une somme de 30 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- dès lors que le premier et unique mémoire en défense ne lui a pas été communiqué avant l'audience, le jugement attaqué méconnait les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 161-19 du code de la sécurité sociale ;

- le Tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'inconventionnalité de dispositions du code du service national ;

- les dispositions de l'article L. 161-19 du code de la sécurité sociale lui sont applicables ;

- la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 méconnait les dispositions des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2012, présenté par M. B...qui précise en outre que le versement des intérêts de retard pour la reconstitution financière de sa carrière doit se faire à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant les premiers juges ;

Il soutient en outre que, pour demander l'annulation des décisions litigieuses, il peut se prévaloir dans l'instance en cours, de la décision n° 2011-191 QPC du 13 octobre 2011, par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, les dispositions de l'article L. 63 du code du service national, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 ;

Vu l'ordonnance du 7 juin 2012 par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juin 2012 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

Vu le code du service national ;

Vu la décision n° 2011-181 QPC du 13 octobre 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., agent fonctionnaire de France-Télécom, fait appel du jugement du 17 décembre 2010 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la directrice territoriale de France-Télécom Centre-Est a refusé de procéder à son reclassement à la date de sa titularisation, en prenant en compte les deux années de service national actif qu'il a effectuées comme objecteur de conscience ; que, M. B...qui demande également à la Cour d'enjoindre à l'administration de prendre en compte ces années et de le reclasser en conséquence, avec intérêts capitalisés, doit être regardé comme sollicitant tant le bénéfice d'une décision de reclassement prenant en compte les deux années de service qu'il a accomplies comme objecteur de conscience, que celui du versement du rappel consécutif à ce traitement, assorti des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que " si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration " ;

4. Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ;

5. Considérant que, par sa décision n° 2011 QPC du 13 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots " accompli dans l'une des formes du titre III " figurant au deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national dans sa rédaction issue de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national ; qu'en vertu de l'article 2 de sa décision, cette déclaration d'inconstitutionnalité " prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6 ", aux termes duquel elle " peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles " ;

6. Considérant qu'il est constant que, pour rejeter la demande présentée par M. B... tendant à la prise en compte de ses deux années de service national actif en qualité d'objecteur de conscience dans le calcul de l'ancienneté exigée pour l'avancement, l'administration s'est fondée exclusivement sur les dispositions déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel par sa décision précitée ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin, ni de statuer sur la régularité du jugement, ni d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions visant à l'annulation de la décision par laquelle la directrice territoriale de France-Télécom Centre-Est a refusé de procéder à son reclassement à la date de sa titularisation, en prenant en compte les deux années de service national actif qu'il a effectuées comme objecteur de conscience ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que l'administration ne soutient ni même n'allègue que d'autres motifs s'opposeraient à ce qu'il soit donné satisfaction à M.B... ; que, par suite, il y a lieu de lui enjoindre, pour la reconstitution de carrière et le paiement du rappel des traitements dus à l'intéressé, de prendre en compte les deux années de service national qu'il a accomplies, dans les deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il y a lieu également d'assortir ce rappel de traitements des intérêts demandés à compter du 12 novembre 2007, date d'introduction de sa première demande, devant le Tribunal et de faire droit à la demande de leur capitalisation, à compter du 12 novembre 2008 dès lors qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, compte tenu des frais d'affranchissement, de papier, de photocopies et d'impression que M. B...a pu supporter, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de lui allouer la somme de 30 euros qu'il sollicite au titre de ses frais non compris dans les dépens, à la charge de France-Télécom, partie perdante à l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0705439-0804473 en date du 17 décembre 2010 du Tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision par laquelle la directrice territoriale de France-Télécom Centre-Est a refusé de procéder à son reclassement à la date de sa titularisation, en prenant en compte les deux années de service national actif qu'il a effectuées comme objecteur de conscience et la décision précitée de la directrice territoriale de France-Télécom Centre-Est, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à France-Télécom de prendre une nouvelle décision de reclassement de M.B..., prenant en compte deux années de service au titre des services accomplis comme objecteur de conscience, et de verser à l'intéressé le rappel de traitement consécutif à ce reclassement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Ce rappel de traitement sera assorti des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2007. Les intérêts échus au 12 novembre 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Il est alloué à M. A...B..., à la charge de France-Télécom, la somme de trente (30) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à France-Télécom.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01017
Date de la décision : 08/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-08;12ly01017 ?
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