Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Daves Place des Etats-Unis, dont le siège est 14 rue de Siam à Paris (75116), par Me Bellony ; la société Daves Place des Etats-Unis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902911/2 du 19 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Appèche, rapporteur,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,
-et les observations de Me Lew, substituant Me Bellony, pour la société Daves Place des Etats-Unis ;
- Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 22 janvier 2013, pour la société requérante ;
1. Considérant que la société Daves Place des Etats-Unis relève appel du jugement n° 0902911/2 du 19 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la société Daves Place des Etats-Unis contestait en première instance le mode d'évaluation du terrain mis en oeuvre par l'administration, qui conduisait, selon elle, à une surestimation de celui-ci ; que les premiers juges ont répondu, dans leur jugement, de manière suffisamment motivée à ce moyen, en exposant les raisons pour lesquelles la méthode appliquée par l'administration leur paraissait avoir permis une évaluation correcte du prix de revient du terrain composant l'ensemble immobilier inscrit en immobilisation au 1er juin 2002, et cela nonobstant le fait qu'ils n'auraient pas répondu à l'ensemble des arguments de la société tendant à réfuter l'existence d'un usage des sociétés foncières en matière de ventilation du prix de revient des ensembles immobiliers entre terrains d'une part et constructions d'autre part ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A (...) " ; que l'article L. 57 du même livre, dans sa rédaction applicable en l'espèce, précise que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a indiqué, dans la proposition de rectification adressée à la société Daves Place des Etats-Unis le 8 octobre 2007, qu'il s'appuyait, pour corriger le montant des amortissements comptabilisés et déduits de ses résultats par la société contribuable, sur la référence à quinze immeubles comparables dont il indiquait l'adresse, la date d'achat et la répartition de prix entre terrain d'assiette et construction ; qu'il a donné une désignation et une description suffisantes des biens auxquels il se référait pour mettre la société en mesure de demander la communication des documents correspondants ; qu'en tout état de cause, l'administration était seulement tenue, ainsi qu'elle l'a fait dans sa réponse aux observations du contribuable, de communiquer à la société requérante, sur sa demande, les informations obtenues par l'exercice de son droit de communication ; que, par suite, la société Daves Place des Etats-Unis n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu faute pour l'administration de l'avoir mise à même de discuter les éléments de comparaison dont elle s'était servie pour asseoir les redressements ;
5. Considérant, en second lieu, que, si la société requérante, qui fait valoir que l'administration jouit de facilités d'accès aux fichiers informatiques contenant des données relatives aux transactions immobilières beaucoup plus grandes que celles dont elle-même bénéficie, a entendu relever un déséquilibre incompatible avec le principe de l'égalité des armes entre les parties au procès, énoncé au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces stipulations ne sauraient être utilement invoquées dans une procédure relative à l'assiette de l'impôt qui ne porte, par suite, ni sur une contestation de caractère civil, ni sur une accusation en matière pénale, au sens de ces stipulations ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. Considérant que la société Daves Place des Etats-Unis, qui avait pour objet l'activité de marchand de biens, a acheté le 31 mars 1999 pour le prix de 125 millions de francs, soit 19 056 127 euros, un ensemble immobilier à usage de bureaux situé place des Etats-Unis, à Paris (16ème), en vue de sa revente ; que, toutefois, les associés ayant décidé, le 2 décembre 2000, de supprimer de ses statuts l'activité de marchand de biens, la société a inscrit, au titre des exercices clos en 2000 et 2001, l'ensemble immobilier objet de travaux de démolition partielle et de restructuration des bâtiments d'origine, ainsi que de construction de structures nouvelles, au compte "immobilisations en cours" pour son prix d'achat abondé du montant des travaux en cours ; que le montant total de ces travaux, réalisés entre le 1er décembre 2000 et le 1er juillet 2002, s'est élevé à 15 304 563 euros ; que la société Daves Place des Etats-Unis, ayant donné en location le nouvel ensemble immobilier à compter du 1er juin 2002, a inscrit celui-ci en immobilisation en estimant que le prix de revient du terrain correspondait à 30 % du prix d'achat de l'immeuble, soit 5 716 838 euros ;
7. Considérant que, dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité engagée à l'encontre de la société Daves Place des Etats-Unis au titre des exercices clos les 31 décembre 2004 et 2005, l'administration a estimé que celle-ci avait sous-estimé la part du prix de revient de l'ensemble immobilier correspondant au terrain et surestimé celle correspondant aux constructions amortissables ; qu'elle a, en conséquence, ramené la base de calcul des amortissements à 2 219 389 euros, remis en cause une partie des amortissements réputés différés imputés par la société sur ses résultats fiscaux des exercices clos en 2004 et 2005 et procédé aux rehaussements desdits résultats ;
8. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts " ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts que la valeur d'origine servant de référence à l'inscription en immobilisation d'un bien acquis à titre onéreux est constituée du prix d'achat, le cas échéant majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien ; qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté par la société, que l'ensemble des travaux de démolition et de reconstruction réalisés entre 2000 et 2002 sur l'immeuble en cause l'ont été dans le cadre d'un projet unique, en vue de sa mise en état à des fins locatives, nonobstant le fait allégué que ces travaux n'auraient porté que sur les constructions ; que, par suite, l'inscription en immobilisation de l'ensemble immobilier doit se faire par référence à sa valeur d'origine appréciée en juillet 2002, soit 34 360 690 euros correspondant aux prix d'achat de l'immeuble pour un montant de 19 056 127 euros augmenté du coût des travaux, dont le montant de 15 304 563 euros n'est pas contesté ;
10. Considérant que la société Daves Place des Etats-Unis avait en 2002, lors de l'inscription en immobilisation de l'ensemble immobilier, retenu pour le terrain une valeur de 5 716 838 euros correspondant à 30 % du prix d'achat de 125 millions de francs (19 056 127 euros) versé en 1999 pour l'ensemble immobilier ; qu'elle conteste la valeur du terrain retenue à l'issue des opérations de vérification par l'administration, qui estime que celui-ci devait être inscrit en 2002 pour un montant de 16 836 738 euros correspondant à 49 % de la valeur d'origine appréciée en juillet 2002 de l'ensemble immobilier ;
11. Considérant que, pour démontrer, ainsi qu'il en a la charge, que la valeur de la part non amortissable représentant la valeur du terrain retenue par la société était insuffisante, le vérificateur s'est fondé sur la pratique de douze sociétés foncières, propriétaires de quinze immeubles de l'ouest parisien mis en location, retenant pour le terrain un taux compris entre 40 % et 58 % ; qu'après avoir établi une moyenne sur la base de ces éléments, il a déterminé un rapport de 49 % entre le prix du terrain et le prix de l'immeuble ;
12. Considérant, d'une part, que, si la société Daves Place des Etats-Unis, pour proposer une méthode alternative à celle de l'administration, invoque les ratios qu'auraient utilisés trois sociétés foncières, il n'est pas contesté que l'une de ces trois sociétés exerce son activité dans l'habitat social, ce qui n'est pas le cas de la société requérante ; que l'administration fait valoir sans contredit utile que les ratios utilisés par les deux autres sociétés s'élèvent en réalité à 61 % et 48 % ; que, si la société produit, à l'appui de la répartition qu'elle revendique entre amortissement et immobilisation, une étude de l'association française des sociétés d'expertise immobilière d'avril 2003, qui recommande de retenir le taux d'un tiers pour les commerces et centres commerciaux, activités que n'a pas vocation à abriter le bien de la société requérante, ou de 30 à 35 % pour les immeubles d'habitation d'entreprise d'une valeur foncière équivalente, ce document ne constitue pas un justificatif suffisamment pertinent d'une méthode alternative ;
13. Mais considérant, d'autre part, que la société reproche au vérificateur d'avoir choisi des immeubles comme termes de comparaison en raison essentiellement de leur situation dans le même secteur géographique que le terrain en cause, sans tenir suffisamment compte de facteurs physiques tels que la qualité de la construction, l'état des immeubles et la configuration des constructions ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au moment de l'inscription en immobilisation de l'ensemble immobilier de la société requérante, des travaux importants de restructuration et de construction venaient d'être achevés, qui ont nécessairement eu pour effet de renchérir la valeur des constructions elles-mêmes ; que, dès lors, en estimant que la valeur du terrain représentait 49 % de la valeur en 2002 de l'ensemble immobilier, soit le taux moyen calculé sur les quinze éléments de comparaison qu'elle avait retenus, plutôt que de retenir un taux de 40 % proche de celui constaté pour quatre des termes de comparaison qu'elle avait sélectionnés, l'administration a, en l'espèce, surestimé la part du terrain dans le prix de revient de l'immeuble à la date de son inscription en immobilisation ; que, d'ailleurs, la valeur en 2002 du terrain telle que fixée par l'administration représente plus de 80 % du prix auquel la société requérante avait acheté l'ensemble immobilier en 1999, alors même que l'administration indique dans ses écritures que la pratique des sociétés foncières consistant à affecter au terrain une part s'établissant entre 40 % et 60 % de l'ensemble présente un caractère constant et persistant sur la période allant de 1995 à 2002 ; que, par suite, la société Daves Place des Etats-Unis est seulement fondée à contester, dans la mesure où elles reposent sur une valeur du terrain en 2002 excédant 13 744 276 euros et donc sur une base d'amortissement inférieure à 5 311 850 euros, les rectifications auxquelles l'administration a procédé concernant les amortissements et amortissements réputés différés et, dans cette même mesure, les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contributions complémentaires à cet impôt qui en ont résulté au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Daves Place des Etats-Unis est fondée à soutenir que, dans les limites définies ci-dessus, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société requérante sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La société Daves Place des Etats-Unis est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt mis à sa charge au titre des exercices clos en 2004 et 2005 en tant qu'ils découlent d'une fixation à un montant supérieur à 13 744 276 euros de la valeur devant être inscrite en juin 2002 en immobilisation pour le terrain sis 12 place des Etats-Unis et 22 rue Galilée et à un montant inférieur à 5 311 850 euros de la base d'amortissement.
Article 2 : Le surplus de la requête de la société Daves Place des Etats-Unis est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 0902911/2 du 19 juillet 2011 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 08PA04258
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N° 11PA04582