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28/05/2013 | FRANCE | N°12DA00129

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 28 mai 2013, 12DA00129


Vu le recours, enregistré par courrier électronique le 26 janvier 2012 et régularisé par la production de l'original le 27 janvier 2012 au greffe de la cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901543 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme A...B...a été assujettie au titre de l'année 2001 et a mis à la charge de l'Etat la

somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu le recours, enregistré par courrier électronique le 26 janvier 2012 et régularisé par la production de l'original le 27 janvier 2012 au greffe de la cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901543 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme A...B...a été assujettie au titre de l'année 2001 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer le rétablissement des impositions déchargées et la condamnation de Mme B...à rembourser à l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 83-359 du 2 mai 1983 pris pour l'application de l'article 94-II de la loi de finances pour 1982 (n° 81-1160 du 30 décembre 1981) et relatif au régime des valeurs mobilières ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et MmeB..., détenteurs de 88 377 actions de la SA Groupe OMB ont, en vertu d'un acte de donation-partage passé devant notaire le 17 octobre 2001, attribué à leurs trois enfants 48 000 de ces actions, chaque donataire en recevant 16 000 ; que la valeur unitaire de ces titres de participation a été fixée à 78,18 euros ; que, le lendemain, 18 octobre 2001, la société SACI Fournitures de Bureau, devenue depuis société Fiducial Bureautique, a pris le contrôle de la SA Groupe OMB par rachat, à 18 de ses actionnaires, de 192 385 des 288 577 actions composant son capital, moyennant le prix unitaire de 78,18 euros ; qu'à l'occasion de cette opération de cession, M. et Mme B...ont vendu 26 918 de leurs actions ; que leurs enfants en ont cédé 10 667 chacun, soit 32 001 actions au total ; que si M. et Mme B...ont déclaré la plus-value de cession résultant de la vente de leurs propres actions, l'administration a estimé, à l'issue d'un contrôle sur pièces de leur déclaration de revenus de l'année 2001, que la vente des actions de la SA Groupe OMB avait été effectivement réalisée avant la donation-partage et, qu'ainsi, la plus-value résultant de la cession des 32 001 titres attribués aux enfants devait être imposée aux noms de leurs parents, sur la base d'un prix d'acquisition de 0,43 euros et non pas sur celle de la valeur, égale au prix de cession, fixée dans l'acte de donation-partage ; que le ministre fait appel du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, notamment, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme A... B... a été assujettie au titre de l'année 2001 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I. 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 A bis, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 francs par an. (...) " ; qu'en vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès lors qu'ils sont convenus de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ;

3. Considérant que, les redressements n'ayant pas été acceptés par M. et MmeB..., il appartient à l'administration d'apporter la preuve de ce que la cession des 32 001 actions en cause a été réalisée antérieurement à la date du 18 octobre 2001 déclarée par les intéressés et figurant sur le registre des mouvements de titres de la SA Groupe OMB ;

4. Considérant que, si l'administration doit en principe apporter la preuve qui lui incombe du caractère parfait de la vente en se fondant sur les stipulations de l'acte de cession ainsi que sur les actes contemporains des pourparlers ayant précédé la cession, encore faut-il qu'elle y ait accès ; que le ministre fait valoir, sans être contesté, que le service a cherché, en vain, à prendre connaissance de la convention de cession des actions en cause ainsi qu'aux lettres d'intention et protocole d'accord ayant précédé la conclusion de cette convention ; que l'existence de cette convention résulte suffisamment des stipulations du contrat de prêt du 18 octobre 2001, passé entre la Lyonnaise de Banque et la société SACI Fournitures de Bureau, emprunteur, dont l'article 4.1.8 rappelle que cette dernière a, préalablement à la date de signature, remis à la banque une copie certifiée conforme du contrat dit d'acquisition Groupe OMB ; que la contribuable intimée ne conteste pas l'existence de ce contrat, ni celle d'une lettre d'intention établie en août 2001, mentionnée dans un rapport d'audit réalisé sur le groupe OMB, ni celle d'un protocole d'accord, toutes pièces qu'elle est seule à pouvoir verser au dossier ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à l'administration de s'être abstenue de produire une promesse de vente, ni d'avoir rassemblé des indices de nature diverse pour étayer sa position ;

5. Considérant que le contrat de prêt du 18 octobre 2001 rappelle, en exposé liminaire, les conditions de la prise de contrôle de l'intégralité des actions de la SA Groupe OMB par la société SACI Fournitures de Bureau par acquisition, dans un premier temps, des deux tiers, au jour de réitération, et, avant le 31 mars 2002, du tiers restant ; qu'à ces deux dates, le prix unitaire de l'action s'élevait, aux termes de l'acte d'acquisition établi préalablement au contrat de prêt et auquel ce dernier se réfère, à 78,18 euros ; que le prêt a été consenti sous la forme de quatre tranches de financement concourant à l'attribution à la société SACI Fournitures de Bureau d'un montant total de 38 850 000 euros ; que la première de ces tranches, dite A1, d'un montant en capital de 12 950 000 euros, était destinée à financer partiellement l'acquisition des deux premiers tiers des actions de la SA Groupe OMB, au prix unitaire de 78,18 euros déjà indiqué ; qu'à titre de garantie, la Lyonnaise de Banque a recueilli le cautionnement de la société SACI, société mère de la société emprunteuse SACI Fournitures de Bureau, à concurrence de la somme totale prêtée de 38 850 000 euros ; que le cautionnement pour ce montant précis, et donc déterminé à partir du prix unitaire de 78,18 euros, a été autorisé par le conseil d'administration de la société SACI du 10 octobre 2001, antérieur de plusieurs jours à la date du 18 octobre 2001 où le paiement est intervenu ; que ce prix unitaire de 78,18 euros est encore le prix sur lequel se sont engagés les actionnaires de la SA Groupe OMB pour céder leurs dernières actions avant le 31 mars 2002 ; qu'il est également celui qui a été retenu pour évaluer, le 17 octobre 2001, la valeur des actions ayant fait l'objet de la donation-partage au bénéfice des enfants des contribuables redressés ; que ces éléments, objectifs, précis et concordants révèlent que les banque et caution se sont engagées, au plus tard le 10 octobre 2001, en toute connaissance des détails de l'opération, sur le prix de cession des actions et sur leur nombre ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'absence de production des actes contractuels qui permettraient de démentir l'analyse que l'administration en a fait à partir des modalités de financement analysées ci-dessus, elle doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que les parties à la cession s'étaient entendues sur le nombre d'actions et sur leur prix unitaire de 78,18 euros avant la date du 17 octobre 2001 ;

6. Considérant que la circonstance, invoquée en défense par MmeB..., que l'existence d'une multiplicité de cédants, unis par un pacte d'actionnaires, était de nature à compromettre la perfection de l'accord est simplement alléguée, sans que la réalisation d'un tel événement soit avérée par les attestations, établies plusieurs années après les négociations et dont la teneur, imprécise, ne permet pas de pallier l'absence de production des actes de ventes et avant-contrats que la contribuable s'est refusée à soumettre aux débats ; que le courrier électronique d'un cabinet d'avocats transmettant en pièce jointe, le 17 octobre 2001 à 21 h 27 une nouvelle version de l'accord, est seulement de nature à justifier que d'ultimes ajustements rédactionnels sont intervenus pour, notamment, tenir compte des incidences fiscales des stipulations des articles 2.9, 3.1 et 3.2, sans qu'il soit établi que ces modifications aient eu pour objet ou pour effet de revenir sur l'accord convenu préalablement à propos de la chose et du prix ; qu'en l'absence de production d'éléments contemporains des négociations, les mêmes attestations, eu égard à leur imprécision, ne permettent pas de conclure que le caractère déterminé ou déterminable du prix unitaire des actions a été remis en cause le 18 octobre 2001 en raison de la poursuite de discussions sur l'étendue d'une garantie de passif ; que les conditions dans lesquelles ont été établis, dans la soirée du 18 octobre 2001, les chèques de banque, sont sans incidence sur le caractère parfait de la cession ; que, de façon plus générale, la contribuable intimée soutient qu'un événement était encore susceptible d'intervenir jusqu'à la fin de la journée du 18 octobre 2001 pour remettre en cause les termes de l'accord ; que, toutefois, cette seule allégation, qui n'est au demeurant assortie d'aucune précision sur l'existence d'autres variantes que le prix de 78,18 euros résultant clairement de l'accord que les banque et caution ont accepté de financer et garantir, ne suffit pas à remettre en cause les éléments rassemblés par le service ; que, dans ces conditions, en ayant estimé que l'administration n'apportait pas la preuve que la cession des actions en cause s'était réalisée antérieurement à la donation-partage intervenue le 17 octobre 2001, le tribunal administratif s'est livré à une appréciation erronée des faits qui lui étaient soumis ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par Mme B...;

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (...) " ;

9. Considérant que l'administration n'a pas remis en cause l'intention libérale qui a animé M. et Mme B...lors de la donation-partage qu'ils ont consentie à leurs enfants ; que l'administration n'a pas davantage estimé qu'ils avaient effectué cette donation dans un but exclusivement fiscal ; que le service, qui n'a écarté aucun acte comme lui étant inopposable, s'est borné, pour rechercher le fait générateur de la plus-value de cession à titre onéreux en cause, à identifier la date à laquelle cette cession s'est réalisée pour l'application des dispositions précitées de l'article 150-0 A du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration a mis en oeuvre, implicitement, la procédure de répression des abus de droit, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, doit être écarté ;

10. Considérant, en second lieu, qu'en énonçant que la convention des parties s'impose à l'administration tant que son caractère fictif ou la motivation exclusivement fiscale n'est pas établie, la documentation administrative n° 3 G-143 du 1er juillet 1989 n'ajoute pas à la loi ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme B...a été assujettie au titre de l'année 2001 ; que lesdites impositions doivent être rétablies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

En ce qui concerne les frais de première instance :

13. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; qu'en vertu du présent arrêt, la décharge prononcée en première instance n'était pas justifiée ; que, par suite, le ministre est fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;

En ce qui concerne les frais d'appel :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B...une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901543 du 15 décembre 2011 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Mme B...est rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2001 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.

Article 3 : Les conclusions de Mme B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°12DA00129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00129
Date de la décision : 28/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL MAUBANT-SARRAZIN-VIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-05-28;12da00129 ?
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