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08/01/2013 | FRANCE | N°12BX00755

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08 janvier 2013, 12BX00755


Vu la requête enregistrée le 23 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 30 mars 2012 présentée par Me C...pour M. B..., placé en rétention administrative au centre de rétention zone aéroportuaire Blagnac, avenue Pierre Georges Latécoère à Cornebarrieu (31700) ;

M. A...B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201328 du 23 mars 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 mars 2012 par lequel le préfet

de l'Indre lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé ...

Vu la requête enregistrée le 23 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 30 mars 2012 présentée par Me C...pour M. B..., placé en rétention administrative au centre de rétention zone aéroportuaire Blagnac, avenue Pierre Georges Latécoère à Cornebarrieu (31700) ;

M. A...B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201328 du 23 mars 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 mars 2012 par lequel le préfet de l'Indre lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, ensemble l'arrêté du 21 mars 2012 par lequel le préfet de l'Indre a décidé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient :

- qu'il n'a reçu aucun avis le convoquant à l'audience du tribunal administratif et que le jugement est donc irrégulier ;

- que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour en date du 12 mars 2012 ;

- que ce dernier est illégal en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- que le préfet n'a pas examiné de façon réelle et sérieuse sa situation ;

- que le refus de titre est entaché d'erreur de fait puisqu'il présentait des risques nouveaux de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

- qu'il est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet ne pouvait pas examiner son droit au séjour en qualité de salarié ;

- qu'il est entaché d'un défaut d'examen sérieux au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la Convention de New York sur les droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus d'admission au séjour en date du 7 décembre 2011 en ce que ce dernier méconnait les dispositions de l'article R742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 10 de la directive 2008/115/CE et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où la demande de réexamen de sa demande d 'asile n'était pas abusive puisqu'il apportait des faits nouveaux quant aux risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

- que l'obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement de l'article L511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lequel est contraire aux articles 7 et 12 de la directive 2008/115/CE et est donc entachée d'un défaut de base légale ;

- que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 7 de la directive 2008/115/CE en ce que le préfet s' est estimé en situation de compétence liée pour limiter son délai de départ volontaire à un mois ;

- que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisque l'autorité préfectorale a refusé d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à un mois ;

- que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle en ce qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

- que l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte au droit à la sécurité de sa personne qu'il détient en application de l'article 9-1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

- que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- que la décision fixant le pays de destination est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la cour nationale du droit d'asile ;

- que la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article

L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que pour le surplus, il entend se remettre à ses moyens présentés en première instance ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2012, présenté par le préfet de l'Indre qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée ;

- que, n'ayant pas contesté devant le tribunal administratif dans le délai de deux mois suivant sa notification la décision de refus d'admission provisoire au séjour en date du 7 décembre 2011, l'intéressé est hors délai et ne peut valablement contester cette décision à l'appui de sa requête contre ses décisions en date des 12 et 21 mars 2012 ; que le refus de séjour intervient à la suite de la demande par le requérant du réexamen de sa demande d'asile en date du 7 décembre 2011 ;

- que la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ;

- que le comportement du requérant, qui n'a pas respecté son assignation à résidence, démontre bien qu'il souhaite faire échec à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

- que son arrêté ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'épouse du requérant fait l'objet d'une mesure similaire ;

- qu'il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ainsi que par le même office en procédure prioritaire le 19 décembre 2011 et que l'intéressé n'apporte pas d'éléments probants permettant d'établir un risque en cas de retour en Arménie, pays ayant d'ailleurs été considéré comme un pays sûr par décision du conseil d'administration du 2 décembre 2011 ;

- que les autres moyens ne pourront qu'être rejetées ;

Vu le mémoire enregistré le 4 juillet 2012, pour M.B..., qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que la requête initiale ;

Il soutient en outre :

- que l'arrêté du 12 mars 2012 procède du rejet de sa demande de réexamen présentée au titre de l'asile;

- que le refus de titre de séjour dont procède l'obligation de quitter le territoire français est intervenu au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 9 août 2012, pour M.B..., qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que la requête initiale ;

Il soutient, en outre :

- que la privation de la garantie prévue à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile affecte le refus de titre de séjour ;

- que ce refus, dont procède l'obligation de quitter le territoire contestée, est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 27 septembre 2012 admettant M. A...B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 27 août 2012 à 12 :00 heures ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Mireille Marraco, président ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité arménienne, entré en France en décembre 2009, a présenté une demande d'asile le 18 décembre 2009, rejetée par décision en date du 10 février 2010 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 22 décembre 2010 ; qu'à la suite du refus de séjour dont il a fait l'objet, le 27 mai 2011 par arrêté du préfet de l'Indre, il a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile le 7 décembre 2011 ; que par décision du même jour, le préfet de l'Indre a refusé son admission au séjour ; que par décision en date du 19 décembre 2011, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande de M. B... ; que, par décision du 12 mars 2012,le préfet de l'Indre a opposé à M. B...un refus de titre de séjour ; que ce dernier interjette appel du jugement par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet de l'Indre a décidé, le 12 mars 2012, de l'obliger à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, ensemble la décision du 21 mars 2012 le plaçant en rétention ;

Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président" ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande d'aide juridictionnelle présentée par l'intéressé devant le bureau de l'aide judiciaire de Bordeaux a été accueillie ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R.741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la transposition du paragraphe 1 de l'article 10 la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres : " (...) L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ;

4. Considérant que la décision du 12 mars 2012 par laquelle le préfet de l'Indre a refusé à l'intéressé un titre de séjour est intervenue à la suite du refus d'admission au séjour du 7 décembre 2011, qu'elle mentionne d'ailleurs dans ses visas, et de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 décembre 2011 portant rejet de la demande d'asile ; que les deux décisions du préfet de l'Indre en date du 7 décembre 2011 et du 12 mars 2012 sont comprises dans une même procédure ; que, dans ces conditions, M. B... peut utilement invoquer dans son dernier mémoire, par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du refus de titre du même jour, l'illégalité de ce refus pris à la suite de la décision du 7 décembre 2011 par laquelle le préfet de l'Indre a refusé son admission provisoire au séjour ; qu'il est constant que M. B...n'a pas bénéficié des garanties prévues par les stipulations précitées dans le cadre de la procédure de réexamen de sa demande d'asile ; qu' il résulte, cependant, des dispositions du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 que celles-ci instituent une " garantie fondamentale " pour les demandeurs d'asile ; que par suite, le rejet de la demande d'admission au séjour du 7 décembre 2011 et le refus de titre de séjour du 12 mars 2012 sont intervenus au terme d'une procédure irrégulière ; que, dès lors, la décision du 12 mars 2012 portant obligation de quitter le territoire français est elle-même entachée d'illégalité et doit être annulée ; que les décisions fixant le pays de renvoi du 12 mars 2012 et celle du 21 mars 2012 ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2012 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, ensemble l'arrêté du 21 mars 2012 de placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que M. B...bénéficie de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Maître C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Maître C...de la somme de 1500 euros ;

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B...tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 1201328 du 23 mars 2012 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : Les décisions du préfet de l'Indre en date du 12 mars 2012 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, ensemble la décision du 21 mars 2012 de placement en rétention administrative sont annulées.

Article 4 : En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera la somme de 1500 euros à Me C..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

Mme Mireille Marraco, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

M. Patrice Lerner, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.

Le président assesseur,

Jean-Pierre VALEINSLe président,

Mireille MARRACO

Le greffier,

Hélène de LASTELLE du PRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12BX00755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00755
Date de la décision : 08/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Mireille MARRACO
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : DE BOYER MONTEGUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-01-08;12bx00755 ?
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