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05/02/2013 | FRANCE | N°12BX00631

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 05 février 2013, 12BX00631


Vu la requête enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle, dont le siège est 102 rue des Coureilles Les Minimes à La Rochelle cedex 1 (17024), par Me C...;

L'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0901188-0902374 du 18 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande dirigée contre la décision en date du 18 mars 2009 par laquel

le l'inspecteur du travail de la Charente Maritime a refusé d'autoriser le...

Vu la requête enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle, dont le siège est 102 rue des Coureilles Les Minimes à La Rochelle cedex 1 (17024), par Me C...;

L'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0901188-0902374 du 18 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande dirigée contre la décision en date du 18 mars 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la Charente Maritime a refusé d'autoriser le licenciement de MmeD..., d'autre part, rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 17 août 2009 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser licenciement de Mme D...;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 17 août 2009 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 mars 2009 ;

4°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail de la Charente Maritime d'autoriser le licenciement de Mme D...dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Elle soutient que :

- l'origine disciplinaire des faits reprochés empêche un réexamen de la situation ;

- le ministre devait reconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge administratif, confirmée en appel, et autoriser le licenciement fondé sur la même demande ;

- l'exception au principe de l'autorité de la chose jugée en matière de licenciement pour faute est constituée par l'intérêt général, qui n'est pas invoqué ;

- le contenu de la circulaire du 4 octobre 1993 aboutit à faire autoriser le licenciement de MmeD..., ladite circulaire ayant vocation à s'appliquer à l'examen des faits ;

- les décisions juridictionnelles déjà rendues ne peuvent être anéanties en raison de l'écoulement du temps du fait de la durée de la procédure et d'une nouvelle enquête ;

Vu les décisions et le jugement attaqués ;

Vu le mémoire enregistré le 28 juin 2012, présenté pour MmeD..., par la Scp Drouineau-Cosset-Bacle ; Mme D...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle a pour seule motivation la méconnaissance par le premier juge de la jurisprudence et d'une circulaire non réglementaire, ce qui remet en cause le principe de l'indépendance du juge administratif et la cour n'étant ainsi saisie d'aucune critique du jugement ;

- tenue de procéder à un réexamen de la demande d'autorisation de licenciement, l'administration doit apprécier les circonstances de fait et de droit existantes à la date à laquelle elle statue à nouveau ; on ne saurait reprocher au ministre d'avoir pris en compte des faits intervenus postérieurement à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 février 2010 ;

- l'inspecteur du travail a été saisi le 21 janvier 2009, sur la base du seul grief d'insubordination et sur les mêmes faits constituant ce grief ; or, la demande d'autorisation de licenciement n'est fondée sur aucun fait d'une gravité suffisante, dès lors que ses relations avec la hiérarchie se sont apaisées et qu'aucun fait nouveau d'insubordination n'a été constaté ;

- l'administration a fait application de la circulaire du 4 octobre 1993 en prenant en compte les éléments susceptibles d'avoir une influence sur la décision à intervenir ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 24 juillet 2012, présenté pour l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle, par MeA..., qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Elle soutient que le mémoire de Mme D...est tardif, que sa requête est motivée, que la jurisprudence a un rôle créateur et une autorité morale ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 1er août 2012, présenté pour Mme D..., qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;

Elle ajoute que son mémoire en défense, communiqué avant la clôture de l'instruction, est recevable ;

Vu l'ordonnance fixant clôture de l'instruction au 12 septembre 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2013 :

- le rapport de M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de Me Meunier, avocat de Mme B...D...;

1. Considérant que l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle a demandé par courrier du 19 septembre 2006 l'autorisation de licencier Mme D..., exerçant les fonctions de représentante syndicale, de membre du comité d'entreprise et de déléguée du personnel suppléante ; que par une décision du 17 novembre 2006, l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Charente-Maritime a refusé de lui donner cette autorisation ; que cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 19 décembre 2008, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 mars 2010 ; qu'à la suite du jugement susmentionné, l'association requérante a présenté le 23 janvier 2009, une nouvelle demande d'autorisation pour licencier Mme D... ; que l'inspecteur du travail a rejeté cette nouvelle demande par décision du 18 mars 2009 ; que l'association requérante a adressé, le 16 avril 2009, au ministre chargé du travail un recours hiérarchique à la suite duquel le ministre, par une décision du 17 août 2009, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 mars 2009, mais a refusé de délivrer à l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle l'autorisation de licencier Mme D...; que l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle fait appel du jugement n°s 0901188 - 0902374 du 18 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a décidé de prononcer un non-lieu à statuer sur sa demande dirigée contre la décision de l'inspecteur du travail de la Charente Maritime du 18 mars 2009, et a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 17 août 2009 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser licenciement de Mme D... ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme D... en défense, la requête de l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle, qui comporte une critique du jugement de première instance et des moyens d'appel, est recevable ;

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

3. Considérant que le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires n'étant pas prescrit à peine d'irrecevabilité, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le mémoire en défense de Mme D..., enregistré par télécopie le 28 juin 2012, alors que l'instruction n'était pas close, et régularisé le 2 juillet 2012, serait irrecevable ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 mars 2009 :

4. Considérant que l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle ne conteste pas le non-lieu à statuer opposé par les premiers juges à la demande dirigée contre la décision de l'inspecteur du travail ; que, par suite, ses conclusions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre en date du 17 août 2009 :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants syndicaux, délégués du personnel et membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonnée à une autorisation de l'administration en charge du respect de la législation relative au travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir un motif d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

6. Considérant qu'il ressort des pièce du dossier que pour annuler la décision de l'inspecteur du travail du 17 novembre 2006 refusant d'autoriser l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle à licencier MmeD..., le tribunal administratif de Poitiers, dans son jugement du 19 décembre 2008, s'est fondé sur ce que la faute reprochée à cette salariée était suffisamment grave pour justifier son licenciement ; que saisi par l'employeur d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement de l'intéressée présentée le 23 janvier 2009 auprès de l'inspecteur du travail, pour les mêmes faits que ceux qu'il avait invoqués à l'appui de ses précédentes demandes, l'inspecteur du travail, et à sa suite le ministre chargé du travail saisi sur recours hiérarchique du réexamen de la demande, ne pouvaient, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, dénier aux faits reprochés à Mme D..., caractérisés par un comportement d'obstruction et d'insubordination, le caractère de faute suffisamment grave ; que, dès lors, en refusant pour ce motif d'autoriser le licenciement de MmeD..., le ministre a entaché sa décision d'illégalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 17 août 2009 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser licenciement de Mme D...;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant que si le ministre ne peut dénier aux faits reprochés à Mme D... le caractère de faute suffisamment grave, ni estimer que la demande de cette salariée était en rapport avec ses fonctions représentatives, il conserve néanmoins la faculté de refuser l'autorisation sollicitée en retenant, eu égard à la situation existant à la date de sa décision, des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ; que, par suite, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au ministre d'autoriser le licenciement de l'intéressée, mais seulement de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement dans le cadre du recours hiérarchique dont il était saisi en tenant compte de l'autorité de la chose jugée ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°s 0901188 - 0902374 du 18 janvier 2012 du tribunal administratif de Poitiers est annulé, en tant qu'il rejette la demande présentée par l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle, dirigée contre la décision en date du 17 août 2009 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser licenciement de Mme D....

Article 2 : La décision en date du 17 août 2009 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser licenciement de Mme D...est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent l'arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association de gestion du groupe Ecole Supérieure de commerce de La Rochelle et les conclusions de Mme D...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de gestion du groupe Ecole supérieure de commerce de la Rochelle, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme B...D....

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Bernard Chemin, président,

M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 5 février 2013.

Le rapporteur,

Jean-Emmanuel Richard

Le président,

Bernard Chemin

Le greffier,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

André Gauchon

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No 12BX00631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00631
Date de la décision : 05/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-05-05-02 Procédure. Incidents. Non-lieu. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MUNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-02-05;12bx00631 ?
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