LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1709 du code général des impôts et 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Madeleine X...est décédée le 10 août 1996 laissant comme héritiers MM. Y...et X...; que l'administration fiscale a notifié un redressement des droits de succession à M. Y...; qu'après mise en recouvrement des droits et pénalités correspondants et en l'absence de réponse à sa réclamation, M. Y...a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargé de cette imposition ;
Attendu que, pour le dire dépourvu d'intérêt à soulever l'irrégularité de la procédure fiscale, l'arrêt retient qu'il a été destinataire de l'ensemble des actes afférents à celle-ci, que seul son cohéritier serait en droit d'invoquer la méconnaissance du principe de la contradiction et de loyauté des débats et que le non-respect de ce principe n'a pas fait grief à M. Y...;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si l'administration peut choisir de notifier les redressements à l'un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et que la loyauté des débats l'oblige à notifier les actes de celle-ci à tous ces redevables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y...la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure :
EN CE QU'il a infirmé le jugement entrepris qui a prononcé le dégrèvement de l'imposition litigieuse ;
Aux motifs qu'« il suffit de constater que M. Y..., redevable solidaire de la dette fiscale régulièrement choisi par l'administration en application des dispositions des articles 1705 et 1709 du CGI qui prévoient une solidarité entre les parties à un acte présenté à l'enregistrement ainsi qu'entre les cohéritiers d'une succession, a été régulièrement destinataire de l'ensemble des actes afférents à la procédure de contrôle ; que s'il est vrai que la procédure doit être contradictoire et que la loyauté des débats oblige l'administration a notifier, en cours de procédure, à l'ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies, les actes de procédure les concernant, force est cependant de constater que seul M. René X..., placé dans cette situation, serait, le cas échéant, en droit d'invoquer la méconnaissance de ces exigences qui, au demeurant, ne fait pas grief à M. Y..., ainsi dépourvu d'intérêt à soulever une irrégularité de ce chef ; qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré qui a, à tort, déclaré la procédure irrégulière dans son ensemble, sera infirmé (…) ;
Alors que le principe d'une procédure contradictoire et la loyauté des débats obligent l'administration, postérieurement à la notification de redressement, à notifier à l'ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies, les actes de procédure les concernant ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale s'est contentée de notifier l'avis de mise en recouvrement et les actes de procédure à un seul des débiteurs solidaires ; que la Cour d'appel ne relève aucun élément qui indique que M. Y...se serait présenté comme le représentant des codébiteurs et, en particulier, comme le représentant de M. René X...; qu'en ayant constaté que l'avis de mise en recouvrement et l'ensemble des actes afférents à la procédure de contrôle n'ont été notifiés qu'à M. Y..., lequel n'apparaissait pas s'être présenté comme représentant du cohéritier M. René X..., la Cour d'appel a retenu à tort que l'administration n'avait pas méconnu le principe de la contradiction et de la loyauté des débats, ce qui entachait inévitablement d'irrégularité la procédure suivie pour établir le rappel des droits litigieux et justifier qu'ils soient mis à la charge de M. Y...et de M. X...;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure :
EN CE QU'il a infirmé le jugement entrepris qui a prononcé le dégrèvement de l'imposition litigieuse ;
Aux motifs que « le service de contrôle, estimant que la valeur vénale des divers lots de copropriétés situé au 13 rue ..., qui ne sont plus en cause, et situés au 11 rue ..., seuls examinés dans le cadre de la présente instance, portés dans la déclaration de succession de Mme X...pour une valeur de 12. 706. 000 francs (1. 937. 017 euros) a, pour procéder au rehaussement critiqué, s'agissant, non d'un immeuble entier, mais de 32 chambres ou appartements, régulièrement produit, pour chaque catégorie de biens, des termes de comparaison se rapportant à la consistance de ces biens, à leur emplacement et au marché observé, soit :-7 ventes d'appartements de 3 ou 4 pièces dont la surface utile était comprise entre 50 et 115 m2, situés dans des rues proches et dans des immeubles d'aspect similaire aux biens à évaluer ou situés dans des immeubles de moins bonne facture, étant observé que les biens objet du litige sont situés dans un immeuble en pierre de taille partiellement ouvragée signé par un architecte,-3 ventes d'appartements de 2 pièces dont la surface utile était comprise entre 47 et 52 m2 permettant d'estimer les appartements entrant dans cette catégorie, étant précisé que les termes de comparaison sont situés dans des rues proches et dans des immeubles d'aspect similaire aux biens à évaluer ou situés dans des immeubles de moins bonne facture,-3 ventes de chambres isolées dont la surface utile était comprises entre 9 et 21 m2, les termes de comparaison étant situés dans des rues proches et dans des immeubles d'aspect similaire aux biens évalués ou situés dans des immeubles de moins bonne facture ; que les services fiscaux ont ainsi retenu 13 termes de comparaison, chiffre substantiel, constitués par des transactions non seulement antérieures mais encore réalisées à des dates très proches du générateur de l'impôt et, par surcroît, concernant des biens immobiliers dont les emplacements, la qualité des matériaux de construction, la configuration ainsi que la date de construction sont similaires aux biens à évaluer, qui font ressortir un prix au mètre carré compris entre 16 570 francs (2 526 euros) et 21. 176 francs (3228 euros) ; que s'agissant de l'existence, mise en exergue par M. Y..., dans la succession de Mme X..., de biens loués, l'administration peut utilement faire valoir qu'une évaluation au moyen de termes de comparaison constitués par des appartements occupés n'était, d'une manière générale, pas adéquate au cas d'espèce, au regard de l'ancienneté relative du dossier, la déclaration de succession principale n'ayant été déposée deux ans et demi après le décès ainsi que de la variété des types de locaux, de la présence d'occupants sans titre ou encore des différents régimes locatifs en cause ; que, concernant spécialement les biens loués sous le régime de la loi du 1er septembre 1948, l'administration justifie la très grande rareté des transactions intervenues susceptibles de servir de termes de comparaison, dès lors qu'à partir des critères simples de sélection constitués par l'arrondissement et la date de mutation, il est constant :- qu'alors que 973 mutations de lots de copropriété ont été réalisées entre le 1er janvier 1995 et le 10 août 1996 dans le 4ème arrondissement de Paris, trois biens immobiliers cédés seulement étaient loués sous le régime de la loi du 1er septembre 1948,- entre le 1er janvier 1995 et le 10 août 1996, sur 1199 ventes de lots de copropriété situés dans des immeubles à Paris (3ème), 3 lots seulement étaient loués sous le régime de la loi du 1er septembre 1948 ; qu'au surplus, l'administration est fondée à opposer à M. Y...que l'existence, à Paris, le 20 mai 2009, près de dix ans après le fait générateur de l'impôt, de 300. 000 logements loués sous le régime de la loi du 1er septembre 1948, ne signifie pas pour autant qu'un nombre identique de transactions a été enregistré ; que, dès lors, au regard des particularités de l'occupation des locaux du 11 rue ..., les services fiscaux étaient fondés à mettre en oeuvre la méthode d'évaluation la plus adaptée à la situation d'espèce, qui était constituée par la comparaison par lots et à l'application d'un abattement afin de tenir compte de l'occupation des lieux ; qu'ainsi, les services fiscaux ont pratiqué un abattement substantiel et suffisant, par surcroît conforme à l'avis de la commission de conciliation :- de 40 % sur la valeur vénale brute des lots de copropriété loués sous le régime de la loi du 1er septembre 1948, au nombre de 15,- de 20 % sur la valeur vénale brute des lots de copropriété loués sous les divers régimes de baux libres, au nombre de 20 ; qu'au surplus, s'agissant des locaux libres ou réputés libres en raison de l'absence de bail écrit, la valeur vénale réelle retenue a été de 100 % de la valeur vénale brute, soit le prix au mètre carré multiplié par la surface du bien tirée du rapport d'expertise fourni par le redevable ; qu'en outre, les services fiscaux ont tenu compte de la dépréciation des lots situés en étage élevé d'un immeuble dépourvu d'ascenseur selon les modalités suivantes : 5 % sur les lots situés au 4ème étage, 10 % sur des lots situés au 5ème étage et 15 % sur les lots situés au 6ème étage ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration a mis en oeuvre au cas d'espèce une méthode appropriée, conforme aux principes qui ont été rappelés, prenant en compte la spécificité des biens en cause pour retenir une valeur vénale plus élevée que celle qui avait été portée dans la déclaration de succession et qui a ainsi conduit au rehaussement critiqué, étant observé que les modifications apportées par les services fiscaux en cours de procédure à l'évaluation des biens objet du litige ne révèlent pas l'inadéquation des termes de comparaison initialement retenus mais, seulement, que l'administration a pris en compte, dans le cadre de la procédure contradictoire, les observations formulées par le redevable en ce qui concerne certaines particularités des biens en cause ; » Alors, en premier lieu, que M. Y...avait soutenu, devant la Cour d'appel, que la procédure concernant l'immeuble sis 11, rue ... est irrégulière pour défaut de motivation en raison de l'absence de justification des abattements forfaitaires appliqués pour pallier l'inadéquation des termes de comparaison ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, qui était pourtant de nature à influer sur le litige, les juges d'appel ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions, et partant, violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, en second lieu, qu'en application des articles L. 17 et L. 55 du Livre des procédures fiscales, l'administration peut rectifier le prix ou la valeur d'un bien ayant donné lieu à perception de droits d'enregistrement lorsque ceux-ci semblent inférieurs à la valeur vénale réelle ; que pour déterminer la valeur locative réelle d'un bien, il convient de procéder à des comparaisons tirées de la cession, en nombre suffisant, de biens intrinsèquement similaires en fait et en droit ; que, cependant, l'obligation de procéder à des comparaisons tirées de la cession de biens intrinsèquement similaires pour déterminer la valeur vénale réelle d'un immeuble n'implique pas que les biens ainsi pris en considération soient strictement identiques dans le temps, l'environnement et l'emplacement à ceux qui constituent l'objet du litige ; que lorsque toute comparaison se révèle impossible, une méthode d'évaluation autre que la méthode par comparaison peut être utilisée à condition qu'elle autorise de fixer la valeur vénale réelle du bien en cause ; que, toutefois, le méthode à une telle méthode doit revêtir un caractère exceptionnel et ne peut concerner que des situations dans lesquelles toute comparaison est totalement impossible ; qu'en se bornant, au cas présent, à considérer que l'administration fiscale pouvait faire valoir qu'une évaluation au moyen de termes de comparaison constituée par des appartements occupés n'était pas adéquate alors même qu'il s'agissait de biens loués, sans constater expressément que toute comparaison était impossible, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 17 et L. 55 du Livre des procédures fiscales.