LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Maurice X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 12 octobre 2011, qui, pour provocation à la discrimination raciale, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire personnel et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., président de l'association " Le Parti National Radical " et directeur de publication de son organe de presse " Le National Radical ", a été cité devant le tribunal correctionnel à la requête de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) sous la prévention de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à la suite de la publication d'un article dudit journal intitulé " Les juifs qui dominent la France ", qui avait été mis en vente le 1er juin 2010 et diffusé à Grenoble le 19 juin 2010 ; que débouté de ses demandes aux fins de nullité de la citation et déclaré coupable de l'infraction reprochée par les premiers juges, M. X... a relevé appel de la décision, de même que le ministère public et la LICRA, partie civile ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 114, 117, 416 du code de procédure civile et de l'article 21-7 des statuts de la LICRA ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ses dispositions rejetant l'exception de nullité de la citation soulevée par le prévenu qui invoquait l'absence de délibération de la commission juridique de la LICRA autorisant cette association à engager l'action, l'arrêt retient, notamment, qu'il a été justifié par la partie civile de la tenue, le 28 juin 2010, d'une réunion de cette commission au cours de laquelle il a été décidé d'engager une poursuite à l'encontre de M. X..., et de donner pouvoir à M. Y..., président de la LICRA, et à M. Z..., d'ester en justice au nom de cette association ;
Qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la citation a bien été délivrée à la requête du représentant légal de la personne morale, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 65 et 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 et 111-3 du code pénal ;
Attendu que, pour rejeter l'exception prise de la prescription de l'action publique soulevée par M. X... au motif que l'article incriminé n'était que la reprise intégrale d'extraits d'un livre qui avait été édité le 26 janvier 2009, l'arrêt énonce que toute réimpression, étant un nouvel acte de publication, fait courir un nouveau délai de prescription ; que les juges ajoutent que la publication de l'article dont M. X... revendique être l'auteur, et qui est paru dans le journal " Le National Radical " acheté le 19 juin 2010, a fait courir un nouveau délai de trois mois, tel que prévu à l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'ils en déduisent que la citation, remise le 10 août 2010, a été délivrée dans le délai légal ;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la cour a relevé que le délai de prescription était de trois mois alors qu'en matière de délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales, ce délai est porté à un an en application de l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881, cette erreur est en l'espèce dépourvue de conséquence, dès lors que la prescription de l'action publique n'était pas acquise, en la circonstance, à la date de la délivrance de la citation introductive d'instance ;
Qu'en effet, en matière de presse, le fait de publication étant l'élément par lequel les infractions sont consommées, toute reproduction dans un écrit rendu public d'un texte déjà publié est elle-même constitutive d'infraction, et que le point de départ de la prescription, lorsqu'il s'agit d'une publication nouvelle, est fixé au jour de cette publication ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 665, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
Attendu que, par lettre recommandée avec avis de réception reçue au palais de justice le 2 mai 2011, M. X... a saisi le procureur général près la cour d'appel de Grenoble d'une demande de renvoi de la procédure devant une autre juridiction, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que cette requête étant demeurée sans réponse, le prévenu a demandé aux juges du second degré de surseoir à statuer ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués dès lors qu'aucune décision effective de renvoi n'était intervenue, en application de l'article 665, alinéa 2, du code procédure pénale, à la date de l'audience de la cour d'appel ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile et de l'article 43 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque l'article 455 du code de procédure civile, n'est pas, pour le surplus, de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 24, alinéa 8, et 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 et 1382 du code civil ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, a exactement apprécié le sens et la portée des propos dénoncés et à bon droit retenu qu'ils constituaient le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales ;
Attendu que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le demandeur, déclarant la LICRA recevable en sa constitution de partie civile, les juges du fond ont fait l'exacte application des dispositions de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors que cette association, régulièrement déclarée depuis plus de cinq ans à la date des faits et se proposant, par ses statuts, de combattre le racisme et d'assister les victimes de discrimination, peut exercer les droits reconnus à la partie civile ;
Attendu que, enfin, les juges du fond ont souverainement apprécié, dans les limites des conclusions de la partie civile, le montant de l'indemnité propre à réparer le dommage résultant de l'infraction retenue ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque l'article 1382 du code civil, n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Maziau conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.