LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que reprochant à Mme X... et à l'Association pour la sauvegarde du site et le maintien du souvenir, musée de Pegasus-Bridge (l'ASPEG) d'avoir fait figurer sur un site internet, d'une part, des fausses informations et des images truquées de nature à entretenir une confusion préjudiciable au musée Mémorial Pegasus qu'il exploite, d'autre part, des documents provenant de celui-ci, sans que son autorisation ait été sollicitée, le Comité du débarquement les a assignées en cessation de ces agissements ; que Mme X... et l'ASPEG ont formé une demande reconventionnelle en restitution de documents et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... et l'ASPEG font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que l'emprunteur, tenu de conserver la chose prêtée et de la restituer après usage, a qualité pour en obtenir la restitution d'un tiers la détenant sans droit ni titre ; qu'en déboutant Mme X... et l'ASPEG de leurs demandes de restitution et d'indemnisation aux motifs qu'il appartenait aux seuls propriétaires des biens litigieux qui les avaient prêtés à l'ASPEG et non au Comité du débarquement de faire valoir leur droit de propriété « mais qu'en aucun cas Mme X... ou l'ASPEG ne sauraient se substituer à eux pour obtenir restitution desdits objets » cependant que Mme X... et l'ASPEG, emprunteurs à usage, avaient qualité pour obtenir la restitution des objets qui leur avaient été prêtés, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et 1880 du code civil, ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que Mme X... et l'ASPEG déboutées de leur action exercée devant les juridictions pénales en qualité de propriétaires des objets litigieux, se soient prévalues de celle d'emprunteurs à usage de ceux-ci ; qu'il s'ensuit que le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que pour interdire à Mme X... de reproduire sur son site internet les propos litigieux et de se prévaloir d'un lien quelconque direct ou indirect avec le Comité du débarquement et/ ou le musée Mémorial Pegasus de Ranville et pour la condamner in solidum avec l'ASPEG à payer des dommages-intérêts, l'arrêt énonce que lesdits propos revêtent un caractère mensonger et que ceux-ci comme la confusion entretenue par Mme X... et l'ASPEG sur leur site internet lui ont causé un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi, et que les propos reproduits, fûssent-ils mensongers, n'entrent dans aucun de ces cas, la cour d'appel a violé par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a interdit à Mme X... de reproduire sur son site internet les propos litigieux et l'a condamnée in solidum avec l'Association pour la sauvegarde du site et le maintien du souvenir, musée de Pegasus-Bridge, à payer 1 500 euros de dommages-intérêts au Comité du débarquement, l'arrêt rendu le 15 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le Comité du débarquement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour l'Association pour la sauvegarde du site et le maintien du souvenir, musée de Pegasus-Bridge et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait interdiction à Madame X... de reproduire sur son site internet les propos suivants : « la mise en valeur historique du Calvados revient à Françoise dès 1969 … elle est l'authentique fondatrice de toute cette entreprise historique du Calvados » ; « l'ASPEG est dépositaire de la vérité historique dont le général Sir Richard Y... ainsi que le patronage en ont fait officiellement l'héritière dans tout son authentique légitimité » ; « si Musée il y a, c'est parce que Georges et Thérèse X... ont pieusement gardé tous ces témoignages, collections et amitiés au sein de la 6e division aéroportée britannique à laquelle ils appartenaient » ; « Françoise X... : Fondatrice historique de cet ancien Musée ainsi que du nouveau », d'AVOIR fait interdiction à Madame X... et à l'ASPEG de se prévaloir d'un lien quelconque, direct ou indirect avec le COMITE DU DEBARQUEMENT et/ ou le Musée Mémorial PEGASUS de RANVILLE et ce, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision et d'AVOIR condamné in solidum Madame X... et l'ASPEG à payer au Comité du débarquement la somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE s'il ne peut être contesté que Françoise X... et l'ASPEG ont largement contribué à la création d'un site dédié à l'histoire de la 6thD. A. il n'en demeure pas moins que Madame X... n'a jamais fait partie du conseil d'administration du COMITE DU DEBARQUEMENT et ne peut en conséquence se prévaloir sur son site internet de la qualité de fondatrice des musées « Pégasus Bridge » et de Bénouville et de Ranville ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré qu'elle tenait sur son site internet des propos mensongers en prétendant notamment que : « la mise en valeur du site historique du Calvados revient à Françoise dès 1969 … Elle est l'authentique fondatrice de toute cette entreprise historique du Calvados : l'ASPEG, dépositaire de la vérité historique dont le général Sir Richard Y... ainsi que le patronage en ont fait officiellement l'héritière dans son authentique légitimité ; si musée il y a, c'est parce que Georges et Thérèse X... ont précieusement gardé tous ces témoignages, collections et amitiés au sein de la 6ème division aéroportée britannique à laquelle ils appartiennent ; elle est « fondatrice authentique de l'ancien musée ainsi que du nouveau » : il résulte en effet des documents produits par le Comité du Débarquement que ce dernier a été créé dès 1947 et que ses statuts prévoyaient qu'il avait pour objet la Commémoration par tous les moyens du débarquement de juin 1944 et que ses moyens d'action consistent dans l'organisation de cérémonies, de conférences, d'expositions, l'établissement de musées, de monuments et tous autres moyens appropriés (article 2 des statuts) ; c'est donc dans ce cadre que le Comité du Débarquement a oeuvré à la création de Pégasus Bridge ; il est d'ailleurs intéressant de constater qu'en octobre 1980 un accord a été conclu entre l'ASPEG et le trust pour préserver l'histoire de l'assaut de la 6ème division aéroportée en Normandie (A. A. N. T.) ; aux termes de cet accord il était expressément prévu que les administrateurs de l'A. A. N. T. devront nommer des représentants à l'assemblée générale du Comité du Débarquement et à la Commission administrative … et précisé « c'est par l'intermédiaire de cette Commission Administrative que les suggestions et les propositions d'amélioration du Musée Pégase ou de sa direction doivent être faites » ; cet accord est sans ambiguïté quant à la reconnaissance de la qualité du Comité du Débarquement pour administrer le musée ; de plus, le Comité du Débarquement a été créé en 1947, soit antérieurement à la naissance de Françoise X... ; s'il n'est pas contesté que de nombreux vétérans se soient rapprochés de la famille X..., première famille libérée comme le souligne Françoise X..., il n'en demeure pas moins que la famille X... n'a pas été la seule à l'origine de l'idée de création d'un Musée ; cette idée étant également à l'actif tant de l'A. N. N. T. que du Comité du Débarquement ; c'est donc à juste titre que le premier juge a fait interdiction à Madame X... d'une part de reproduire des propos mensongers, d'autre part de se prévaloir d'un lien quelconque direct ou indirect avec le Comité du Débarquement et/ ou le Musée Mémorial Pégasus de Ranville ; le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef, il sera toutefois fait droit à la demande de condamnation sous astreinte présentée par le Comité du Débarquement, les agissements de Madame X... étant de nature à porter préjudice au Comité du Débarquement ; s'il est exact que des propos diffamatoires ont été reproduits sur le site internet incriminé, il n'en demeure pas moins que seules le dispositions de la loi du 29 juillet 1881 peuvent réparer les abus de la liberté d'expression ; le Comité du Débarquement agissant sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef et le jugement confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'interdiction ; comme l'a pertinemment relevé le premier juge il ne pouvait y avoir aucune confusion dans l'esprit du public auquel s'adresse le site internet incriminé et ce dans la mesure où il existait une rubrique « MISE EN GARDE » (annexe 11 du P. V. d'huissier) aux termes de laquelle il était expressément indiqué que le Comité du Débarquement « veut s'approprier à des fins mercantiles, idéologiques, électorales et politiques, l'oeuvre accomplie par le général Y... depuis 60 ans » ; il en résulte que Madame X... ne pouvait être suspectée de créer une confusion dans l'esprit des donateurs leur laissant à penser que leurs dons étaient destinés au Comité du Débarquement ; toutefois, Madame X... et l'ASPEG faisant valoir que toute notation à caractère polémique ayant disparu de leur site internet il existe de ce fait un risque de confusion si le site n'est pas modifié et ce dans la mesure où l'intitulé du site est museedepegasusbrige @ wanadoo. fr et où il est précisé (annexe 13 du PV) « Pour tout renseignement : Musée de Pegasus Bridge » ; il convient en conséquence sous astreinte, d'enjoindre Madame X... et/ ou l'ASPEG de faire cesser la confusion et de préciser de manière claire que les fonds recueillis sont destinés à l'ASPEG et non au Musée de Pegasus Bridge ; la confusion entretenue par les appelantes sur le site, les propos mensongers et calomnieux tenus envers le Comité du Débarquement ont occasionné à ce dernier un préjudice qui sera réparé à titre de dommages et intérêts ;
1° ALORS QU'en dehors des hypothèses prévues par la loi du 29 juillet 1881, la liberté d'expression ne peut être réprimée ; qu'en faisant interdiction à Madame X... de tenir certains propos et en condamnant cette dernière au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi causé au COMITE DU DEBARQUEMENT, cependant qu'elle constatait elle-même que lesdits propos n'étaient pas diffamatoires et qu'ainsi, à supposer même qu'ils soient mensongers, ils étaient le fruit de l'exercice de la liberté d'expression exclusive de toute responsabilité, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de 1382 du Code civil ; qu'en faisant interdiction à Madame X... de tenir des propos qualifiés de « calomnieux et mensongers » (arrêt, p. 10 § 1) et en condamnant cette dernière au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi causé au COMITE DU DEBARQUEMENT cependant qu'elle constatait elle-même avoir été saisie sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... et l'ASPEG de leur demande de restitution et de leurs demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE Madame X... et l'ASPEG revendiquent en outre la restitution des collections et autres objets mobiliers détenus par le Musée de Ranville et dont elles se prétendent propriétaires ou tout au moins dépositaires ; toutefois, Madame X... et l'APSEG ayant déposé une plainte avec constitution de partie civile contre les Préfets successifs du Calvados et contre le Comité du Débarquement pour abus de confiance ou escroquerie, leur faisant reproche de retenir des objets d'origine militaire provenant de la seconde guerre mondiale qui selon elles étaient leur propriété, une ordonnance de non-lieu a été rendue par le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de CAEN, le 27 octobre 2008, confirmée par un arrêt de la Chambre de l'instruction en date du 16 décembre 2008 ; aux termes de cette dernière décision et alors que Françoise X... avait remis au juge d'instruction une importante documentation, dont il résultait selon elle son droit de propriété de l'ensemble des objets revendiqués, la Chambre de l'instruction a considéré qu'il n'existait pas de preuve de la propriété de Madame X... ou de l'ASPEG sur les objets revendiqués, mais a au contraire retenu que les investigations sur commission rogatoire avaient clairement établi que les dons depuis l'origine étaient faits au musée en vue d'une exposition et non à la personne de Françoise X... ; la Chambre de l'Instruction a considéré que l'information judiciaire n'avait démontré ni la propriété de Françoise X... ou de l'ASPEG sur les objets exposés dans l'ancien Musée de Bénouville, ni que les objets mentionnés sur l'inventaire de 1979 correspondaient à ceux mentionnés sur l'inventaire de 2000 et a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes à l'encontre du Comité du Débarquement, ni à l'encontre d'une quelconque autorité de l'Etat d'avoir indûment retenu ou détourné des objets appartenant aux parties civiles ; Madame X... et l'ASPEG ne produisent pas davantage devant la Cour d'élément permettant de faire droit à leur demande de revendication ; bien plus, il apparaît d'un courrier adressé le 3 mars 1987 par le général Sir Nigel Z..., Président de l'association de la 6e Division Aéroportée (A. A. N. T.) au juge d'instruction de CAEN que « les revendications de Madame X... causent beaucoup d'inquiétude à l'association » ; le général Nigel Z... précise « nous n'acceptions pas que Madame A... ou son association APSEG ait des droits sur le Musée ou sur les objets exposés ; le Musée appartient au Comité du Débarquement … l'ASPEG n'a joué aucun rôle dans l'administration du Musée ; plus de 90 % des objets du Musée sont à la fois la propriété du Comité du Débarquement, du Musée Central des Troupes Aéroportées à Aldershot et le reste est le bien de personnes privées ; tous ces objets sont soit prêtés ou ont été donnés au Musée » ; il est encore précisé dans ce courrier « en dépit de l'aide apportée par Madame A... au début de la création du Musée, l'Association de la 6ème division Aéroportée n'a plus confiance en elle ni dans l'ASPEG pour leur permettre d'obtenir le droit de propriété du Musée et des objets exposés » ; c'est donc à tort que Madame X... et l'ASPEG prétendent dans leurs écritures que le général Y... et les vétérans de la 6ème division ont voulu que les collections soient confiées à l'ASPEG, le courrier précité démontre au contraire que les objets ont été prêtés ou remis au Musée ; si Madame X... fait valoir que depuis l'arrêt de la Chambre de l'Instruction certaines personnes ont porté plainte contre le Comité du Débarquement, il appartiendra à ces propriétaires de faire valoir leur droit de propriété, mais en aucun cas Madame X... ou l'ASPEG ne sauraient se substituer à elles pour obtenir la restitutions des dits objets ; il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame X... et de l'ASPEG du chef des restitutions ;
ALORS QUE l'emprunteur, tenu de conserver la chose prêtée et de la restituer après usage, a qualité pour en obtenir la restitution d'un tiers la détenant sans droit ni titre ; qu'en déboutant Madame X... et l'ASPEG de leurs demandes de restitution et d'indemnisation aux motifs qu'il appartenait aux seuls propriétaires des biens litigieux qui les avaient prêtés à l'ASPEG et non au COMITE DU DEBARQUEMENT de faire valoir leur droit de propriété « mais qu'en aucun cas Madame X... ou l'ASPEG ne sauraient se substituer à eux pour obtenir restitution desdits objets » (arrêt, p. 12 § 1) cependant que Madame X... et l'ASPEG, emprunteurs à usage, avaient qualité pour obtenir la restitution des objets qui leur avaient été prêtés, la Cour d'appel a violé les articles 31 du Code de procédure civile et 1880 du Code civil, ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme.